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Perspectives 2020 et quelques questions pour l'avenir Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2020-01-06

  • Les trois moteurs de la hausse sont toujours allumés
  • Les valorisations sont-elles trop élevées ?
  • Six questions qui influenceront les rendements à plus long terme
  • Conclusion

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Les trois moteurs de la hausse sont toujours allumés

La principale erreur des investisseurs qui ont regardé passer le train de la hausse des indices boursiers en 2019 est d’avoir oublié d’étudier la valorisation des actifs après la correction exagérée des actions à la fin 2018, et négligé dans la foulée de calculer les rendements attendus ajustés du risque, une analyse fondamentale qui est pourtant à la base des décisions d’allocation de portefeuille. Ainsi, nombreux sont ceux qui se sont désintéressés du rendement des dividendes des actions européennes au début de l’année 2019, supérieur à 4%, un niveau pourtant très au-dessus des taux d’intérêt et parfaitement garanti par la génération des excédents de cash-flows des entreprises. Le rendement des dividendes autorisait la stratégie du portage ou carry trade, soit la captation du flux de revenus supérieur au coût de financement de l’opération. Les investisseurs étaient généreusement rémunérés pour patienter dans un environnement de faible croissance des résultats ; les primes de risque étaient très élevées.  Beaucoup croyaient à l’imminence de la fin du cycle haussier initié au début de l’année 2009. Les arguments entendus portaient surtout sur la longueur prétendument longue de ce cycle et sur la perte de confiance des agents économiques et des investisseurs qui annonçait une récession auto-réalisatrice. Ce n’est pas parce que les fondamentaux économiques se dégradaient que le cycle allait se retourner brutalement (la consommation et les services soutenaient la croissance), pouvions-nous lire dans les rapports de nombreux experts, mais parce que la grande majorité des agents économiques croyait dur comme fer dans un scénario de ralentissement, et revoyait à la baisse ses décisions d’investissement et de consommation dans un environnement incertain (crise de confiance). Le coupable de ce climat anxiogène était tout trouvé : Donald Trump, leader incontesté des dirigeants populistes. Les investisseurs ont d’ailleurs surtout porté leur attention sur les questions politiques en 2019. Les tensions commerciales, le Brexit, les élections européennes (montée des populismes), l’Italie et les tensions au Moyen-Orient ont été plus souvent évoqués dans les notes des stratégistes que les questions strictement financières liées aux cash-flows des entreprises, au cycle d’investissement et à la dynamique de la consommation des ménages. 

Pourtant, les vecteurs habituels de crise financière et de récession n’étaient pas présents au début de l’année 2019. Une crise financière classique de grande ampleur n’est jamais la conséquence de la longueur de la période de croissance, mais est presque toujours liée à un retournement du cycle du crédit (resserrement des conditions financières, hausse des taux d’intérêt) qui provoque l’éclatement des bulles d’actifs (actions, immobilier, crédit) et la hausse des défauts des entreprises, et plus généralement des emprunteurs surendettés.  Cette crise du crédit conduit à son tour à une contraction brutale du cycle d’investissement, à la remontée du chômage de masse et à la baisse de la consommation. Nous avions le plus grand mal à trouver les ingrédients d’un tel scénario, sauf à accepter l’idée que les banques centrales allaient adopter des politiques monétaires résolument restrictives, idée rapidement battue en brèche. En effet, le niveau stratosphérique de la dette mondiale et l’hyper-sensibilité des marchés financiers ont empêché les grands argentiers de normaliser leurs conditions financières trop brutalement (revirement de la Réserve fédérale dès le début de 2019).

Néanmoins, les marchés avaient besoin de catalyseurs pour recouvrer leur splendeur et démentir les opinions des Cassandres. Trois moteurs ont ainsi été allumés ces derniers mois, qui ont permis le redressement des indices et rendu inopportune la question de la durée du cycle : pour commencer l’environnement ultra-favorable des taux d’intérêt et des politiques monétaires des principales banques centrales déjà évoqué plus haut, rendu possible grâce à la grande modération de l’inflation (absence de pression salariale malgré le plein-emploi), ensuite la trêve commerciale entre Washington et Pékin, et pour terminer la fin du cycle de ralentissement de l’économie mondiale (stabilisation des indicateurs manufacturiers et du secteur automobile à partir du quatrième trimestre 2020, relance budgétaire, stabilisation voire rebond des émergents). Ces trois moteurs devraient continuer de porter les marchés dans les prochains mois, dans la mesure où ils excluent pour longtemps la récession tant redoutée. Les banques centrales hésiteront à normaliser leurs conditions financières après les soubresauts de la fin 2018 et face à la délicate question de la solvabilité des États – allons-nous vers une situation d’irréversibilité des politiques monétaires, comme au Japon ? - ; la proximité de l’élection présidentielle américaine devrait conduire la Maison-Blanche à davantage de prudence dans ses négociations commerciales alors que Xi Jinping a tout intérêt à renforcer la cohésion de sa population autour du pouvoir absolu du  PCC ; enfin, la dynamique de l’activité mondiale s’améliore.

