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Le début d'année annonce la couleur Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2022-02-02

  • La volatilité est bien de retour
  • Inflation : la Fed change radicalement de ton alors que la BCE affiche sa sérénité
  • Inflation : transitoire ou durable ?
  • Allocation actions : toujours l’avantage à l’Europe
  • Conclusion

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La volatilité est bien de retour

Trois sujets ont continué d’alimenter les débats dans la communauté des investisseurs : l’inflation et la réponse des banques centrales, les tensions autour de l’Ukraine, et pour finir l’évolution de la situation sanitaire.

Les discours plus virils des responsables de la Réserve fédérale américaine, soucieux de leur crédibilité en matière d’ancrage des anticipations d’inflation, ont conduit à une correction des indices boursiers américains et à une rotation sectorielle plutôt violente au détriment des secteurs de croissance, en particulier des valeurs technologiques (indice Nasdaq Composite en baisse de 9% en janvier), et en faveur des secteurs réputés cycliques et value (plus faible croissance des revenus reflétée dans les valorisations de marché). Cependant, les taux d’intérêt à long terme en dollar n’ont connu qu’une hausse modérée (taux souverain à 10 ans sous la barre des 2%) alors que les marchés s’attendent à une accélération de la normalisation de la politique monétaire.

Les gesticulations géopolitiques autour du différend entre la Russie et l’Otan ont accentué la nervosité des opérateurs, provoquant durant certaines séances des baisses marquées et généralisées des indices. Les bruits de bottes n’ont jamais été très appréciés des investisseurs.

Les nouvelles plus encourageantes au sujet de la pandémie auront finalement été occultées malgré le consensus de plus en plus large en faveur de la proximité d’une immunité collective à l’égard des cas graves acquise en Occident grâce aux campagnes de vaccination et à l’explosion des contaminations par le variant Omicron (selon l’OMS, 73% des Européens ont été infectés par les différents variants du SARS-CoV-2 depuis deux ans). Dans ce contexte, la stratégie « zéro Covid » de la Chine pose de nombreuses questions quant à son efficacité et les risques toujours bien présents de nouvelles perturbations dans les chaines de valeur.

Néanmoins, la question la plus importante que les investisseurs se posent aujourd’hui est de savoir si la stratégie « acheter les creux de marché » (buy-the-dip mentality) qui a si bien fonctionné depuis le printemps 2020 est encore à privilégier.

Inflation : la Fed change radicalement de ton alors que la BCE affiche sa sérénité

Alors que l’inflation était présentée comme transitoire il y a quelques mois à peine, la banque centrale américaine a musclé son discours en préparant les marchés à une normalisation plus rapide qu’escompté de sa politique monétaire. Le changement de virage avait été initié dès le mois de novembre dernier, mais il est devenu clair que la Fed ne veut pas perdre le contrôle de la situation en laissant les anticipations d’inflation déraper, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Il est important de noter qu’elle ne semble pas inquiète des répercussions de sa politique sur les indices boursiers, du moins à ce stade, les marchés du crédit demeurant peu volatils, ce qui est essentiel au financement de l’économie. La Fed ne se lie pas encore complètement les mains (beaucoup d’incertitudes sur l’agenda et surtout l’ampleur du durcissement monétaire) , mais son message va dans la direction de quatre à cinq hausses des taux directeurs (minimum + 100 points de base en 2022), et, assez rapidement après la fin de l’assouplissement quantitatif (programmes d’achat de titres), dans celle du début d’une contraction de la taille du bilan (non réinvestissement des tombées de dettes dans une proportion inconnue). Les investisseurs restent néanmoins sereins à l’égard du scénario d’une diminution de la taille du bilan et de ses effets sur les taux d’intérêt à long terme - en témoigne la relative stabilité de la partie longue de la courbe des taux en dollar -, car la durée moyenne d’investissement du portefeuille de la Fed est plutôt courte. A ce stade, il n’est pas question de vendre les obligations détenues.

