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Donald Trump sonne la fin de la partie Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-06-05

  • Les négociations commerciales au point mort
  • La lutte pour le leadership mondial ne fait que commencer
  • Que penser des marchés financiers ?
  • Conclusion

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Les négociations commerciales au point mort

Alors que durant les premiers mois de l’année, Washington abreuvait les marchés d’informations positives sur l’évolution des négociations commerciales avec Pékin - la signature d’un traité était perçue comme imminente il y a quelques semaines à peine -, Donald Trump a brutalement interrompu la vague d’optimisme dont profitaient largement les indices boursiers. Quelques tweets auront suffi pour que les investisseurs se remettent à douter sérieusement de la volonté des deux parties prenantes de trouver un compromis acceptable. 

Des contestations pas si illégitimes ...

Néanmoins, les demandes des autorités américaines sont parfaitement légitimes ; elles sont soutenues tant par les républicains que par une large partie du camp démocrate. Il s’agit de mettre fin au pillage technologique, à l’absence d’État de droit, aux multiples discriminations dont souffrent, sur le sol chinois, les sociétés et les investisseurs étrangers, et aux liens plus qu’ambigus entre de nombreuses entreprises locales de premier plan, notamment dans les secteurs stratégiques de la technologie (cf. Huawei), le Parti communiste chinois, et l’Armée populaire de libération. Ces sujets mis sur la table par Washington, qui vont bien au-delà de simples questions de droits de douanes et de convergence de normes, réclament des engagements clairs de la part des autorités chinoises et une transcription dans le droit national des accords internationaux signés, un point de blocage pour Pékin. Il s’agit tout simplement d’exiger de l’empire du Milieu que son intégration dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 11 décembre 2001 soit bien la contrepartie de pratiques équitables à l’égard de ses partenaires commerciaux. Avec une naïveté qui confine à la bêtise, les Occidentaux, sans doute aveuglés par l’effondrement du bloc soviétique dans les années nonante, ont espéré que l’entrée de la Chine dans l’OMC allait conduire ce pays à adopter naturellement les règles du jeu internationales. Deux décennies plus tard, grâce à un accord qui lui fut extrêmement favorable, la Chine est devenue une puissance mondiale qui fait fi des bonnes pratiques et remet en cause le leadership américain. Son système politique n’a pas évolué dans le sens espéré par les Occidentaux ; il s’est même plutôt durci. 

Si les manières de Donald Trump sont parfaitement contestables, en particulier ses multiples provocations (réouverture surprenante d’un nouveau front commercial contre le Mexique malgré le nouveau traité de libre-échange signé l’an dernier) et sa décision de ne pas associer ses alliés européens aux négociations, ses inquiétudes à l’égard de la Chine sont pourtant partagées par de nombreux observateurs.

La lutte pour le leadership mondial ne fait que commencer

Sans préjuger les résultats des négociations, nous pouvons affirmer que les tensions sino-américaines sont là pour durer. Les États-Unis luttent pour préserver leur leadership économique, financier, technologique et militaire, incontesté après l’effondrement du bloc soviétique, mais mis à mal par les choix de politique étrangère plus que contestables des administrations qui se sont succédées à la Maison-Blanche depuis le début du 21ème siècle. 

Et pendant ce temps, la Chine ...

L’ambition clairement affichée par le Parti communiste chinois est de supplanter les américains dans les toutes prochaines années grâce au plan Made in China 2025. Par l’intégration économique de plusieurs dizaines de pays d’Eurasie et d’Afrique orientale au travers de projets d’infrastructures cofinancés par Pékin, la Nouvelle Route de la Soie participe de la volonté des autorités chinoises de transformer l’empire du Milieu en puissance mondiale de premier plan. Les conflits de souveraineté récurrents en Mer de Chine méridionale, alimentés par la militarisation par Pékin d’îles revendiquées et de récifs artificiels, sans grande considération pour les règles internationales fondées sur la domination occidentale, fragilisent un peu plus la présence dans le Pacifique des États-Unis dont les alliés historiques s’inquiètent de leur degré d’engagement. 

Et l'Europe?

Coincée entre deux modèles aux prétentions universalistes, l’Europe n’a pas été, jusqu’à présent, à la hauteur des défis. Qu’il s’agisse de révolution numérique ou de transition énergétique, la complexité du fonctionnement institutionnel européen et le manque de vision des gouvernements des pays membres de l’Union ont conduit à un affaiblissement de sa position dans le monde. Loin des promesses de prospérité des architectes du projet européen, la médiocrité de la croissance économique de la zone euro par rapport au reste du monde ne trouve pas seulement son origine dans le vieillissement démographique ; la faiblesse des gains de productivité joue un rôle majeur. Les américains nous imposent leurs plateformes technologiques ; les chinois contrôlent les ressources et les nouvelles technologies de la transition écologique (terres rares, batteries,…). La prochaine Commission européenne aura beaucoup à faire.

Que penser des marchés financiers ?

L’émergence de la Chine comme nouveau centre de la planète, capable de mobiliser toutes ses ressources pour transformer le reste du monde à son image, représente un formidable enjeu pour les investisseurs qui font face à un choc politique et économique sans comparaison dans l’histoire récente. Le basculement du centre de gravité économique et financier vers l’Asie met en question les stratégies d’investissement et les allocations d’actifs. La progression rapide de la taille de la classe moyenne chinoise est sans doute le phénomène le plus extraordinaire de ces vingt dernières années.

