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Note mensuelle actions : l’édition de février 2019 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-02-11

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LES MARCHÉS ÉCARTENT LE PIRE SCÉNARIO

  • Rebond logique des marchés 
  • Le début de l’année 2019 confirme notre analyse
  • Conclusion

Rebond logique des marchés

Après une fin d’année catastrophique qui semblait annoncer le pire scénario pour les marchés financiers, les actifs risqués ont connu un fort rebond durant le mois de janvier. Les principaux indices boursiers ont enregistré des progressions de l’ordre de 7 à 10%, qui se présentent un peu comme l’effet miroir de la brutale correction du mois de décembre. Grâce à la poursuite de la reprise durant les premiers jours de février, les bourses mondiales sont parvenues à effacer les excès du mois de décembre. L’indice S&P 500 est à moins de 10% de son record historique de septembre 2018 ! On est évidemment loin des discours catastrophiques de la fin de l’année dernière qui inondaient les médias. 

        Les catalyseurs du rebond

Plusieurs facteurs ont contribué à diminuer significativement l’anxiété des investisseurs : en premier lieu, les discussions constructives entre Pékin et Washington sur leur différend commercial. Celles-ci laissent espérer un accord dans les prochaines semaines – même si le dossier Huawei (leader chinois des équipements de télécommunications proche du PCC et de l’armée) continue d’envenimer les relations diplomatiques entre la Chine et l’Occident. 

Ensuite, les statistiques macroéconomiques et les discours des dirigeants des entreprises cotées à l’occasion de la saison des publications des résultats témoignent jusqu’à présent d’un ralentissement de l’activité, mais n’annoncent pas de récession dans un avenir proche. L’impression générale est d’ailleurs que le ralentissement actuellement observé trouve son origine davantage dans une perte de confiance de la part des acteurs économiques face aux risques géopolitiques (tensions commerciales) et à la volatilité des marchés, que dans une dégradation significative des fondamentaux. Notre analyse est confirmée par de nombreuses rencontres avec des dirigeants d’entreprises depuis le début de l’année. Leurs messages sont généralement prudents mais pas alarmistes. 

Pour terminer, le discours plus accommodant du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a éloigné les risques d’une hausse des taux directeurs de la banque centrale américaine dans les prochains mois et d’une contraction trop rapide de son bilan. Ce dernier facteur n’est sans doute pas le moins important ; il indique que les grands argentiers de la planète - la Banque centrale européenne a également manifesté son inquiétude - sont sensibles au resserrement des conditions financières reflété par la correction des marchés financiers au quatrième trimestre de l’année 2018 (hausse du coût de financement des entreprises qui se traduit par la hausse des écarts de rendement) et au risque accru d’une récession auto-réalisatrice (perte de confiance des investisseurs et des consommateurs qui débouche in fine sur une récession). Le soutien apporté par les banques centrales est justifié par l’absence de pressions inflationnistes. Du côté des États-Unis, les investisseurs intègrent ainsi le scénario d’un arrêt du processus de normalisation de la politique monétaire de la Réserve fédérale, en tout cas dans son volet « taux d’intérêt directeurs », alors même que le scénario le plus probable ne correspond pas à un retournement rapide et brutal de l’activité économique et des conditions financières. Si nous souscrivons en partie à cette analyse, nous restons néanmoins circonspects. La Réserve fédérale n’aura d’autre choix que de poursuivre son programme de resserrement quantitatif si l’économie domestique reste robuste et si la bourse américaine s’approche trop rapidement de ses plus hauts niveaux historiques. La question de la complaisance des investisseurs à l’égard des obligations souveraines est clairement posée. 

        Ils en ont bien profité ...

Le scénario d’une récession semble donc exclu dans les prochains trimestres ; c’est en tout cas le message véhiculé par les marchés et les entreprises elles-mêmes. Les pays émergents ont repris des couleurs - grâce notamment à la stabilisation du dollar -,  en particulier la Chine, qui multiplie les mesures de soutien à son économie domestique. 