L’inflation qui touche les États-Unis au rythme de 7% l’an (5,5% hors énergie et prix alimentaires) est de plus en plus diffuse et ne concerne plus seulement les seuls secteurs d’activité touchés par la pandémie. Surtout, la Fed est davantage inquiète de l’évolution de l’offre de travail (baisse de la participation qui semble plus durable avec une hausse des départs anticipés à la retraite et un manque de main d’œuvre immigrée) et de l’accélération des pressions salariales alimentées par le phénomène désormais largement commenté dans les médias de « grande démission » touchant particulièrement les secteurs du commerce et de l’hôtellerie-restauration. En moyenne, les salaires de ceux qui changent d’emploi progressent de plus de 5% contre 4% pour ceux qui le conservent. Si la Réserve fédérale reconnait bien qu’une partie des pressions inflationnistes provient des goulets d’étranglement liés à la crise sanitaire (qui semblent d’ailleurs avoir atteint un pic), elle cherche avant tout à modérer la demande et à éviter les effets de second tour (hausses des anticipations des agents économiques, boucle prix-salaires). A n’en pas douter, les États-Unis font face à une situation inédite après des années de stabilité des salaires réels : le pouvoir de négociation semble bien se déplacer du côté des salariés dans un pays où le syndicalisme est pourtant peu puissant. Il ne faut toutefois pas oublier que les gains de productivité dopés par la modernisation des outils de production et l’accélération de la transition digitale durant la crise sanitaire (cloud, intelligence artificielle, e-commerce, industrie 3.0…) permettront aussi aux entreprises d’absorber une partie des coûts salariaux. Selon nous, une des questions économiques fondamentales des prochains mois sera l’évolution des coûts unitaires du travail en situation de plein emploi dans un pays où les entreprises jouissent de marges bénéficiaires à des sommets historiques. C’est évidemment un sujet essentiel pour les investisseurs habitués aux résultats records des entreprises américaines depuis plusieurs années.

La situation du marché de l’emploi de la zone euro, où l’inflation atteint 5% (mais +2,6% hors énergie et prix alimentaires), est bien différente, ce qui justifie les discours plus rassurants des responsables de la Banque centrale européenne (BCE). La participation au marché de l’emploi n’a pas diminué durant la pandémie ; les pressions salariales demeurent raisonnables - ce qui s’explique sans doute aussi par les faibles gains de productivité -, en tout cas très inférieures à l’inflation. La BCE ne projette qu’une hausse modeste du coût unitaire du travail de 0,2% en 2022, suivie d’une progression un peu plus soutenue de 1,3% en 2023, pas de quoi abandonner la position prudente dans la réduction programmée des achats de titres ni accélérer la normalisation des taux directeurs dans les prochains trimestres.

Inflation : transitoire ou durable ?

