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Les planètes à nouveau alignées Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-05-07

  • Le pessimisme de la fin de l’année 2018 battu en brèche par la réalité
  • Un environnement « boucles d’or » ? L’importance des gains de productivité
  • En l’absence de changement de paradigme, les chances d’une baisse significative des marchés semblent limitées
  • Conclusion

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Le pessimisme de la fin de l’année 2018 battu en brèche par la réalité

Les indices sont en forte progression depuis le début de l’année. L’indice S&P 500 a effacé l’entièreté de ses pertes de 2018, se payant le luxe d’un nouveau record historique ; les bourses européennes enregistrent des progressions spectaculaires, entre 15 et 20%, dans un contexte où les médias n’ont de cesse de parler de ralentissement, de récession, de crise imminente et d’incertitudes politiques (la bourse de Milan est en hausse de presque 20%, un joli pied de nez aux contempteurs du gouvernement de coalition populiste) ; les marchés émergents ne sont pas en reste avec notamment des bourses chinoises en pleine forme. Les investisseurs sont mal à l’aise face à cette situation, car, pour beaucoup, le scénario qui paraissait vouloir s’imposer à la fin de l’année dernière semblait cousu de fil blanc et ne militait pas pour un rebond rapide de la valorisation des actifs risqués.

Résumons à grands traits le déroulement des derniers mois. Durant le quatrième trimestre de 2018, les investisseurs ont progressivement adopté un scénario de fin de cycle économique et boursier dont l’origine se trouvait liée au plein emploi observé un peu partout dans le monde, au retour de l’inflation, et à la hausse des taux d’intérêt aggravée par la normalisation des politiques monétaires (fin des excès de création de liquidités par les banques centrales), cette fin de cycle étant elle-même accélérée par les tensions commerciales et la montée des populismes (protectionnisme, contraction du commerce mondial). Nombreux sont les économistes et les stratégistes qui y voyaient les prémisses d’une nouvelle crise financière mondiale rendue inévitable par la fragilité des agents économiques face au stock de dettes publiques et privées accumulées depuis 2008. Dans ce contexte, la profitabilité des entreprises ne pouvait que se dégrader, rendant les valorisations de marché injustifiables dans un environnement de croissance molle et d’inflation des coûts de production. En résumé, il s’agissait d’un scénario de fin de marché haussier plutôt classique dans son déroulement avec ses acteurs principaux biens connus : inflation, taux d’intérêt, endettement et récession.

Après quatre mois, où en est-on au juste ? La réalité a-t-elle crédibilisé un peu plus ce scénario ? Comment expliquer l’écart entre la performance des indices boursiers et la frilosité de nombreux stratégistes et économistes qui considèrent encore aujourd’hui que le marché est irrationnel dans son comportement et que les indices vont inévitablement replonger dans les prochains mois ? La toile de fond a-t-elle radicalement changé ?

Pour commencer, il faut reconnaître que le ralentissement économique a bien eu lieu, ce que nous n’avons jamais contesté, mais il n’a pas été aussi prononcé que ce que le consensus envisageait. La contraction des échanges mondiaux et la récession du secteur manufacturier ont, semble-t-il, occupé exagérément les esprits des observateurs qui ont sous-estimé le poids d’autres facteurs dans la création de richesse. Les indicateurs avancés qui fonctionnent tels des sondages auprès des entreprises, très portés sur l’industrie, ont surtout reflété les craintes du moment : guerre commerciale, fermeture temporaire d’administrations fédérales aux États-Unis, Brexit, choc des réglementations anti-pollution dans l’industrie automobile européenne, etc. Bien peu ont vu que le soutien à la demande des ménages par la relance budgétaire (zone euro, Chine, États-Unis) et par la progression des salaires réels dans un contexte peu inflationniste (recul des prix pétroliers), alors que les taux de chômage sont au plus bas depuis dix ans, allait permettre de porter le vaste secteur des services - dont le poids dans le PIB des pays développés est très supérieur à celui du secteur manufacturier - et finalement l’ensemble de l’économie. Ainsi, l’anticipation par les marchés, à la fin de l’an dernier, d’une récession rapide ou à tout le moins d’un brutal décrochage de l’activité économique mondiale a fait long feu ! Les statistiques économiques du premier trimestre, bien que témoins d’un ralentissement bien réel, se sont avérées finalement un peu supérieures aux attentes des économistes (croissance du PIB des États-Unis, de la Chine et de la zone euro). Les indicateurs avancés, plus volatils, ont cessé de surprendre négativement les prévisionnistes alors que la saison des publications des résultats des entreprises a été fort éloignée des discours des Cassandre qui, cette fois encore - rappelons-nous l’année 2016 qui avait contredit les opinions les plus pessimistes -, en sont pour leurs frais, même si elles n’abandonnent pas tout espoir de voir une crise financière de grande ampleur se déclencher dans les prochains mois.                    

