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Faut-il tout remettre en question? Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2021-02-08

  • Situation sanitaire, vaccins et environnement économique
  • Un consensus des estimations bénéficiaires crédible
  • Conclusion

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Situation sanitaire, vaccins et environnement économique

Portés par la levée des hypothèques politiques que nous avons détaillées dans notre lettre précédente (élections et plan de relance américains, accord sur le Brexit, plan de relance de l’UE), les marchés avaient bien démarré la nouvelle année, avec une mention spéciale pour les actifs européens et la thématique cyclique « value » (banques, matières premières, chimie, construction, biens d’équipement, automobile). Les indices boursiers ont finalement marqué le pas dans les dernières séances du mois de janvier. La volatilité induite par l’affaire GameStop aux États-Unis (spéculation frénétique d’actionnaires individuels sur des titres vendus à découvert via des plateformes de trading, alimentant les rumeurs de déstabilisation de hedge funds et de courtiers en ligne) et les inquiétudes liées à la diffusion de nouveaux variants du virus SARS-COV-2 ont renforcé les craintes d’une correction plus sévère des marchés. La rotation sectorielle en faveur de la thématique cyclique « value » a logiquement fait une pause après avoir été très soutenue entre le début du mois de novembre (premières annonces positives sur les vaccins) et la mi-janvier. Les actifs européens ont subi les corrections les plus sévères. Pour le moment, nous interprétons cette consolidation comme une respiration du marché après le fort rebond des derniers mois, qui ne remet nullement en question notre scénario de base pour 2021.

Les fondamentaux sont en effet plutôt bien orientés. L’économie mondiale est bien sur la voie du redressement alors que les campagnes de vaccination montent en puissance et que les vaccins à ARN messager démontrent leur efficacité contre le variant britannique et leur capacité à s’adapter rapidement à de nouvelles mutations. Les succès enregistrés par Israël, très en avance sur le reste du monde,  sont de bon augure alors qu’une part significative des nouveaux cas concerne le variant britannique (environ un quart de la population vaccinée à la fin du mois de janvier ; études en matière d’efficacité statistiquement significatives menées sur de vastes échantillons). La campagne de vaccination est bien avancée aux États-Unis (trois fois plus d’individus vaccinés pour 100 habitants par rapport à l’Union européenne, soit près de 10% de la population, une petite victoire pour l’Administration Trump dont l’effort a porté quasi exclusivement sur l’immunité collective et qui a démontré son efficacité dans l’organisation logistique en faisant notamment appel à l’armée). L’Union européenne a connu quelques ratés à l’allumage (manque de réactivité et d’anticipation, naïveté impardonnable de Bruxelles dans ses négociations avec les laboratoires), mais les lenteurs constatées dans la vaccination des populations et les nouvelles restrictions de circulation adoptées par quelques pays (France, Allemagne, Belgique…) ne sont pas de nature à postposer le scénario d’une reprise plus franche de l’activité au-delà de deux ou trois mois. En dehors de la zone euro, qui représente moins de 10% de la croissance économique mondiale sur les dix dernières années (contre plus de 30% pour la Chine et un peu moins de 20% pour les États-Unis) et qui ne remet pas en cause les attentes d’un puissant cycle de reprise de la production et de la consommation au niveau mondial en 2021, l’activité dans les grandes zones géographiques que sont l’Asie et les États-Unis continue de se redresser. Les statistiques économiques semblent d’ailleurs indiquer que le PIB est devenu beaucoup plus résistant aux restrictions de mouvement grâce à une adaptation accélérée des entreprises (digitalisation, télétravail), des consommateurs (e-commerce), et certainement grâce au poids devenu faible des secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration dans la richesse nationale des pays les plus impactés. Les statistiques économiques du 4ème trimestre se sont finalement révélées moins mauvaises que prévu ; si l’activité du 1er trimestre devrait logiquement marquer le pas, surtout en Europe, le 2ème trimestre devrait fortement rebondir à la faveur d’une hausse des températures dans l’Hémisphère Nord, d’effets de base très favorables (confinement strict du printemps 2020) et d’une accélération des campagnes de vaccination. Les inquiétudes porteront finalement surtout sur l’apparition de nouvelles mutations et les capacités technologique et logistique des laboratoires à adapter rapidement les vaccins aux variants les plus contagieux. Sur ce point, les vaccins à ARN messager semblent offrir un avantage compétitif puisque six à huit semaines seulement seraient nécessaires pour les adapter aux nouvelles mutations.

