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Des marchés sans direction Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2023-05-05


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Alors que la saison des publications des résultats trimestriels bat son plein, les investisseurs attendent d’y voir plus clair s’agissant de la trajectoire de l’inflation et des prochaines décisions de politique monétaire. Les principaux indices boursiers, en territoire positif depuis le début de l’année, marquent une pause finalement bien venue tandis que quelques nuages assombrissent l’horizon (banques régionales américaines, plafond de la dette fédérale, risques d’escalade du conflit russo-ukrainien…). L’hypothèse d’une courte récession aux États-Unis dans la seconde partie de l’année semble devenir le scénario central des acteurs économiques.

Reflux du stress financier accompagné de quelques répliques sismiques

Les craintes d’une crise financière provoquée par les politiques de resserrement monétaire et la forte hausse des taux d’intérêt se sont atténuées malgré quelques répliques sismiques liées à la faiblesse des banques régionales américaines. La rapidité de réaction des autorités a permis d’éviter que la chute de quelques établissements de petite taille ne se transforme en panique généralisée. Les banques systémiques semblent d’ailleurs sortir renforcées de cette crise (gains de parts de marché par rapport aux établissements plus fragiles et victimes expiatoires d’une régulation laxiste - cf. notre précédente lettre mensuelle). Le scénario d’une prochaine récession aux États-Unis est néanmoins remis sur le tapis. Le resserrement des conditions de crédit provoqué par ce stress bancaire qui s’ajoute à la hausse des coûts de financement (crédits moins abondants et plus chers) fragilise en effet la demande finale après des mois de bonne résistance. Nous rappelons en guise d’illustration que les banques régionales américaines octroient environ trois quarts des prêts bancaires aux acteurs de l’immobilier commercial américain.

Jusqu’à présent, la bonne tenue du marché de l’emploi et les résultats financiers élevés des entreprises (pic de profitabilité à la sortie de la pandémie) avaient permis d’absorber le choc d’inflation historique. La croissance en volume de l’activité fut d’ailleurs bien meilleure qu’attendu durant l'hiver (bonne tenue des services et de la consommation), ce que nous espérions suite aux nombreux contacts entretenus durant les premiers mois de l’année par nos analystes avec des entreprises actives dans différents secteurs. Le scénario de récession semblait ainsi s’éloigner pour longtemps alors que le processus de désinflation laissait espérer la fin prochaine du cycle de hausse des taux directeurs de la Réserve fédérale. Cependant, les indicateurs économiques récents pointent bien vers un ralentissement de la consommation des ménages (deux tiers du PIB américain) et vers un affaiblissement du cycle d’investissement et de la production industrielle des entreprises. L’économie américaine devrait finalement payer le prix de l’ampleur exceptionnelle du resserrement de la politique monétaire de la Fed. La crise des banques régionales a sans doute amputé la croissance de quelques dixièmes de points.

Une récession de durée courte et d’ampleur limitée compte tenu de l’absence de forts déséquilibres macroéconomiques (situation financière solide des ménages et des entreprises, sans comparaison avec 2008) serait au demeurant une bonne nouvelle pour la Réserve fédérale qui reste insatisfaite de l’évolution de l’inflation sous-jacente, hors énergie et produits alimentaires. Le combat contre l’inflation n’est pas encore gagné. Il doit passer par une phase de contraction de la demande finale. Seul un retour du rythme de la hausse des prix à un niveau proche de la cible de 2% permettra à la Fed d’envisager sérieusement une baisse de ses taux directeurs. Nous n’y sommes pas encore. Nous notons toutefois que la progression des salaires aux États-Unis, un peu supérieure à 4% sur un an au mois de mars (contre près de 6% au printemps 2022) continue de décélérer : la spirale prix-salaires, cauchemar des banquiers centraux, n’a pas eu lieu. Cette modération salariale n’est pas encore visible en Europe où l’inflation sous-jacente demeure trop soutenue aux yeux des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE). Seule la composante énergie explique le reflux des indices de prix. La bonne nouvelle est néanmoins la normalisation observée dans de nombreuses chaînes logistiques, ce qui explique les moindres pressions à la hausse sur les prix de vente des entreprises.

Quelles leçons tirer des publications de résultats des entreprises ?

Le thème principal débattu au sein des milieux financiers durant l’automne dernier concernait le scénario de récession qui finit par s’imposer dans les esprits de nombreux acteurs économiques et qui explique la prudence générale dans les prévisions élaborées à l’époque par les entreprises pour l’exercice 2023. Cette prudence légitime a d’ailleurs accompagné la décrue progressive des consensus bénéficiaires depuis l’été 2022. Même si le scénario central retenu était une récession plutôt modérée dans son ampleur et de courte durée (prévue autour de l’hiver 2022-2023 en Europe, plus tardivement aux États-Unis), nous estimions alors que les objectifs financiers des entreprises étaient suffisamment prudents (en particulier dans les secteurs les plus cycliques) pour espérer des surprises positives à l’occasion des publications des résultats du 1er trimestre. C’est précisément ce que nous avons observé ces dernières semaines. En général, les résultats publiés de part et d’autre de l’Atlantique ont dépassé les attentes des analystes financiers, ce qui traduit une activité économique finalement meilleure qu’attendu (surtout dans les services), les effets toujours positifs de la hausse des prix de vente sur les marges des entreprises et la normalisation des chaînes logistiques qui atténue les effets du choc inflationniste sur les coûts de production. Alors que le consensus bénéficiaire des actions américaines (progression attendue des résultats trimestriels) avait abandonné 2 à 4% chaque trimestre depuis le printemps 2022, les attentes des analystes pour le 1er trimestre 2023 se sont légèrement redressées durant le mois d’avril, ce qui indique que les bonnes surprises dépassent légèrement les mauvaises en termes de publications. Nous pouvons donc nous réjouir même si le consensus pour le 1er trimestre 2023 pointe toujours vers une contraction des bénéfices des actions américaines de 4% sur un an (contre -6,7% attendus à la fin du mois de mars) : la récession des profits a bien eu lieu, après le niveau de profitabilité exceptionnel et non pérenne atteint durant la période s’étalant du début 2021 à l’été 2022, au sortir de la pandémie.