La grande difficulté des banques centrales est de distinguer l’inflation transitoire, liée à la pandémie et qui se normalisera au fur et à mesure de la réouverture des économies et du rétablissement du bon fonctionnement des chaines d’approvisionnement, de celle qui pourrait s’avérer plus durable. C’est seulement sur cette dernière que les banques centrales peuvent avoir un réel pouvoir d’influence, c’est-à-dire sur l’inflation autoréalisatrice au travers de la boucle prix-salaires (augmentation des anticipations des agents économiques et demandes de hausses de salaires, amenant les entreprises à augmenter leurs prix de vente qui alimentent en retour l’inflation et les anticipations). Toutefois, l’inflation structurelle liée à la transition énergétique et aux chocs géopolitiques ne pourra pas être combattue par un renchérissement du loyer de l’argent. Ce serait une grave erreur de politique monétaire que de vouloir lutter contre la hausse des prix du gaz et de l’électricité en cherchant à contraindre la demande. Que du contraire ! Selon l’Agence internationale de l’Énergie, les investissements annuels des dix prochaines années nécessaires pour respecter les objectifs des accords de la COP 21 de Paris de 2015 se montent à 4 000 milliards de dollars, soit  environ 4% du PIB mondial par an. Le renforcement de la régulation environnementale frappera de plein fouet les entreprises qui, sans aides publiques, n’auront d’autre choix que de répercuter l’essentiel du coût de la lutte contre le réchauffement climatique aux consommateurs. En guise d’illustration, en Europe, la suppression théorique du jour au lendemain des quotas d’émission de CO2 contraindrait les cimentiers à doubler leurs prix pour protéger leurs cash-flows (la suppression des quotas est programmée pour 2035) ! Les banques centrales n’ont que fort peu de prise sur ces sujets ; elles ne peuvent qu’assurer un environnement favorable aux investissements dont les besoins sont colossaux. Cette dernière remarque est d’ailleurs d’ordre plus général : durant la pandémie, la demande mondiale a été artificiellement portée par des plans de soutien aux ménages (cf. la distribution de chèques aux États-Unis et le chômage partiel en Europe) ; elle a également connu une déformation importante au détriment des services (contraints par les restrictions de mobilité) et en faveur des biens dans un contexte où les stocks des entreprises étaient insuffisants. Une partie de ce transfert va naturellement s’inverser - pensons par exemple à la reprise du tourisme et du transport aérien - alors que le signal prix va enclencher une réponse de la part des entreprises sous la forme d’une augmentation des investissements de modernisation et de capacité (par exemple dans les semi-conducteurs, les batteries électriques, les matériaux de construction, la chimie de spécialité…). La hausse des investissements est évidemment fondamentale pour soutenir la croissance potentielle, augmenter les gains de productivité qui permettront aux entreprises d’accorder des hausses de salaire sans menacer leurs marges, et rééquilibrer l’offre et la demande pour aboutir in fine à une normalisation des prix. Si les banques centrales peuvent être tentées de contraindre la demande (craintes au sujet de l’épargne accumulée par les ménages) qui ne fait que revenir à son niveau d’avant-crise, elle n’oublieront pas que les déséquilibres portent d’abord sur l’offre - y compris de travail -  que les conditions financières doivent continuer de favoriser.

Allocation actions : toujours l’avantage à l’Europe

Pour le moment, les taux d’intérêt réels (après inflation) négatifs restent de réels soutiens pour les actifs risqués. Aux États-Unis, si le taux d’intérêt à dix ans ne franchit pas significativement et durablement la barre des 2%, il est peu probable que les indices corrigent davantage. Les attentes bénéficiaires du consensus restent raisonnables (+2% pour l’indice STOXX Europe 6OO et +7% pour le S&P 500 en 2022 après respectivement + 102% et + 54% en 2021 ; source : FactSet) et seront très probablement battues. Le contexte général est évidemment plus favorable aux marchés européens davantage exposés aux segments les plus cycliques et value. Depuis le début de l’année, les secteurs de l’énergie, des matières premières, des industries cycliques (automobile, construction), de la banque et de l’assurance offrent des performances positives alors que les valeurs technologiques et les valeurs de croissance de consommation (luxe) subissent des prises de profits de grande ampleur. Logiquement, les indices américains sous-performent les marchés européens dont la valorisation est plus raisonnable (rendement des dividendes de 3%, rendement des free-cash-flows proche de 6%, multiple cours/bénéfices attendus autour de 15, un niveau proche de la moyenne de long terme) et n’est nullement menacée par un durcissement rapide de la politique monétaire de la BCE. La volatilité des secteurs de croissance également observée en Europe (cf. la poursuite du dégonflement de la bulle dans le secteur de la green tech) reflète avant tout la surconcentration des portefeuilles de nombreux investisseurs dans les thèmes à la mode et trop souvent surachetés dans l’industrie de la gestion d’actifs, phénomène sur lequel nous avons déjà insisté dans le passé. Dans un environnement de taux d’intérêt nuls et souvent négatifs, les investisseurs accordent moins d’importance aux questions de valorisation : ils ne paient rien pour attendre la réalisation des promesses lointaines des sociétés innovantes aux free-cash-flows souvent négatifs. Un changement radical de l’environnement des taux d’intérêt à long terme reste de ce point de vue le principal risque pour les valeurs de croissance.

