pur_visuels11-ter.jpg

Déconfinement et économie de bulle Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2020-06-08

  • Banques centrales, plans de relance et déconfinement
  • Que reflète la valorisation des marchés ?
  • Les enjeux à long terme ? Qui s’en soucie réellement ?
  • Conclusion

Imprimer cet article

BANQUES CENTRALES, PLANS DE RELANCE ET DECONFINEMENT

On nous annonçait la pire crise économique depuis la Grande Dépression des années trente ! Même la terrible crise financière de 2008 (subprimes) ressemblait à une aimable plaisanterie à côté de la brutale chute d’activité provoquée par le Covid-19 et les mesures de confinement. Après tout, durant la crise des subprimes, d’origine strictement financière (contamination de l’éclatement de la bulle immobilière américaine au secteur financier), le PIB mondial n’avait reflué que de 0,3% en volume contre des projections plus proches de -3% pour l’ensemble de l’année 2020. Le rebond des indices boursiers depuis le point bas du 23 mars (35 à 40% de hausse des principaux marchés, l’indice Nasdaq des valeurs technologiques américaines proche de son record historique) sonne comme un démenti flagrant ! Sommes-nous bien en présence d’un choc économique qui remet en cause la trajectoire de croissance à long terme de l’activité mondiale ? La réponse à cette question est essentielle pour décider de l’allocation des actifs dans un portefeuille. Certains investisseurs doutent que la crise du coronavirus soit bien un « cygne noir ». Si le consensus des analystes a raison (rebond des profits européens de 41% en 2020 après une chute de 32% cette année), la trajectoire des résultats des entreprises sur la période 2019-2021 ne serait pas significativement altérée ; alors pourquoi s’inquiéter davantage ? On notera que durant le rebond des indices, les investisseurs n’ont pas fait montre d’une inquiétude particulière à l’égard du climat de quasi-guerre froide entre la Chine et les États-Unis (nouvelles sanctions à l’encontre d’Huawei, Hong Kong, OMS, retour des tensions commerciales…), à l’égard des messages de prudence du président de la Réserve fédérale Jérôme Powell, ni à l’égard de la dégradation du climat social américain à moins de six mois de l’élection présidentielle, autant de sujets dont on pouvait attendre qu’ils alimentassent la volatilité des marchés.

La cataracte de liquidités déversées par les banques centrales, le début du déconfinement (reprise progressive de l’activité) et les plans de relance budgétaire ambitieux (plus de 3% du PIB mondial et environ 9% en tenant compte des mesures indirectes telles que les garanties de crédit et l’assouplissement de règles macro-prudentielles) expliquent bien évidemment cet optimisme recouvré. Mais pas seulement ! Les investisseurs agissent en réalité selon le puissant moteur du « fear of missing out », expression qui signifie la peur de louper le coche. La période 2015-2019, particulièrement anxiogène pour les investisseurs (crise du yuan, référendum sur le Brexit, élection de Donald Trump, crise politique italienne, tensions sino-américaines…) a laissé de nombreux investisseurs prudents sur le carreau. Ces derniers ont retenu la principale leçon des crises passées, surtout celles de 2008 et des dettes souveraines européennes de 2010-2012 : les banques centrales agissent pour offrir un put aux investisseurs, en assumant le rôle de réassureur ultime des risques de dislocation des marchés financiers. Les grands argentiers de la planète utilisent sans limite l’assouplissement quantitatif (achat de dettes souveraines et à présent de dettes d’entreprises, voire même de fonds indiciels en actions) cependant que les États laissent filer leurs déficits. La taille de l’assouplissement quantitatif représente environ 8% du PIB mondial, contre 4% en 2008 ! Qui ose encore regarder sérieusement les valorisations des actifs dont les prix sont manipulés par les banquiers centraux ? Actualiser des cash-flows futurs à un taux qui se rapproche de zéro ne donne-t-il pas à l’actif financier un prix théorique qui tend vers l’infini ? 