Malgré les incertitudes liées au Brexit (blocage politique lié à la question de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande au travers de la mesure « backstop » imposée par l’Union européenne), les bourses du Vieux Continent ont enregistré un beau rebond. L’accalmie sur le front de la dette souveraine italienne a permis un léger reflux de la prime de risque politique. 

Dans ce contexte, nous notons le retour à meilleure fortune des secteurs boursiers les plus cycliques (industrie, chimie, matériaux de base, énergie) qui avaient souffert des craintes de retournement brutal de l’activité économique (valorisations de marché parfois proches de la capitulation). Le secteur technologique a largement profité des bons résultats d’ensemble publiés par les leaders américains. 

Seules les banques restent pénalisées par l’environnement des taux d’intérêt et par la baisse de leurs revenus liés aux marchés financiers. 

Les publications des résultats et les premières guidances pour l’année 2019 sont dans l’ensemble de bonne facture. Le consensus de progression des bénéfices des entreprises cotées pour l’année en cours s’en trouve crédibilisé (+6% de croissance attendue pour les valeurs du S&P 500 et de l’Europe Stoxx 600).

Le début de l’année 2019 confirme notre analyse

Les sujets géopolitiques (tensions commerciales, chaos politique à Washington, Brexit, Italie,…) ont joué un rôle majeur dans la perte de confiance des investisseurs au quatrième trimestre de l’année 2018. Loin de nous l’idée de minimiser la psychologie des marchés. Néanmoins, ces sujets ont eu beau jeu de masquer les sujets économiques plus fondamentaux, c’est-à-dire ceux qui pèsent habituellement significativement sur le comportement des actifs risqués, en particulier sur celui des actions. 

        Le "vrai" grand risque pour les marchés

Nous réitérons notre point de vue : le plus grand risque pour les marchés reste celui d’une déflation actuarielle des multiples de valorisation des actifs sous l’effet d’une hausse généralisée des taux d’intérêt, elle–même conséquence d’une résurgence des pressions inflationnistes. C’est d’ailleurs l’accélération de la hausse des taux d’intérêt en dollar entre le second semestre 2017 et le début de l’année 2018 qui avait entraîné temporairement une vague de panique sur la bourse américaine entre la mi-janvier et le début du mois de février 2018 (publication des statistiques de variation des salaires en hausse annuelle de 2,9%). 

Or, malgré les taux de chômage très faibles - c’est-à-dire proches de leur niveau structurel - observés dans la plupart des pays développés, qui reflètent la maturité du cycle économique (convergence vers le niveau de croissance potentielle ; voir les notes mensuelles précédentes), le lien entre plein emploi et inflation, via les pressions salariales, semble brisé. C’est d’ailleurs une énigme pour la communauté des économistes (disparition de la courbe de Phillips, du nom de cette économiste du milieu du siècle dernier qui établit le lien entre taux de chômage et inflation). 

On observe bien quelques tensions ici et là, notamment aux États-Unis, dans certaines professions en situation de pénurie de main d’œuvre et même quelques pressions à la hausse touchant les salaires minimums – il s’agit souvent de rattrapages salutaires après des années de stagnation. Cependant, ces tensions ne semblent pas vouloir s’accentuer davantage et restent finalement très inférieures à ce qui a pu être observé à la fin des précédents cycles économiques. 

Pour rappel, la dette publique et privée mondiale avoisine les  250 000 milliards de dollars, soit environ trois fois le produit intérieur brut de la planète (PIB, mesure de la richesse produite en une année). Une hausse rapide et généralisée des taux d’intérêt constituerait une menace certaine pour la solvabilité des agents économiques et des États surendettés. Elle conduirait à une augmentation inévitable du coût de financement (et donc à une forte contraction des résultats) des entreprises dont le free-cash-flow a largement bénéficié des politiques monétaires expansionnistes mises en place après la crise des subprimes et la crise des dettes souveraines européennes (rendement moyen du free-cash-flow supérieur à 5%). 