Les valorisations sont-elles trop élevées ?

Certes, après des redressements spectaculaires de l’ordre de 25 à 30% selon les indices, tous les marchés n’offrent pas le même potentiel d’appréciation. D’aucuns parlent aujourd’hui de risques de bulles, souvent ceux qui annonçaient déjà la récession il y a quelques mois. Mais de quels marchés parle-t-on au juste ? L’écrasement des primes de risque obligataires - 20% des émissions mondiales souveraines et des entreprises de qualité notées investment grade offrent des rendements actuariels négatifs – est évidemment un sujet d’inquiétude légitime. Néanmoins, les banques centrales sont à la manœuvre et pilotent plus ou moins l’entièreté de la courbe des taux d’intérêt depuis la crise des subprimes de 2008 (Réserve Fédérale) ou la crise des dettes souveraines de 2011-2012 (Banque centrale européenne). Les rendements attendus sont évidemment dérisoires, mais ce n’est pas ce que les investisseurs inquiets semblent regarder en premier lieu. En effet, la demande pour les actifs réputés sans risque reste importante, et l’abondance des liquidités continue d’alimenter les achats d’obligations d’entreprises, y compris de moins bonne qualité. Leurs questions portent en réalité d’abord sur la valorisation des indices boursiers. Plus rares sont les professionnels à s’inquiéter de l’immobilier et des dérives du non coté, pourtant bien réelles. S’agissant des actions cotées, les marchés américains sont plutôt généreusement valorisés avec un rapport cours sur bénéfices estimés à douze mois proche de 18 pour le S&P 500, contre une moyenne historique autour de 15 ces dix dernières années. Mais cet indice avait déjà atteint un tel niveau au début de l’année 2018. Autrement dit, cette valorisation n’est ni exceptionnelle ni synonyme de bulle. Surtout, la valorisation des actifs américains très hétérogène est portée par les valeurs de croissance (technologie, consommation) ; environ 60% de la capitalisation du S&P 500 offrent des ratios de valorisation inférieurs à ou proches de ceux des vingt-cinq dernières années, notamment dans les secteurs financiers, la santé, l’énergie et les services de télécommunication (source : JP Morgan Asset Management). Le rendement des free-cash-flows, proche de 4%, est certes inférieur à sa moyenne de long terme (5%), mais reste significativement supérieur à celui qui prévalait avant les deux grandes crises financières de 2001-2002 (éclatement de la bulle internet) et 2008 (crise des subprimes), autour de 2% à peine. A l’avenir, les programmes de rachat d’actions que permet la forte génération d’excédents de trésorerie resteront donc des moteurs importants de la bourse de New York.

Dans les périodes récentes de grandes incertitudes, les actifs américains, portés précisément par les programmes de rachat d’actions et la réforme fiscale de Donald Trump, ont régulièrement joué le rôle de valeurs refuges au détriment des actifs étrangers. Mais ce sont surtout les valeurs de croissance (technologie, consommation, luxe) qui ont bénéficié pleinement de l’impact actuariel de la baisse des taux d’intérêt, un phénomène qui s’observe aussi bien aux États-Unis qu’en Europe et en Asie. Elles surperforment largement les marchés depuis la crise de 2008. Les occasions d’achat existent encore sur les marchés européens (ratios de valorisation de l’indice MSCI Europe inférieurs aux moyennes de long terme), plus particulièrement dans le segment des petites valeurs (contraction de la prime de risque politique liée au Brexit et à l’Italie) et dans les pays émergents, notamment en Asie. Les secteurs réputés « value » (faible croissance des revenus reflétée dans la valorisation de marché), tels que le secteur financier (banques impactées par l’environnement des taux d’intérêt et la régulation) et les valeurs industrielles plus cycliques, offrent également des opportunités attrayantes dans un contexte d’amélioration de la visibilité économique. La transition énergétique menace des pans entiers de l’industrie, mais offrent des opportunités de croissance pour les entreprises les plus innovantes. Pour terminer, la faiblesse générale de la volatilité des marchés est également un facteur de soutien important des indices. Elle reflète une diminution significative de la nervosité des investisseurs.