En Europe, grâce au soutien de l’Allemagne et de la France, la Commission a proposé un puissant plan de relance (750 milliards d’euros, dont 500 milliards de dépenses, soit environ 3,5% du PIB de l’Union) qui constitue une première puisqu’il renforce significativement l’intégration européenne en permettant une bien meilleure circulation de l’épargne du nord de l’Europe vers le sud. Jusqu’à présent, l’épargne excédentaire de l’Allemagne et des Pays-Bas était investie stupidement en bons du Trésor américain, au détriment de la croissance européenne. La Commission a encore du pain sur la planche pour persuader les petits pays récalcitrants à l’idée d’une mutualisation des dettes souveraines – la Commission émettra au nom de l’Union - ; mais les responsables politiques allemands et français ont eu l’intelligence de présenter ce plan de relance comme faisant partie d’une politique plus globale de renforcement de la souveraineté de l’Europe en matière de numérique, d’intelligence artificielle, de transition écologique et de santé. Ne boudons pas notre plaisir lorsque l’Europe prend la bonne direction. En tout cas,  les marchés ont témoigné de leur satisfaction (hausse de l’euro, rebond des indices boursiers), alors que le plan exige tout de même l’unanimité des vingt-sept membres de l’Union. Les prochaines semaines seront riches en tractations politiques, mais l’Europe n’a plus réellement le choix. Doit-elle se résoudre à offrir sur un plateau l’Italie à la Chine qui utilise son projet de « nouvelles routes de la soie » pour étendre son influence dans le monde ? Un échec de la Commission augmenterait les risques d’une nouvelle crise des dettes souveraines et profiterait aux populistes de tous bords.

QUE REFLETE LA VALORISATION DES MARCHES ? 

Comme nous l’avons déjà expliqué dans notre précédente note mensuelle, les marchés reflètent un scénario de reprise rapide de l’activité économique, à la fois du côté de la production et de la consommation des ménages ; ils ne considèrent nullement que la crise du Covid-19 aura un impact négatif permanent sur le niveau de croissance et donc sur les résultats des entreprises.  Ce consensus que nous jugeons très optimiste se reflète dans des multiples de valorisation jamais vus au sortir d’une crise (point bas de l’activité économique atteint en avril), puisque le rapport cours sur bénéfices (C/B) estimés en 2021 par le consensus (année de normalisation des profits) pour l’indice S&P 500 dépasse 19 ; celui de l’indice européen Stoxx 600 atteint 15,6. Sur les dix dernières années, la moyenne observée des rapports C/B est de respectivement 15 et 13 ; l’écart entre les deux marchés s’explique essentiellement par les différences entre les pondérations sectorielles (cf. note mensuelle de mai 2020). Pour rappel, juste avant la crise du Covid-19, ces multiples basés sur les prévisions 2020 valaient environ 18,5 et 15. Autrement dit, les marchés ont pris beaucoup d’avance et reflètent à présent largement le scénario de reprise dans les prochains mois. Un magasine financier américain (Barron’s, 9 mai 2020) notait à ce propos que le rapport C/B le plus élevé jamais observé fut celui de l’année 1999, avant l’éclatement de la bulle internet : l’indice S&P 500 se payait alors 26 fois ses profits estimés, ce qui est précisément aujourd’hui le niveau du rapport C/B sur la base des résultats estimés en 2020. En résumé, les marchés sont plutôt chèrement valorisés compte tenu des circonstances.

Sans l’intervention massive des banques centrales, il est probable que les indices actions se situeraient au moins 15 à 20% en-dessous des niveaux actuels (retour à la valorisation moyenne historique). L’économie de bulle a évidemment de beaux jours devant elle. Elle concerne d’ailleurs toutes les classes d’actifs. L’investisseur doit en être bien conscient.

LES ENJEUX A LONG TERME ? QUI S'EN SOUCIE REELLEMENT ? 