Un consensus des estimations bénéficiaires crédible

C’est surtout du côté des résultats des entreprises que les bonnes nouvelles sont de nature à rassurer les investisseurs. Les consensus d’estimations des résultats pour l’année 2021 sont d’ailleurs plutôt orientés à la hausse. Les fabricants de semi-conducteurs et les équipementiers, l’amont de la chaîne de valeur technologique, ont ainsi démontré, par leurs publications et leurs nouvelles prévisions (ASML, Applied Materials, STMicroelectronics…), que la reprise du cycle est plus forte qu’espéré grâce à la demande du secteur automobile (électrification des véhicules, voitures autonomes), à la vigueur du marché des appareils électroniques personnels (cycle de la 5G dans les smartphones, ordinateurs personnels…) et à la demande forte de l’industrie (digitalisation, internet des objets, cloud, intelligence artificielle). En outre, les premières publications de valeurs industrielles de taille mondiale démontrent leur capacité à améliorer leur génération de free-cash-flow et à abaisser leur point mort en période de crise (hausse  du levier opérationnel). Jusqu’à présent, la saison des publications des résultats trimestriels et des premières prévisions pour 2021 conforte plutôt le consensus des estimations bénéficiaires (Stoxx 600 : croissance attendue +58,9% en 2021 après -41,3% en 2020 ; S&P 500 :  +28,6% après -20,2%, source JCF/FactSet/ODDO).

A ce stade, nous ne sommes donc pas inquiets du niveau général de valorisation des actions. Certes, il y a des signes évidents d’excès localisés sur certains segments de marché et sur quelques thèmes d’investissement très consensuels qui attirent des flux financiers importants (technologies vertes, robotique, intelligence artificielle, cryptomonnaies, nouvelles introductions boursières, comportement moutonnier des investisseurs individuels amplifié sur les réseaux sociaux…), mais les rendements attendus des free-cash-flows (cash-flows après investissements) pour l’année 2021 sont plutôt proches des moyennes historiques (entre 4 et 5%). Pour mémoire, l’éclatement de la bulle internet (2000-2001) et la crise des subprimes de 2008 sont survenus alors que le rendement des free-cash-flows du marché était inférieur à 2%. Nous insistons une nouvelle fois sur l’importance de cet indicateur car il nous renseigne sur la capacité des entreprises à rémunérer leurs actionnaires. Un rendement de 5% signifie qu’en théorie, si une société décidait de verser l’entièreté de son excédent de trésorerie généré en une seule année, ses actionnaires bénéficieraient d’un rendement brut des dividendes de 5%, un niveau remarquable par rapport aux taux d’intérêt actuels.

En appliquant un multiple historique moyen au free-cash-flow attendu en 2022 pour l’indice MSCI World afin d’obtenir un objectif pour cet indice à la fin de cette année (méthode simple souvent utilisée par les stratégistes américains au départ des bénéfices plutôt que des free-cash-flows), on obtient encore une performance de l’ordre de 8% (dividendes compris), ce qui est plutôt attrayant dans un environnement de très faibles taux d’intérêt (politiques monétaires ultra-accommodantes). Sans surprise, le potentiel de rebond en 2021 est plus significatif pour la zone euro (12%) qui ne parvient toujours pas à profiter pleinement de la révolution que constitue la mutualisation des dettes de l’Union actée dans le plan de relance. Malgré les questions légitimes sur la dérive du Parti démocrate américain vers la gauche radicale plutôt hostile aux intérêts de Wall Street, les investisseurs continuent d’accorder le bénéfice du doute à la nouvelle Administration dont la priorité est le redressement économique du pays frappé par la pandémie. Les questions qui fâchent, notamment la remise en cause de la réforme fiscale de Donald Trump, seront sans doute remises à plus tard (2022 ?). Les derniers commentaires de Janet Yellen, secrétaire au Trésor, laissent entendre que le relèvement du taux d’impôt des sociétés de 21 à 28% (impact négatif de 6 à 7% sur les bénéfices des entreprises du S&P 500) serait déployé de façon progressive. Pour terminer notre tour du monde, nous nous attendons à ce que la zone Asie-Pacifique, grande gagnante de la crise et qui restera le moteur principal de la croissance mondiale durant les dix prochaines années, continue d’attirer d’importants flux financiers du reste du monde. 

Conclusion

Le retard accumulé par l’UE dans la campagne de vaccination ne devrait pas impacter durablement la performance des actions européennes ; les marchés américains et chinois (62% de l’indice MSCI World) sont de toute manière les principaux moteurs des indices mondiaux. Au stade actuel, nous ne modifions donc pas notre vue plutôt optimiste sur les rendements des actifs risqués en 2021, sans toutefois exclure de courtes périodes de plus forte volatilité provoquées par l’évolution de la situation sanitaire (confinements provisoirement plus stricts ; apparition de nouvelles mutations).  Nous restons également persuadés de l’intérêt de construire des portefeuilles bien équilibrés sur les plans géographique et sectoriel. Alors que nombreux sont les investisseurs inquiets de la valorisation des marchés après le puissant rebond des derniers mois et les records battus par le secteur technologique, ils sont encore plus nombreux à garder des portefeuilles surexposés aux segments les plus chèrement valorisés, un paradoxe qui témoigne du comportement dangereusement moutonnier des marchés.    


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