Vers une dé-segmentation des chaines de valeur

Néanmoins, les inévitables tensions géopolitiques dessineront la toile de fond à laquelle les gérants d’actifs devront s’adapter, car la lutte pour le leadership mondial entre les États-Unis et la Chine sera l’affaire d’une génération ! Les périodes de tensions succèderont aux périodes d’accalmie dont auront besoin les décideurs politiques des deux bords pour rassurer leurs populations ; l’économie mondiale s’accoutumera inévitablement à cette nouvelle donne. La dé-segmentation des chaines de valeur (localisation des productions à proximité des consommateurs), indispensable pour réduire l’impact des tensions douanières, ne pourra que s’accentuer, ce qui favorisera en premier lieu les pays dont la consommation intérieure est la plus dynamique, car capables d’attirer les investissements étrangers. Les États-Unis et la Chine feront sans doute partie des gagnants. Les modèles purement mercantilistes tels celui adopté par l’Allemagne sont menacés d’asphyxie. 

La Chine a bien compris ...

Le plan Made in China 2025 - développement de la consommation intérieure par une forte hausse du revenu par habitant, montée en gamme de l’économie, et autonomie totale dans les secteurs stratégiques tels ceux de l’énergie, du transport, des soins de santé, de la robotique ou encore des semi-conducteurs - témoigne de la volonté de la Chine de dominer les échanges mondiaux tout en assurant la prospérité de sa population. 

Trois arguments pour exclure le pire des scénarios à court terme

Dans ce contexte, les marchés sont-ils menacés de retournement ? Les plus bas niveaux du mois de décembre de l’année dernière peuvent-ils être testés à nouveau ? Même si nous conseillons de garder en portefeuille les stratégies de couverture contre les chocs inattendus et les pertes extrêmes (achat d’options de vente sur indices boursiers), nous excluons pour le moment le pire scénario pour les trois raisons suivantes : 

  1. Tout d’abord, le large stimulus monétaire et budgétaire mondial auquel s’ajoute la baisse récente des prix pétroliers soutient la demande mondiale et éloigne les risques de récession (voir nos précédentes lettres mensuelles).
  2. Ensuite, la proximité de l’élection présidentielle américaine de novembre 2020 va déterminer les décisions de Washington dans les prochains mois ; Donald Trump est en réalité déjà en campagne électorale. Il fera tout pour soutenir le cycle économique américain et Wall Street, le principal baromètre de sa politique économique qui pourrait d’ailleurs être qualifiée de parfaitement rationnelle puisque Trump utilise au maximum les avantages apportés par le statut de monnaie de réserve dont jouit le dollar. Le déficit budgétaire américain est financé sans aucune difficulté par le reste du monde (banques centrales, investisseurs non-résidents à la recherche d’actifs sans risque) ; les taux d’intérêt restent bas grâce à l’absence de pressions inflationnistes malgré le plein emploi ; la bourse américaine continue d’attirer les investisseurs à la recherche d’actifs technologiques de croissance. La cerise sur le gâteau est d’ailleurs la hausse des gains de productivité de la part d’entreprises qui font face à un marché du travail tendu, une excellente nouvelle sur laquelle nous avons mis l’accent dans notre lettre mensuelle du mois de mai. De plus, on observe une hausse du taux de participation – pourcentage des personnes en âge de travailler qui recherchent activement un emploi ou qui travaillent. Ainsi, la politique économique de Donald Trump conduit à une hausse de la croissance potentielle et à une prolongation du cycle économique sans matérialisation des risques de surchauffe attendus en fin de cycle. De nombreux électeurs américains lui en sauront gré en lui accordant leur confiance en 2020.
  3. La troisième et dernière raison concerne les fonds et les portefeuilles d’investissement gorgés de liquidités et à la recherche éperdue de rendement. Il suffirait d’une accalmie sur le front des tensions commerciales pour revoir les indices repartir à l’assaut des sommets du mois d’avril. La forte génération des cash-flows (rendement annuel des excédents de trésorerie de 5 à 6%) joue un rôle d’amortisseur pour les cours de bourse, surtout aux États-Unis où les entreprises consacrent des sommes importantes aux rachats d’actions. En Europe, les gestions privées sont gorgées de liquidités alors que la demande d’actifs sans risque reste très élevée (taux souverain allemand à dix ans à -0,20% !).

Conclusion

Avec un horizon de temps de deux à trois ans, les investisseurs ne peuvent ignorer la valeur offerte par les actions. La faiblesse de l’inflation et des taux d’intérêt rend cette classe d’actifs incontournable puisqu’elle offre des rendements bruts attendus très compétitifs, de l’ordre de 8 à 9% par an en moyenne sur une période de temps suffisamment longue. L’indice Euro Stoxx 50 des principales capitalisations boursières des bourses de la zone euro offre un rendement brut des dividendes proche de 4% . Autrement dit, il n’est pas nécessaire d’exiger un fort taux de croissance des résultats des entreprises pour décider d’investir. C’est d’ailleurs l’importance des flux de dividendes qui explique que le fonds indiciel qui capitalise les dividendes nets versés par les entreprises membres de l’indice Euro Stoxx 50 (code Bloomberg XESC GY) est encore en hausse de 12,4% depuis le début de l’année malgré une correction de 5% durant le mois de mai, qui ne fait qu’effacer la progression du mois d’avril. 

La toile de fond macro-économique ne justifie en rien une catastrophe financière, du moins tant que les taux d’intérêt demeurent inférieurs à la croissance nominale de l’économie (garantie de la solvabilité des États). Les investisseurs tout comme les entreprises n’auront d’autre choix que de s’accoutumer aux relations conflictuelles entre les États-Unis et la Chine, et à la volatilité induite sur les marchés.



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