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Une toile de fond très politique Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-10-07

  • Les populistes ou l’arbre qui cache la forêt
  • Une nouvelle Commission européenne avec du pain sur la planche
  • Une croissance un peu plus faible et des actions proches de leurs plus hauts niveaux de l’année
  • Conclusion

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Les populistes ou l’arbre qui cache la forêt

La critique à l’égard des populistes est aisée, consensuelle, mais parfaitement improductive lorsqu’elle exonère de responsabilité ceux qui les ont précédés, pour ne pas dire portés au pouvoir - involontairement du moins -, et lorsqu’elle tend à minimiser les problèmes structurels que traversent nos sociétés, trop souvent mis sous le tapis par les gouvernements qui se sont succédé ces trente dernières années – en guise d’exemples, le sujet des retraites et celui du réchauffement climatique étaient déjà étudiés dans les milieux universitaires au début des années nonante et faisaient l’objet de rapports aux autorités publiques ; les conséquences sociales et économiques de la mondialisation mal préparée par de nombreux pays occidentaux ont été abondamment décrites.

Ainsi, personne n’ose se poser la question de la responsabilité de l’administration Obama dans l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. La critique à l’égard du président américain est tellement virulente qu’on en oublie qu’il existe aussi des populistes de gauche dans le Parti démocrate dont la victoire possible aux prochaines élections législatives et présidentielle serait dévastatrice pour Wall Street. Vous remplacez dans le Bureau ovale Donald Trump par Elisabeth Warren - elle n’est d’ailleurs pas seule à incarner ce courant « gauchisant » - et vous remettez en cause les facteurs qui soutiennent les actions américaines depuis vingt ans (partage de la valeur ajoutée en faveur des entreprises au détriment des salariés, inflation modérée, acceptation des oligopoles technologiques et de leur captation de l’essentiel des profits générés dans les chaînes de valeur, hausse des prix des médicaments supérieure à l’inflation, politiques publiques favorables aux énergies carbonées). En Italie, au sujet des questions économiques, il est d’usage de moquer l’incompétence d'un Mateo Salvini au caractère jugé infantile. Pourtant, l’ancien ministre de l’intérieur n’est nullement responsable d’une croissance potentielle nulle, qui est le vrai sujet. Un pays endetté peut parfaitement survivre lorsque la croissance de sa production de richesses est suffisante et que son taux de financement ne menace pas sa solvabilité. Les gouvernements de centre-gauche et de centre-droit ainsi que les gouvernements techniques de transition qui ont dirigé l’Italie durant vingt ans n’ont pas particulièrement brillé : les compétences insuffisantes de la population active, le manque chronique d’investissements de modernisation des entreprises et la faiblesse des dépenses de R&D - on est bien loin des 3% du PIB préconisés par le traité européen de Lisbonne de 2007 - expliquent en grande partie la faiblesse des gains de productivité alors que la progression incontrôlée des salaires mine la capacité d’autofinancement des entreprises. Ces facteurs responsables de la perte continue de compétitivité de l'économie italienne ne sont pas le fait du populiste Salvini. On aurait donc tort de penser que son éviction du gouvernement apporte un début de solution aux problèmes de fond. En Allemagne, on n’ose à peine écrire qu’Angela Merkel a dilapidé les énormes bénéfices engrangés par les réformes du marché du travail adoptées sous l’autorité d’un Gerhard Schröder courageux (il en perdit les élections), même si cette politique fut menée sans concertation avec les partenaires européens. La chancelière s’est contentée de gérer l’acquis sans grande vision, ni pour l’Allemagne, ni pour l’Union européenne, avec un talent certain pour conserver le pouvoir tout en donnant l’illusion de la compétence. A-t-elle été surestimée par ceux qui l'ont vue un temps comme la dirigeante la plus influente du monde ?