Six questions qui influenceront les rendements à plus long terme

Si la visibilité connait une nette amélioration, toutes les hypothèques ne sont pas levées pour autant, notamment concernant les sujets qui ne manqueront pas d’avoir une influence décisive sur le comportement des marchés à long terme. Si leurs impacts sur la valorisation des actifs sont délicats à estimer, il n’en est pas moins exact que de nombreuses problématiques sont de nature à menacer la croissance de l’activité économique et la profitabilité des entreprises. Elles nous invitent à la plus grande vigilance et à profiter aujourd’hui des faibles niveaux de volatilité pour couvrir les portefeuilles les plus exposés aux risques contre les pertes extrêmes (stratégies de couverture au moyen d’options de vente sur indices boursiers).

La transition énergétique (coûts induis de la lutte contre le réchauffement climatique) est l’un des sujets les plus critiques. Selon le GIEC, dans les scénarios où des efforts modérés ou importants sont menés à bien pour limiter la hausse de la température moyenne du globe à respectivement 2° et 1° par rapport à la période préindustrielle, la croissance mondiale réelle (hors inflation) du PIB serait ramenée à environ 2 à 2,25% à horizon 2030, un niveau un peu inférieur à la croissance potentielle estimée aujourd’hui (2,3 à 2,5% selon la banque Natixis, estimations basées sur les projections de croissance de la population active et sur la productivité). Autrement dit, la lutte contre le réchauffement climatique aura certes un coût, mais les bénéfices retirés de l’investissement en nouvelles technologies et la hausse modérée du nombre d’évènements météorologiques extrêmes permettront de limiter l’impact du réchauffement sur la croissance mondiale. La pression des opinions publiques est telle que les gouvernements ne pourront pas s’offrir le luxe de rester les bras croisés, ce qui nous amène à penser que le statu quo est le scénario le moins probable. Les conséquences dramatiques d’une forte hausse des températures et du nombre de catastrophes météorologiques aboutiraient à un ralentissement de la croissance mondiale en volume à 1,5% en 2030 selon le GIEC, autant dire un niveau franchement récessif dont les pays les plus pauvres et les plus chauds seraient les grands perdants.  

Cinq autres sujets mériteront toute notre attention dans les prochaines années. En premier lieu, les tensions géopolitiques (la lutte pour le leadership mondial entre les États-Unis et la Chine ; les conflits confessionnels au Proche-Orient et au Moyen-Orient pour ne citer que les sujets d’actualité les plus prégnants) ; ensuite l’avenir de la zone euro (réformes indispensables pour garantir la pérennité de l’union monétaire) ; nous citons également le ralentissement structurel de l’économie chinoise (transition vers une économie tournée vers la demande intérieure, les services et la montée en gamme de l’appareil productif) et la question de la dette mondiale alors que la croissance potentielle ralentit depuis dix ans. Nous aurons tout le loisir d’approfondir ces questions dans le courant de l’année 2020.

Pour finir, nous insistons sur la remise en cause par les populations de la mondialisation et du capitalisme (dérive des partis de gouvernement vers les extrémités de l’échiquier politique sous la pression des populismes, atteinte portée au fonctionnement du marché du travail et au mécanisme de partage de la valeur ajoutée actuellement favorable aux actionnaires, lutte contre les inégalités de revenu et de patrimoine) qui menace la période libérale initiée par les années Reagan-Thatcher après une longue période de stagflation ainsi que la mondialisation qui fut une aubaine pour les marchés boursiers (adhésion effective de la Chine à l’OMC en décembre 2001). Il n’est pas question ici de tenir un discours politique ou de porter un jugement de valeur sur les choix de société qui pourraient être faits dans les prochaines années. Il nous semble néanmoins évident que les politiques publiques de nature à porter atteinte à la profitabilité des entreprises et à leur capacité à distribuer des dividendes seraient mal accueillies en bourse. Pour le moment, nous pensons que la concurrence exacerbée entre les grandes régions du monde, notamment en matière fiscale pour attirer investissements et talents, éloigne la perspective de politiques résolument hostiles au monde des entrepreneurs. Mais la convergence des discours entre l’Europe et les États-Unis en faveur de politiques plus sociales dans un monde davantage centré sur le partage équitable des richesses plutôt que sur leur création, ou encore en faveur de la lutte renforcée contre une certaine forme de capitalisme oligopolistique dont les leaders technologiques américains sont la meilleure illustration, doit nous mettre en état d’alerte. La décision du gouvernement britannique de Boris Johnson d’augmenter de 6,2% le salaire minimum au 1er avril prochain (quatre fois le niveau de l’inflation !), quelques semaines après la victoire éclatante du camp conservateur aux élections législatives grâce au soutien de milieux populaires historiquement acquis à la cause des travaillistes, illustre avec éclat cette problématique.

