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Coup d'accèlèrateur sur les marchés Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2021-04-09

  • Les actions européennes tiennent la corde malgré la 3ème vague
  • Les États-Unis profitent du statut de monnaie de réserve du dollar
  • Conclusion

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Les actions européennes tiennent la corde malgré la 3ème vague

Pour de nombreux investisseurs, la performance des actions européennes depuis le début de l’année, supérieure à 10% pour l’indice Stoxx 600, a de quoi surprendre. Le Vieux Continent n’est pas loin d’accumuler toutes les turpitudes. La gestion de la crise sanitaire ne laisse pas d’alimenter les critiques sur la piètre qualité du personnel politique aux commandes et l’incurie des fonctionnaires de Bruxelles. La campagne de vaccination a tourné au fiasco alors que le principe de précaution poussé à son paroxysme conduit les autorités à exprimer publiquement leur méfiance à l’égard d’un sérum dont on accuse « en même temps » le fabricant AstraZeneca de ne pas respecter ses engagements contractuels – c’est le « voyage en Absurdie » dont semblent friands les Européens. L’Union européenne et le Royaume-Uni se disputent déjà alors que les signatures au bas de l’accord sur le Brexit sont à peine sèches. La troisième vague de la Covid-19 renforcée par la virulence des nouveaux variants est combattue par des stratégies de « stop and go » qui alternent confinements partiels et desserrements des mesures de restriction de circulation, stratégies dont le but est d’éviter une saturation des services hospitaliers et qui ont pourtant démontré leur parfaite inefficacité à diminuer le taux de mortalité, et leurs effets délétères sur l’activité économique. La comparaison avec de nombreux pays dans le monde est malheureusement sans appel (cf. étude récente de l’institut économique Molinari). La France, par exemple, n’a ni réussi à protéger sa population, ni préservé son économie. Le plan de relance de 750 milliards d’euros n’est toujours pas ratifié par les vingt-sept États membres, malgré son urgence et surtout sa taille devenue sous-dimensionnée compte tenu de la durée plus longue que prévu de la crise sanitaire. La Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a suspendu le processus de ratification afin que des recours d’eurosceptiques contre la possibilité pour la Commission d’émettre de la dette et contre le programme de rachat d’actifs de 1 850 milliards d’euros de la Banque centrale européenne (BCE) puissent être traités. La majorité des observateurs estime que les premières tranches de fonds seront disponibles au plus tôt à la fin de l’été – dix-huit mois après le déclenchement de la crise !

Comparée à l’ouverture rapide de l’économie américaine grâce à une campagne de vaccination rondement menée et des plans de relance qui permettent d’envisager une croissance économique réelle proche de 8% en 2021, l’Union européenne fait pâle figure. La BCE est finalement la seule institution fédérale qui fonctionne correctement et pérennise le projet européen et la monnaie unique en assurant la solvabilité des pays surendettés. Néanmoins, le tableau que nous venons de dépeindre ne rend pas compte d’une réalité fondamentale : les actions européennes sont davantage influencées par la croissance mondiale que par les turpitudes du Vieux Continent. C’était déjà la principale leçon à tirer de la saison des publications des résultats du 4ème trimestre 2020, globalement de bonne facture, et des premières prévisions pour 2021 plutôt rassurantes. Plus de 55% des revenus des entreprises de l’indice MSCI Europe sont générés dans le reste du monde. De nombreux groupes industriels et technologiques profitent ainsi du dynamisme de la croissance économique aux États-Unis et dans la zone Asie-Pacifique portée par le formidable moteur chinois. Les entreprises européennes, dont 21% des revenus sont générés aux États-Unis en moyenne, profiteront pleinement des plans de relance de l’Administration Biden. On peut citer des groupes tels que le leader mondial des équipements électriques Schneider Electric (dont environ 10% des ventes sont aussi réalisées en Chine) ou encore le groupe irlandais de matériaux de construction CRH exposé aux États-Unis à hauteur des deux-tiers de son cash-flow d’exploitation. L’autre atout majeur de l’Europe est sa forte exposition à la thématique « value » qui revient en force depuis l’automne 2020 et que nous avons détaillée dans nos lettres mensuelles précédentes. Sur les quinze dernières années, la part des fonds globaux qualifiés de « value » s’est effondrée de 30% à environ 5% aujourd’hui (source : J.P. Morgan Asset Management), ce qui en dit long sur la désaffection chronique dont a souffert cette stratégie d’investissement jusqu’à très récemment. Pour terminer, les flux d’investissement ESG (acronyme pour « environmental, social and governance »), qui représentent à présent près de la moitié des flux de capitaux investis, selon J.P. Morgan Asset Management, trouvent en Europe de nombreuses sociétés qui bénéficient de la volonté politique forte de l’UE de
promouvoir la transition numérique et la lutte contre le dérèglement climatique. 30% du stimulus budgétaire de l’Union concernent ces sujets dans lesquels les Européens sont considérés comme des leaders mondiaux. Le vivier de sociétés cotées dans les nouvelles technologies et la transition énergétique est profond et offre de nombreuses possibilités pour les investisseurs intéressés par les énergies renouvelables, le thème très vaste de l’électrification de l’économie, ou encore l’hydrogène.