Les populistes ne viennent pas de nulle part. Leur comportement souvent jugé immature et leur désinvolture à l’égard de l’État de droit sont parfaitement en phase avec une société nourrie à l’idéologie post 68tarde où l’émotion a pris dangereusement le pas sur la raison. Mais bien avant le populisme, la démagogie - terme devenu presque désuet – était largement usitée par les partis de gouvernement qui aujourd’hui refusent de reconnaître leur responsabilité dans la naissance d’un monstre. Les partis démocratiques et en particulier ceux qui se déclarent progressistes sont finalement condamnés à obtenir des résultats convaincants à court terme, sous peine d'être sanctionnés durement par les électeurs à plus ou moins brève échéance. D'où cette course en avant dans les dépenses publiques (soutien keynésien à la demande) que permet la décrue généralisée des rendements obligataires. Cette réponse qui éloigne le danger d’une récession à court terme n'est pas suffisante pour répondre aux angoisses des citoyens. Les problèmes structurels demandent des réformes de long terme et parfois douloureuses ; hélas ! trois fois hélas ! les citoyens d’aujourd’hui font montre d’une patience très limitée ! En France, la fin du macronisme comme doctrine réformiste - est-ce finalement un hasard si de nombreuses personnalités réputées chiraquiennes gravitent autour de l’Elysée et de Matignon ? - n’est pas de nature à rassurer. Il aura suffi d’à peine deux ans et de quelques milliers de gilets jaunes pour que le quinquennat d’Emmanuel Macron se fossilise dans une attitude digne du second mandat présidentiel de Jacques Chirac. La croissance potentielle de l’économie française n’a nullement été restaurée par quelques réformettes rendues nécessaires par le décrochage de la France par rapport à ses voisins européens. Le modèle social français est préservé, mais à quel prix ! Les « marcheurs » n’osent même plus affirmer publiquement que la France, avec ses 56% de PIB en dépenses publiques, est plus proche d’un État administré que d’une économie résolument libérale. L’achat de la paix sociale par le déversement de 22 milliards d’euros au mépris des engagements de la campagne présidentielle de 2017 n’offrira qu’un court répit. Le budget 2020 fait penser à ceux de l’époque de François Hollande – l’engagement pris à l’égard de l’Union européenne de diminuer le déficit structurel de 0,5% par an n’est même plus respecté. Emmanuel Macron n’incarne en rien le « nouveau monde » ; il est bien l’héritier de l’ancien dont quelques représentants forment sa garde rapprochée.

Faire barrage aux populistes de gauche et de droite, qui n’hésitent plus à afficher leur sympathie à l’égard des « démocratures » et des régimes illibéraux, exige davantage de courage et de persévérance. Il ne suffit pas d’adopter des lois pour restreindre leur droit à la parole ; il faut lutter de front contre les causes qui leur offrent un marchepied vers le pouvoir.

Une nouvelle Commission européenne avec du pain sur la planche

Face aux populismes, la tâche de la nouvelle Commission européenne est évidemment immense pour sauver l’Union du naufrage qui la menace. La victoire des partis antipopulistes aux dernières élections européennes ne doit pas conduire à l’arrogance de la nouvelle majorité, mais à une refonte complète de la politique communautaire. En nous concentrant ici sur les sujets strictement économiques, nous soulignons trois thèmes qui doivent faire l’objet d’un large consensus au sein des vingt-sept. Le premier sujet concerne l’utilisation complètement inefficace des excédents d’épargne du nord de l’Union (essentiellement ceux de l’Allemagne et de la Hollande) qui aujourd’hui financent le reste du monde, en lieu et place des pays du sud qui ont besoin d’investissements de modernisation et d’infrastructure (restauration de la mobilité des capitaux mise à mal après la crise des dettes souveraines). Sans doute faudra-t-il relancer l’idée d’un budget européen et des euro bonds afin de renforcer la solidarité intra-communautaire et le fédéralisme, même si ce terme a mauvaise presse au sein des populations. Ses avantages ont-ils seulement été expliqués ? L’Allemagne devra faire sa révolution culturelle en la matière, car sans solidarité européenne, la monnaie unique n’a aucune raison d’exister. Après le Royaume-Uni, l’Allemagne est le pays le plus opposé aux réformes de l’Union. A deux reprises depuis le début du 21ème siècle, elle n’a pas hésité à adopter des politiques non-coopératives à l’égard de ses voisins ; dans la période 2000-2006 en mettant en place une dévaluation interne agressive et un choc de compétitivité (réformes du marché du travail), plus récemment en refusant d’investir ses excès d’épargne dans le reste de l’Europe. Le modèle mercantiliste de l’Allemagne a démontré ses limites (surexposition au commerce mondial, aux importations chinoises et aux industries du passé). En l’état, il ne peut servir de référence à toute l’Europe. Le réveil de l’Union passera inévitablement par un rapprochement des points de vue entre les partenaires dont le grand clash à l’occasion de la crise des dettes souveraines de 2011-2012 a entraîné depuis un immobilisme suicidaire des institutions de Bruxelles. Hélas, un gouvernement allemand fragilisé à l’intérieur ne milite pas pour un excès d’optimisme sur la question du soutien de Berlin à une éventuelle réforme de la gouvernance des institutions de l’Union.