Les esprits chagrins objecteront que la croissance américaine du premier trimestre (PIB réel +3,2%), très supérieure aux attentes, a été soutenue par des éléments exceptionnels et que la consommation a été plutôt faible, ce qui militerait pour davantage de circonspection. Cet argument ne tient pas la route une seule seconde. C’est précisément parce que la consommation des ménages contribue pour environ 70% du PIB du pays et que ses perspectives de croissance sont favorables (taux de chômage au plus bas, salaires en hausse de plus de 3% par an, inflation modérée, impact de la baisse des taux hypothécaires sur le marché immobilier résidentiel, effet richesse positif lié aux marchés financiers, rebond de la consommation visible depuis le printemps) que nous pouvons rester optimistes à l’égard de la croissance américaine. Une fois encore, les pessimistes regardent dans le rétroviseur et omettent les facteurs qui détermineront l’environnement des prochains trimestres.

Un environnement « boucles d’or » ? L’importance des gains de productivité

Selon nous, la nouvelle la plus importante des dernières semaines a été la publication des gains de productivité aux États-Unis, car cet indicateur bat en brèche le scénario catastrophe des investisseurs baissiers ; il conforte également ce que d’aucuns appellent le revirement à 180° de la Réserve fédérale qui a décidé de mettre un terme à sa politique de resserrement monétaire. La productivité du premier trimestre - hors secteur agricole –, qui mesure la production par unité d’heure travaillée, a progressé de 3,6% sur un an, contre un consensus à 2,2%. C’est le rythme le plus élevé depuis le troisième trimestre de 2014. Cet indicateur est toutefois très volatil ; il est ainsi d’usage de l’étudier en moyenne mobile glissante, c’est-à-dire en tendance de plus long terme. Sur les huit derniers trimestres, le rythme moyen de hausse de la productivité atteint 1,74%, son plus haut niveau depuis le second trimestre 2011. En amélioration depuis deux ans, le rythme de croissance de la productivité reste néanmoins très inférieur à celui de la période 1995-2005, soit 3%, reflet des sauts technologiques et de la modernisation du capital productif durant cette période. Pour rappel, la baisse tendancielle de la productivité depuis la crise de 2008 explique en grande partie la contraction de la croissance potentielle de l’économie (rythme de progression de l’activité en période de plein-emploi) qui est passée d’environ 3% par an à 2% en volume (hors inflation). 

Pourquoi accordons-nous autant d’importance au redressement des gains de productivité ? Souvenons-nous de la thèse centrale des investisseurs pessimistes : l’accélération de la progression des salaires rendue inévitable en période de plein-emploi et la hausse des taux d’intérêt (renchérissement du coût de financement des entreprises, normalisation des politiques monétaires) doivent conduire à un retournement du cycle des profits des entreprises (baisse des marges) et donc à une contraction des multiples de valorisation. Or, les gains de productivité qui mesurent le supplément de production du secteur privé sans devoir faire appel à davantage de main d’œuvre (investissements technologiques, modernisation des outils de production), permettent aux entreprises d’augmenter les salaires sans menacer leur profitabilité et leur capacité d’investissement. Les hausses de salaire consenties contribuent à soutenir la consommation des ménages et donc la croissance économique. En outre, puisque la profitabilité des entreprises est robuste, celles-là n’ont aucun intérêt à augmenter leurs prix de vente dans un environnement concurrentiel toujours tendu. Autrement dit, la hausse des salaires ne s’accompagne pas de fortes pressions inflationnistes dans le reste de l’économie ; la profitabilité élevée des entreprises leur permet d’investir les excédents de cash-flow dans des projets de croissance de capacité. Le résultat est une économie en croissance soutenue, des entreprises fortement génératrices de cash-flows, une inflation qui reste modérée, ce qui permet aux autorités monétaires de maintenir une politique accommodante ou du moins leur évite de devoir augmenter les taux d’intérêt pour éviter la surchauffe de l’économie (inflation hors de contrôle). 