Conclusion

Habituellement, les stratégistes répondent d’une manière très formatée à la question de la direction que prendront les indices boursiers : « tendance positive à long terme puisque sur de très longues périodes les actions sont toujours gagnantes, mais prudence à plus court terme car les incertitudes sont élevées ». Suit alors la longue liste des risques identifiés sans oublier l’évocation des cygnes noirs (évènements imprévus aux conséquences dramatiques) pour justifier la plus grande circonspection. Ce type de réponse à l’avantage de placer le responsable des investissements en actions d’une banque privée ou d’une société de gestion dans une position plutôt confortable : peu lui importe la direction effective des indices, il sera nécessairement dans le bon. Dans un marché baissier, il rappellera opportunément qu’il avait bien insisté sur les risques ; dans un marché haussier, il mettra en avant les primes de risque et les rendements attendus qu’il avait calculés. Il est clair que ce message à vocation essentiellement commerciale a fort peu d’intérêt pour un investisseur. Nous oserons donc donner ici un avis un peu plus utile. Dans la situation présente, en dehors de tout choc géopolitique et dans le scénario où nos trois moteurs restent allumés (banques centrales – taux d’intérêt, stabilisation macroéconomique, atténuation des tensions commerciales), nous pensons qu’une accélération de la hausse des marchés est parfaitement envisageable dans les premiers mois de l’année, en particulier en Europe et en Asie, régions sous-pondérées par les gérants internationaux. La balance des risques leur est aujourd’hui favorable. Les petites sociétés cotées ainsi que les secteurs réputés « value » offrent également un potentiel de reprise à court terme. Nous pensons que de nombreux investisseurs dont l’allocation de portefeuille actuelle ne permettra pas d’atteindre des rendements supérieurs à l’inflation (surpondération forte des obligations souveraines et de qualité, duration courte) vont basculer une partie de leurs actifs vers les actions, alors que les taux d’intérêt sont appelés à rester durablement bas.

Par contre, des risques importants peuvent parfaitement se matérialiser dans un second temps, alimentant la volatilité dont la faiblesse reste la grande énigme de ces derniers mois. C’est pourquoi nous estimons qu’une accélération de la hausse des indices vers des valorisations déraisonnables - ce qui n’est nullement le cas aujourd’hui - devra être mis à profit pour réduire progressivement le poids des actifs risqués dans les portefeuilles les plus exposés. La volatilité modérée doit également conduire les investisseurs à couvrir les risques de pertes extrêmes (correction des indices supérieure à 10%), comme nous le conseillons depuis fort longtemps. Ces couvertures ont pour but de protéger les portefeuilles contre un changement radical de paradigme sur les marchés. Elle permettent également d’absorber les chocs consécutifs aux tensions géopolitiques telles que la récente escalade entre l’Iran et les États-Unis. Les investisseurs qui sont restés à l’écart des actions en 2019, voire depuis plus longtemps, doivent rapidement remettre en question les raisons qui les ont poussés à adopter une attitude exagérément prudente. Une fenêtre de tir leur est encore ouverte…

Il serait bien évidemment dangereux d’oublier que nous vivons dans une économie de bulle. Même si les valorisations excessives se cantonnent aujourd’hui dans des sous-secteurs, des segments obligataires, dans le non côté et dans certains marchés immobiliers, il est parfaitement réaliste d’anticiper que les indices boursiers profitent également de cette situation. Mais ne soyons pas les derniers à vouloir quitter le festin en cas d’excès. Seuls la valorisation des actifs et les fondamentaux économiques doivent piloter nos décisions d’investissement.

Nous profitons de cette première lettre mensuelle de l’année 2020 pour vous souhaiter nos meilleurs vœux, tant dans votre vie privée que dans votre vie d’investisseur, et pour vous remercier pour votre confiance. 


Avez-vous des questions ? Des suggestions ? N'hésitez pas à nous contacter.   

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