Le deuxième sujet économique est la place de l’Europe dans la révolution numérique. Les États-Unis et la Chine sont les leaders incontestés car ces deux pays ont mis en place l’environnement favorable à la naissance puis au développement de plateformes technologiques mondiales qui nous font cruellement défaut et affaiblissent notre compétitivité face au reste du monde (poids des veilles industries ; investissements insuffisants dans les nouvelles technologies). Voulons-nous être de simples satellites des grandes puissances ? Le RGPD va évidemment dans le bon sens ; l’Europe doit aller plus loin et surtout beaucoup plus vite. Il s’agit ni plus ni moins que d’assurer la souveraineté numérique de l’Union.

Le dernier thème est la transition écologique. L’Europe doit veiller jalousement à son indépendance en la matière, alors que jusqu’à présent elle a renforcé son asservissement à l’égard de l’Asie en général et de la Chine en particulier (batteries électriques, électro-aimants, terres rares). Il est temps de remettre la raison au centre des réflexions sur la transition écologique, pour que la valeur ajoutée et les emplois qualifiés ne quittent pas définitivement le Vieux Continent. Pour respecter les engagements climatiques, la nouvelle Commission devra lutter contre le réchauffement par une tarification intelligente des émissions de CO2, jointe à une politique de taxes commerciales cohérente aux frontières de l’Union.

L’objectif ultime de la nouvelle Commission européenne sera bien de favoriser un environnement qui dope la croissance potentielle dans l’ensemble de l’Union (importance des gains de productivité grâce à l’éducation de la population active, de la R&D et des investissements de modernisation dans les nouvelles technologies) et ce de façon durable, alors que le respect des contraintes écologiques est devenu une des grandes exigences des populations. Mais chaque membre de l’Union doit bien comprendre que les enjeux exigent des réponses bien plus efficaces que de simples politiques de soutien à la demande pour calmer des électorats impatients, devenus allergiques à l’idée même de récession économique. Les retraites et la dépendance (vieillissement démographique), la transition écologique, la transformation numérique et les chocs migratoires exigent des moyens financiers considérables qui font souvent défaut, et des politiques courageuses éloignées des discours démagogiques et catastrophistes. Les membres de l’Union ont échoué à préparer sérieusement l’Europe aux exigences de la mondialisation. Depuis vingt ans, la croissance européenne est inférieure à celle du reste du monde ; les déçus de la mondialisation reportent massivement leurs voix sur les listes électorales populistes. La nouvelle Commission aura du pain sur la planche.

Une croissance un peu plus faible et des actions proches de leurs plus hauts niveaux de l’année