S’agissant du 2ème trimestre (et du reste de l’année), les bonnes et mauvaises surprises en termes de prévisions de résultats se neutralisent jusqu’à présent. Le consensus s’est ainsi stabilisé à -5% de contraction des profits sur un an. Notons toutefois que si les analystes prévoient une légère progression des ventes au 1er trimestre (environ 3% sur un an), les estimations pour le trimestre en cours sont compatibles avec le ralentissement économique observé (stabilité attendue des chiffres d’affaires agrégés). En général, si les résultats trimestriels ont dépassé les attentes, les prévisions pour le reste de l’année sont plus mitigées. Les entreprises préfèrent adopter une vision prudente, quitte à devoir revoir à la hausse, plus tard dans l’année, leurs prévisions si l’environnement macroéconomique s’améliore. Le consensus prévoit une stabilité des profits et une légère hausse des ventes (+2%) des entreprises américaines pour l’ensemble de l’exercice 2023. Les attentes sont fort semblables en Europe.

Ainsi, les indices boursiers semblent vouloir marquer une pause. Les investisseurs sont dans l’attente des décisions des banques centrales. Aucun style de gestion entre « croissance » et « value » ne se démarque ces dernières semaines, ce qui illustre la grande circonspection des marchés. Nous notons toutefois la décrue des prix pétroliers (malgré l’intervention récente de l’OPEP) et la morosité sur les marchés des métaux industriels qui témoignent des perspectives économiques mitigées.


Conclusion

Nous le répétons une fois encore : les actions américaines ne sont pas bon marché ni dans l’absolu (multiple de capitalisation du marché égal à 18 fois les résultats attendus sur les douze prochains mois, contre une moyenne historique à dix ans de 17,3 fois) ni en relatif, compte tenu des taux obligataires en dollar qui offrent une alternative aux actifs risqués dans un contexte de récession bénéficiaire et de fragilisation de la dynamique de croissance de l’économie des États-Unis. En outre, nous ne pouvons exclure une remontée de l’aversion pour le risque. La crise des banques régionales n’est pas complètement résolue alors que surgit la question du plafond de la dette fédérale américaine. La performance boursière exceptionnelle de quelques grands leaders de la technologie, justifiée par la bonne résistance de leurs résultats financiers et poussée par l’engouement pour le déploiement rapide de l’intelligence artificielle générative (Nvidia, Microsoft), ne peut faire oublier le marasme du reste de la cote qui témoigne de la grande circonspection des investisseurs. Selon un sondage récent du magazine Barron’s, 52% des gérants d’actifs interrogés s’attendent à ce que le return des obligations soit supérieur à celui des actions en 2023. 47% pensent que les actions américaines sont surévaluées, et seulement 8% considèrent qu’elles sont sous-évaluées. Au 30 avril, cinq sociétés technologiques - Apple, Microsoft, Nvidia, Meta et Amazon.com - représentent à elles-seules près de 60% de la performance du marché américain. En Europe, les faibles valorisations permettent de soutenir les indices alors que la saison des résultats se révèle moins mauvaise que prévu. Toutefois, les prévisions communiquées pour le reste de l’année indiquent une plus grande prudence des directions financières.

Des marchés qui évoluent sans conviction, sans réelle direction, offrent un environnement favorable aux investisseurs adeptes du stock picking (sélection de valeurs individuelles au détriment des fonds indexés ou ETF). Contrairement aux grands indices, de nombreuses sociétés cotées offrent de la valeur et de bonnes perspectives pour les prochains trimestres. Le scénario d’une courte récession aux États-Unis dans la seconde partie de l’année, qui permet d’espérer la poursuite du processus de désinflation et finalement la fin du cycle de resserrement monétaire, est parfaitement compatible avec un comportement attentiste des indices boursiers, accompagné de phases de rotation sectorielle plus ou moins violentes. Dans ce contexte particulièrement incertain (inflation, politiques monétaires, géopolitique) qui offre toutefois de belles opportunités dans des thématiques porteuses (transformation digitale, électrification de l’économie, décarbonation, semi-conducteurs, reprise de la croissance chinoise, secteurs porteurs de la défense et de la cybersécurité…), nous privilégions les dossiers les plus solides du point de vue de leur bilan, capables d’autofinancer leurs investissements de croissance. Les valorisations de marché qui reflètent déjà un coup de frein significatif de l’activité au second semestre sont à étudier avec attention lorsqu’elles négligent la robustesse des fondamentaux à plus long terme.

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