Ce que nous venons de décrire est exactement ce qui se passe aujourd’hui aux États-Unis. On est donc très loin d’un scénario catastrophe. Les investisseurs anglo-saxons ont une jolie expression bien à eux pour exprimer cet environnement idéal pour les actions et plus généralement les actifs risqués : « goldilocks », c’est-à-dire « boucles d’or ». Nous dirions en français que les planètes sont alignées. Certes, avec une croissance qui ralentit vers son rythme potentiel et les incertitudes géopolitiques toujours présentes, en premier lieu les tensions commerciales, nous sommes tentés de dire que les planètes ne sont qu’imparfaitement alignées ; néanmoins, le scénario du chaos semble fort éloigné. Si nous avons passé un peu de temps à décrire l’économie américaine, c’est parce que ses marchés d’actions pèsent plus de 50% des indices mondiaux. La bonne compréhension de leur comportement est donc vitale pour prendre des décisions d’allocation d’actifs. Il est difficilement envisageable d’être favorable à l’égard des actions du reste du monde en étant très pessimiste à l’égard de la bourse de New York (forte corrélation historique entre les marchés en période de grand stress).

En l’absence de changement de paradigme, les chances d’une baisse significative des marchés semblent limitées

Nombreux sont les investisseurs qui n’ont pas encore reconnu leurs erreurs d’appréciation. Non, sans hausse des taux d’intérêt, il ne peut y avoir de crise des dettes ; non, le cycle économique mondial ne s’effondre pas, il ralentit en bon ordre et pourrait même surprendre positivement. Non, il n’y a pas de bulle sur les marchés d’actions avec des taux d’intérêt aussi faibles et une forte génération de cash-flow. Les investisseurs ont regardé passer le train de la hausse ; les gestions privées sont gorgées de liquidités en attente d’être investies. Car le paradoxe que nous avons déjà évoqué dans notre lettre du mois d’avril est que la progression des indices s’est déroulée sans le soutien des investisseurs finaux. Aux États-Unis, les entreprises rachètent massivement leurs actions alors que les investisseurs ont plutôt réduit leurs expositions ; en Europe, les volumes sont peu étoffés. Les gérants d’actifs appellent de leurs vœux une correction des indices qui leur permettrait d’acheter à bon compte. Mais comme beaucoup d’investisseurs sont dans la même situation embarrassante à l’égard de leurs clients, en dehors-d’un changement radical du décor, les corrections ne pourront que se révéler de courte durée et de faible ampleur. C’est d’ailleurs exactement ce que nous observons ces dernières semaines avec une baisse de la volatilité des marchés financiers. 

Quel changement de paradigme pouvons-nous envisager ? Nous ne voyons que trois facteurs susceptibles de stopper la hausse des marchés : une absence d’accord commercial digne de ce nom entre Pékin et Washington ; le retour des craintes sur l’inflation, les politiques monétaires et les taux d’intérêt - et donc un nouveau virage à 180 degrés du discours de la Réserve fédérale - ; ou encore un choc exogène géopolitique - l’Iran est un bon candidat avec le retour des sanctions et des gesticulations militaires américaines au Moyen-Orient. Nous le répétons régulièrement : ces risques sont gérables dans la mesure où la faible volatilité des marchés rend raisonnable le prix des stratégies de couverture contre les pertes extrêmes (options de vente sur indices boursiers). Parmi les trois facteurs mentionnés, les investisseurs seront surtout attentifs, dans les prochaines semaines, à l’issue des négociations commerciales entre Pékin et Washington dont les derniers soubresauts (commentaires hostiles de Donald Trump) sont évidemment de nature à remettre un peu de volatilité dans le marché.

Conclusion

Finalement, l’erreur de nombreux investisseurs aura été de croire qu’une dégradation de l’économie mondiale allait inévitablement aboutir à une nouvelle crise financière majeure. Or, ces vingt dernières années, le lien de causalité a plutôt fonctionné dans le sens contraire : c’est bien le déclanchement inattendu d’une crise financière qui, dans un second temps, a abouti à une récession économique, comme après l’éclatement de la bulle internet de 2001 et après la crise du secteur bancaire de 2008. Les banques centrales ont parfaitement compris le nœud du problème : en maintenant les taux d’intérêt à des niveaux compatibles avec la solvabilité des agents économiques (taux inférieurs au taux de croissance nominal du PIB), elles contribuent à diminuer les risques d’un nouveau choc alors que les mesures macro-prudentielles adoptées après la crise des subprimes ont renforcé la solidité du système bancaire. 


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