Durant le mois de septembre, les principaux marchés ont à nouveau flirté avec les plus hauts niveaux de l’année, et ce malgré l’accumulation de nouvelles économiques peu réjouissantes. Après la Chine à la fin de l’année 2018, puis la zone euro durant le printemps (surtout l’Allemagne et l’Italie), c’est au tour des États-Unis de montrer des signes d’essoufflement du secteur manufacturier. Le commerce mondial reste déprimé ; plus inquiétant est le ralentissement constaté récemment dans le secteur des services dont une large part est liée à l’industrie. Cependant, la consommation tient bon, soutenue par les politiques budgétaires et la hausse des salaires réels. Pour le moment, en termes d’impact, le ralentissement économique porte sur quelques dixièmes de points de croissance économique en moins, pas de quoi paniquer. Même si la volatilité des indices reste plutôt modérée, on observe néanmoins quelques signes de nervosité et l’expression d’inquiétudes légitimes (baisse des principaux indices de 2 à 3% le mercredi 2 octobre après la publication des indicateurs manufacturiers américains sous les attentes du consensus). Malgré le peu de poids que représente la hausse des droits de douane par rapport à la taille de l’économie mondiale, les tensions commerciales affectent à la longue la confiance des agents économiques. Reflet de la stagnation des affaires, les bénéfices des entreprises américaines et européennes ne devraient pas augmenter de plus de 2% cette année. Si la situation d’ensemble ne s’améliore pas, le consensus pour l’année 2020 (progression des bénéfices de 8 à 9%) semble a priori trop élevé. Toutefois, les attentes de la fin de l’année 2018 étaient du même ordre de grandeur, ce qui n’a pas empêché les indices boursiers de progresser généreusement cette année. L’assouplissement des politiques monétaires des principales banques centrales et l’effondrement des rendements obligataires expliquent en grande partie la bonne tenue des indices boursiers. Les déceptions au sujet des indicateurs économiques soutiennent d’ailleurs les attentes de détente monétaire. Les primes de risque des actions restent néanmoins élevées, surtout sur les marchés européens (risques politiques, Brexit, Italie…) et émergents (ralentissement chinois, situation toujours préoccupante en Argentine, Turquie, Afrique du Sud et plus généralement dans les pays dont la dette extérieure est élevée), ce qui témoigne de la défiance des investisseurs à l’égard de cette classe d’actifs.

Conclusion

L’investisseur devra à coup sûr s’armer de patience dans les prochains mois car la politique jouera un rôle déterminant dans la perception des risques. L’approche de l’élection présidentielle américaine apportera son lot d’espoirs et de déceptions quant à l’issue des négociations commerciales entre Washington et Pékin. Même si les deux camps ont besoin d’un accord à des fins de politique intérieure, nous restons convaincus que cette question ne sera pas entièrement résolue dans les prochains mois. Il nous faudra suivre de près les débats politiques à l’occasion des primaires. La dérive vers la gauche de l’échiquier politique d’une partie des représentants démocrates et l’évolution des sondages sont de nature à entretenir la nervosité des investisseurs. En Europe, le Brexit continuera d’alimenter les inquiétudes des gérants d’actifs financiers. Les débuts de la nouvelle Commission seront également scrutés. On n’oubliera pas le Moyen-Orient. A l’égard des marchés pétroliers, il est légitime de s’inquiéter de l’affaiblissement politique de la famille royale saoudienne après l’accumulation de bévues, notamment son incapacité à gagner la guerre au Yémen face à une milice sous-équipée, et à défendre efficacement ses installations pétrolières. La seule certitude en la matière est le refus de Washington de s’embarquer dans une aventure militaire aux conséquences incalculables à quelques mois de l’élection présidentielle. Téhéran pourrait vouloir pousser son avantage en multipliant les provocations.

Comme le lecteur peut le constater, nous nous inquiétons davantage de l’environnement géopolitique qu’économique et nous nous soucions de l’impact des incertitudes sur le moral des investisseurs. En réalité, rien n’autorise à penser que l’économie mondiale connaîtra une récession dans les prochains trimestres, sauf à adopter le scénario d’une contraction de l’activité provoquée par un effondrement brutal de la confiance. Les taux d’intérêt vont rester très bas pour une longue période de temps - les banques centrales assurent la solvabilité des États dont la politique budgétaire est résolument expansionniste -, ce qui nous autorise à penser que les actions offrent des perspectives attrayantes. En Europe, le rendement des dividendes approche 4%, un niveau très supérieur à ce qu’offrent les marchés obligataires. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’assumer les risques extrêmes liés à un changement complet de paradigme, par exemple les pertes en capital liées à une brutale remontée de l’inflation et des taux d’intérêt. Nous le répétons une fois encore, ce qui menace les actions est d’abord un choc d’inflation et de profitabilité. Nous pointons surtout un éventuel changement profond du fonctionnement du marché du travail (partage de la valeur ajoutée actuellement au détriment des salariés remis en cause par la classe politique, ce qui impacterait à la fois l’inflation et la profitabilité des entreprises) ou un éventuel choc pétrolier. Nous conseillons donc de profiter des faibles niveaux de volatilité pour couvrir les portefeuilles actions contre les pertes extrêmes au moyen d’achat d’options put sur indices boursiers.


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