Les banques centrales ont parfaitement compris l’enjeu, ce qui explique leur grande prudence dans la normalisation de leur politique monétaire. 

En tout cas, jusqu’à présent, les tensions salariales constatées dans les pays de l’OCDE ne sont pas de nature à menacer la profitabilité des entreprises, ni à augmenter les anticipations d’inflation des agents économiques (contrats swaps d’inflation anticipée dans cinq ans en dollar et en euro à respectivement 2,20% et 1,45%, en baisse de 0,25% depuis la fin du troisième trimestre 2018). 

A ce sujet, les prix à la production observés récemment aux États-Unis sont plutôt rassurants. Petite remarque : une accélération à la hausse des salaires ne serait pas un problème majeur si les gains de productivité étaient au rendez-vous ; malheureusement ces gains restent modérés dans les pays développés, une autre énigme en dépit de la révolution digitale en cours et de l’effort de modernisation de l’appareil productif.

        Pourquoi la macroéconomie ne nous inquiète-t-elle pas davantage ? 

Et ceci, en dépit du ralentissement bien visible ? Aux États-Unis, la consommation et la situation patrimoniale des ménages restent solides ; en Europe, la situation n’est pas si catastrophique si l’on exclut le ralentissement lié au commerce mondial et le secteur automobile allemand ; les pays émergents ne subissent plus la forte pression liée aux taux d’intérêt en dollar – ce qui explique la forte reprise de leurs marchés depuis la fin de l’an dernier - ; la Chine multiplie les plans de relance de sa machine économique. Pour terminer, nous rappelons que la forte baisse des prix pétroliers dans la seconde moitié de l’année 2018 offre un soutien massif aux pays consommateurs en termes de pouvoir d’achat (Chine, Inde, Japon, Europe,...). Sur la période 2016-2018, le triplement des prix du pétrole avait amputé la croissance du PIB de la zone euro de 0,9%.

Conclusion

Si nous n’assistons qu’à un simple ralentissement cyclique et bien naturel de l’activité économique, lié d’une part au plein-emploi, et d’autre part, à la crise de confiance des investisseurs face aux sujets politiques et à la versatilité des marchés (a contrario d’un brutal décrochage, voire d’une récession), alors, les bourses mondiales continueront sur leur lancée. Certes, une pause dans les prochaines semaines serait fort logique et d’ailleurs bienvenue après la forte progression enregistrée depuis le début de l’année. Après une hausse d’environ 8% de l’indice S&P 500, le marché américain, qui était revenu à la fin de l’année 2018 sur son niveau moyen de valorisation de long terme, est sans doute à présent plus généreusement valorisé sans toutefois atteindre un niveau alarmant. Les actions mondiales se payent un peu moins de quinze fois les résultats attendus en 2019, un niveau qui n’a rien d’excessif  mais qui exige de la sélectivité et une gestion active éloignée des stratégies passives (investissement au moyen de fonds indiciels en dehors de toute considération de valorisation de leurs composants), alors que les incertitudes politiques restent élevées. Notre méthodologie basée sur la sélection et la valorisation de titres individuels fortement générateurs de free-cash-flows et au bilan solide devrait nous permettre de tirer notre épingle du jeu durant cette phase de ralentissement économique.


DISCLAIMER: Cette publication ne doit en aucun cas être assimilée à une offre en vue d’acquérir/vendre un produit financier ou à une quelconque activité de démarchage ou de sollicitation à l’achat ou à la vente de produit de gestion ou d’investissement. Toutes les informations publiées ici ne sont fournies qu’à titre de description et ne constituent en aucun cas des conseils de placement. Cette publication ne peut en aucun cas constituer une base primaire à des investissements.

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