Ainsi, la performance des actions européennes n’a rien à envier à celle des actifs américains depuis le début de l’année. Elle est même en avance exprimée en devise locale - c’est-à-dire en faisant fi de la hausse du dollar face à l’euro - , ce qui met en évidence le potentiel de revalorisation des actifs européens si la résolution de la crise sanitaire n’avait pas pris un bon trimestre de retard.

Les Etats-Unis profitent du statut de monnaie de réserve du dollar

Trump l’avait bien compris : le statut privilégié du dollar comme monnaie de réserve dont continue de dépendre le reste du monde permet aux États-Unis de vivre largement au-dessus de leurs moyens et de continuer de s’endetter en creusant les déficits jumeaux que sont la balance commerciale et le déficit budgétaire. La nouvelle Administration démocrate est passée à la vitesse supérieure avec la bienveillance monétaire de la Réserve fédérale prête à accepter une remontée temporaire de l’inflation au-delà de l’objectif moyen de 2%. Les montants en jeu sont historiques. Le plan de 1 900 milliards de dollars (près de 10% du PIB) voté il y a quelques semaines ajouté aux 900 milliards d’impulsion budgétaire adoptée par la précédente Administration républicaine permettait déjà d’anticiper un impact positif de l’ordre de 3% - voire peut-être 4% - sur l’estimation du PIB américain en 2021, et un relèvement des bénéfices par action de l’ordre de 10 à 15% (source : Les Cahiers Verts de l’Economie) ! Le nouveau plan proposé qui sera discuté dans les prochaines semaines, axé sur les infrastructures (au sens large car il concerne également les investissements dans le domaine social, les infrastructures résidentielles et non résidentielles, et les investissements dans la transition énergétique et le numérique) et d’un montant total de 2 250 milliards de dollars dépensés sur dix ans, représente environ 1% du PIB américain par an. Il s’accompagne néanmoins d’une hausse de la fiscalité, plus précisément d’un détricotage d’une grande partie de la réforme de Donald Trump puisque le taux d’imposition des bénéfices des entreprises passerait de 21% à 28% (en ligne avec le programme électoral démocrate) et que la taxe des multinationales sur les revenus étrangers issus des brevets et des actifs intangibles appelés « global intangible low-taxed income » (Gilti) passerait de 10,5% à 21%, en vue de gêner l’optimisation fiscale des sociétés dans les juridictions à la fiscalité avantageuse. Cette révision à la hausse de la taxe sur le « Gilti » est une mauvaise nouvelle pour le secteur technologique largement favorisé par la réforme de la précédente Administration républicaine et dont le taux moyen d’imposition est aujourd’hui à peine supérieur à 15%. Selon les estimations des économistes des Cahiers Verts de l’Economie, l’impact négatif de la réforme fiscale Biden (1 350 milliards de dollars de prélèvements supplémentaires sur dix ans selon l’institut Committee for a Responsible Federal Budget), qui devrait être déployée dès 2022 pour financer une partie des plans de relance, serait de l’ordre de 10% des bénéfices des entreprises. A cela devraient s’ajouter une hausse de le pression fiscale sur les ménages les plus aisés ainsi qu’un relèvement des impôts sur les plus-values boursières et les dividendes, autant de mesures qui ne sont pas favorables à Wall Street.

La remise en cause de la réforme fiscale de Donal Trump, qui avait permis de doper les bénéfices des entreprises américaines d’environ 10%, est parfaitement cohérente avec le programme électoral des démocrates. Cependant, elle risque de neutraliser une part significative des effets positifs attendus du nouveau programme de relance « The American Jobs Plan » sur les résultats des sociétés. Après les nouveaux records atteints par les marchés boursiers, les investisseurs pourraient finir par s’en inquiéter.

Conclusion

Les investisseurs semblent avoir compris que le rendement des free-cash-flows des grands indices boursiers proche de 5%, sa moyenne historique de long terme, offrait un coussin de sécurité appréciable qui éloigne le scénario d’éclatement de bulle. L’ampleur des excès observés (cryptoactifs, économie verte, certaines start-up…) n’est pas en mesure de déstabiliser l’ensemble des marchés financiers. Alors que les actifs américains sont favorisés par une ouverture rapide de leur économie domestique, les actions européennes sont portées par leur exposition à la croissance mondiale tirée par la Chine et les États-Unis. Les actifs risqués sont recherchés alors que les taux d’intérêt réels – après inflation – restent en territoire négatif et que les principales banques centrales confirment leur bienveillance monétaire. Les secteurs réputés « value » continuent de bénéficier des perspectives de sortie de crise sanitaire et d’un rééquilibrage des portefeuilles des investisseurs désireux de réduire leur exposition aux segments les plus chers de la cote. La consolidation boursière des grandes valeurs technologiques américaines depuis l’été 2020 est finalement une excellente nouvelle, puisqu’elle réduit les inquiétudes d’éclatement de bulle et crée des opportunités d’achat sur repli sur les plus beaux noms générateurs de solides cash-flows. A court terme, nous ne voyons que des évènements inattendus de nature géopolitique pour freiner l’optimisme affiché par les marchés boursiers. A cet égard, les investisseurs observeront avec attention la confrontation entre la Chine et les États-Unis qui n’a pas diminué en intensité depuis que Joe Biden occupe la Maison-Blanche.


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