L’idée que la crise ne serait qu’un mauvais moment à passer ne tient pas la route une seule seconde. Même si nous avons le plus grand mal à quantifier avec précision l’impact de ce choc inédit sur la croissance potentielle de l’économie (son rythme de croisière) après le confinement, nous alertons le lecteur sur des facteurs qui auront un impact durable (plusieurs trimestres) sur le niveau global d’activité. Du côté des ménages, le chômage (9,3% en moyenne en 2021 aux États-Unis selon le Congressional Budget Office, soit plus de deux fois le niveau pré-crise), la hausse de l’épargne de précaution et les changements des habitudes de consommation (freins psychologiques) pèseront inévitablement sur le niveau général des dépenses. Du côté des entreprises, il faudra compter sur une contraction des investissements et un affaiblissement de la productivité (impact des normes sanitaires qui affectent plus ou moins durement 40% de l’économie selon les analystes de Natixis qui prévoient des baisses de productivité de l’ordre de 15% dans la construction, la distribution traditionnelle, l’hôtellerie et la restauration…). Les ratios d’endettement des entreprises sont au plus haut depuis quarante ans en tenant compte du repli des profits opérationnels (dette nette/EBITDA, source : Les Cahiers Verts de l’Economie, 29 mai 2020). Cette fragilité financière exige que les taux d’intérêt demeurent à de faibles niveaux.

A ce tableau plutôt sombre s’ajoute le climat délétère entre la Chine et les États-Unis. On pourrait évoquer la montée des prétentions interventionnistes des États, bien naturelles lorsque la société demande davantage de protection, la progression de l’illibéralisme et enfin la contestation toujours plus virulente du modèle de développement économique et de la mondialisation, des sujets éminemment politiques qui auront des impacts sur les profits des entreprises et que les marchés mettent volontairement sous le tapis.

CONCLUSION

La sortie du confinement va bien évidemment conduire à une reprise purement mécanique de la consommation et de la production. Les chiffres publiés durant la phase de rebond seront à n’en pas douter impressionnants en première lecture ; ils ne doivent pas nous aveugler sur la réalité du niveau moyen d’activité qui sera affiché après la crise du Covid-19. Une partie de la perte de PIB ne sera pas récupérée dans l’immédiat. La croissance attendue par les économistes en 2021 ne sera pas suffisante pour absorber les surcapacités de production. Le chômage – indicateur retardé – impactera longtemps le revenu des ménages et donc leur propension à consommer.

D’un autre côté, la reprise cyclique, le soulagement lié à l’absence, jusqu’à présent, d’une seconde vague de la pandémie et les politiques monétaires ultra accommodantes renforcent l’appétit pour le risque des investisseurs, en témoigne la meilleure tenue en bourse ces derniers jours des secteurs « value » (faible croissance structurelle des revenus) réputés cycliques, à savoir les financières, les matières premières, l’énergie et les biens d’équipement, y compris le secteur automobile sinistré.

Après des rebonds de l’ordre de 30 à 40%, les investisseurs doivent bien comprendre les ressorts de la hausse des indices. Les marchés peuvent s’écarter à court terme de la réalité économique ; c’est d’ailleurs leur façon habituelle de fonctionner. Nous réitérons néanmoins notre conseil de prudence puisque les valorisations reflètent aujourd’hui un scénario optimiste (retour rapide au niveau d’activité pré-crise). L’investisseur a tout intérêt à rester discipliné dans son allocation d’actifs en refusant de payer des prix excessifs éloignés des fondamentaux. Le rendement à long terme qu’il obtiendra de ses investissements dépend fortement des prix qu’il accepte de payer aujourd’hui.

 


 

Avez-vous des questions ? Des suggestions ? N'hésitez pas à nous contacter.      

DISCLAIMER : Le contenu ci-dessus a été produit et est diffusé par Pure Capital S.A. Cette publication ne doit en aucun cas être assimilée à une offre en vue d’acquérir/vendre un instrument financier ou à une quelconque activité de démarchage ou de sollicitation à l’achat ou à la vente de d’instruments financiers ou d’investissement. Toutes les informations publiées ici ne sont fournies qu’à titre informatif et ne constituent en aucun cas des conseils en investissement. Néanmoins, aucune garantie ne peut être donnée sur leur exactitude ou exhaustivité. Ces informations n’ont pas été préparées conformément aux exigences légales favorisant l'indépendance de la recherche en investissements, et devraient dès lors être considérées comme une communication marketing. Bien que ce contenu n’est soumis à aucune interdiction d'utilisation avant sa diffusion (par exemple pour exécuter des ordres), Pure Capital ne cherche pas à en tirer profit. Cette publication ne peut en aucun cas constituer une base primaire à des investissements. Tout investissement devrait être le fruit d’une décision suffisamment éclairée et avertie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Welk type belegger bent u ?

Wat is uw woonplaats ?

Wat is uw woonplaats ?