Toutefois, si nous conseillions avec raison, dans notre note mensuelle de janvier, d’être davantage exposé aux secteurs value, l’aplatissement de la courbe des taux en dollar nous amène à penser que l’investisseur à tout intérêt à maintenir une bonne diversification sectorielle. D’aucuns n’hésitent pas à considérer que l’action de la Fed est déjà trop tardive dans le cycle économique : le durcissement monétaire pourrait accentuer un ralentissement de l’activité devenu inéluctable dans la seconde partie de l’année, déclenché par l’impact de l’inflation sur les dépenses de consommation (perte de pouvoir d’achat des ménages) et surtout le moindre soutien budgétaire de l’Administration Biden accusée à présent d’avoir alimenté la surchauffe de certains secteurs d’activité. Il est sans doute un peu tôt pour déjà s’inquiéter de la trajectoire de croissance de l’économie américaine, mais il est néanmoins clair que l’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt en dollar n’est pas compatible avec une sous-performance chronique de la croissance par rapport à la value. Le rebond récent de l’indice Nasdaq est sans doute un bon révélateur de la persistance des biais de comportement des investisseurs observés depuis de nombreuses années. L’investisseur gardera néanmoins à l’esprit l’impact actuariel des taux d’intérêt sur les valorisation des actions, en particulier sur les valeurs technologiques (actifs à longue duration).

A très court terme, la sortie de la 5ème vague liée au variant Omicron ne semble plus qu’une question de semaines en Occident. Elle dopera l’activité économique et favorisera donc les sociétés cycliques pendant un certain temps. Un risque non négligeable demeure l’évolution des prix de l’énergie, en particulier ceux du gaz dont les Européens sont fort dépendants. En la matière, on ne pourra que déplorer les choix désastreux de politique énergétique de Berlin depuis vingt ans, qui a réussi le tour de force de rendre l’Allemagne et l’Europe à la merci de leur turbulent voisin russe (fournisseur de respectivement 65% et 40% de leurs besoins en gaz naturel). Le dossier ukrainien est donc évidemment d’une importance capitale. A noter que ce risque géopolitique peut toujours être couvert au moyen d’options de vente sur indices boursiers pour protéger les portefeuilles contre les pertes extrêmes.

Conclusion 

Les politiques budgétaires et monétaires reflationnistes ont été particulièrement fructueuses durant la pandémie, trop diront certains : l’inflation dépasse les attentes  (1% au-dessus du consensus pour atteindre 3,4% en 2021 dans le monde) et le débat sur son caractère transitoire ou durable est loin d’être clos. Fort heureusement cette inflation accompagne une activité soutenue à peine ralentie par la dernière vague liée au variant Omicron. Compte tenu des incertitudes macroéconomiques et des énormes besoins de financement pour répondre aux enjeux climatique, numérique et démographique, les banques centrales ne devraient normaliser leur politique monétaire qu’avec prudence, surtout du côté de la BCE. La Réserve fédérale, soucieuse de sa crédibilité, a décidé de durcir son discours, ce qui permet l’ancrage des anticipations d’inflation. Elle n’a pas décidé d’abandonner le contrôle de la courbe des taux d’intérêt. Les banques centrales devront continuer de manœuvrer sous deux contraintes fortes : assurer la solvabilité des États et ne pas déstabiliser les marchés financiers en provoquant un retournement brutal des prix des actifs (gardons à l’esprit la douloureuse année 2018). Le phénomène de rotation sectorielle à l’avantage de la value observé en janvier pourrait persister encore à la faveur d’une sortie de la pandémie (accélération de l’activité, du moins en Europe). La décote d’ordre politique qui frappe les actifs européens depuis la crise des dettes souveraines de 2010-2012 est toujours, selon nous, difficilement justifiable, surtout eu égard à l’hystérisation de la démocratie américaine et à la polarisation de la société auxquelles la nouvelle Administration démocrate n’a apporté aucune réponse convaincante.


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