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Note mensuelle actions : l’édition de janvier 2019 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-01-04

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NOS VUES POUR 2019 

  • Un mois de décembre déroutant
  • L’année 2019 en neuf questions
  • Conclusion

UN MOIS DE DÉCEMBRE DÉROUTANT

Le millésime 2018 aura clôturé de la pire des manières et le mois de décembre restera dans les annales comme un des pires de l’histoire boursière. L’indice Dax des valeurs allemandes qui tient compte des dividendes abandonne 18% sur l’ensemble de l’année, pénalisé par le secteur automobile et le ralentissement du commerce mondial ; les indices chinois perdent plus de 20% ; l’indice S&P 500 finit 2018 dans le rouge (-6% en devise locale, soit en dollar) malgré l’engouement des investisseurs - parfois déraisonnable - pour les valeurs technologiques dans la première partie de l’année et la progression des bénéfices des sociétés cotées de plus de 20% ; en pleine tourmente liée au Brexit, l’indice Footsie des valeurs britanniques perd 12% ; la plupart des marchés boursiers européens et émergents abandonnent entre 10 et 15%, excepté l’Inde dont l’indice Nifty gagne 3% en devise locale ; l’indice Nikkei 225 de la bourse de Tokyo perd 12% en yen. Les dernières séances boursières de l’année ont connu des mouvements d’une rare violence avec des écarts quotidiens déroutants, souvent supérieurs à 2 ou 3% pour les indices américains.

Les qualificatifs sont nombreux pour caractériser un millésime qui s’annonçait pourtant prospère en début d’année : déconcertant, décevant, volatil, inquiétant. Souvenons-nous du début du mois de janvier 2018 qui avait débuté sur les chapeaux de roues dans un environnent avantageux. Nous pouvons citer l’économie mondiale en progression de près de 4% par an en volume, l’économie américaine solide, la reprise en Europe continentale en phase d’accélération alors que les risques politiques semblaient mis entre parenthèses (espoirs soulevés par l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République française), sans oublier les perspectives de résultats des entreprises cotées particulièrement alléchantes. D’aucuns émettaient bien quelques préventions légitimes à l’égard de la valorisation généreuse des actions américaines - surtout s’agissant des valeurs de croissance - mais les inquiétudes portaient bien davantage sur les risques de surchauffe aux États-Unis proches du plein-emploi, sur l’inflation et l’évolution des taux d’intérêt susceptibles de remettre en question la dynamique du marché haussier – souvenons-nous de la réaction négative des investisseurs lors de la publication des statistiques de hausse des salaires américains il y a douze mois. 

Las ! Rien n’évolua comme prévu ; l’immense majorité des classes d’actifs termine l’année dans le rouge. Les indices américains, qui avaient encore atteint des records historiques en septembre dernier grâce aux programmes de rachat d’actions (mille milliards de dollars dépensés par les entreprises sur l’ensemble de l’année grâce à la réforme fiscale) et aux investissements des non-résidents qui fuyaient l’Europe et les pays émergents, finirent par corriger violemment durant l’automne. Wall Street a clairement changé d’opinion sur Donald Trump. A ce jour, les thèmes favoris des investisseurs n’évoquent plus les risques de surchauffe ni la hausse des taux d’intérêt - les taux longs souverains américains, allemands et japonais ont reflué ces derniers mois -, mais déjà les perspectives de récession, même si le ralentissement de l’économie mondiale reste pour le moment modéré. Seule la thématique inflation n’a pas complètement disparu dans un contexte de plein emploi. Cependant, la baisse de 40% des cours du baril de Brent sur le seul quatrième trimestre, qui annonce une modération de l’inflation totale dans les prochains mois, inquiète déjà les investisseurs à la recherche d’indices du ralentissement économique mondial.

Les déceptions les plus importantes de l’année 2018 portent évidemment sur les pays émergents et l’Europe, les premiers démontrant une fois de plus leur trop grande dépendance aux flux de capitaux internationaux perturbés par l’évolution des taux d’intérêt américains - où sont passés les discours sur l’attrait à long terme des pays censés soutenir la croissance mondiale ? -, alors que dans le même temps les actifs risqués du Vieux Continent souffraient d’une désaffection chronique de la part d’investisseurs inquiets des soubresauts politiques en Italie (coalition populiste), en France (fin du macronisme comme doctrine réformiste), en Allemagne (coalition paralysée), et bien sûr au Royaume-Uni (Brexit). La faible valorisation des actions émergentes et européennes n’a pu jouer à elle-seule le rôle de catalyseur pour leur performance boursière. Les indices européens ont pour ainsi dire glissé toute l’année, sans véritable choc ni réelle velléité de reprise hormis une timide rémission durant le printemps. La vitesse de la consolidation a connu une brusque accélération dès le début de l’automne. Où sont donc passés les investisseurs européens ? Les régulateurs du secteur financier seraient bien avisés de se poser sérieusement la question.

L’ANNÉE 2019 EN NEUF QUESTIONS

Dans la suite, nous tenterons de répondre à quelques questions fondamentales souvent posées par nos clients. 

1° Assistons-nous à une simple correction des bourses ou au début d’un cycle baissier ? 

Contrairement à ce que nous entendons chez certains de nos confrères, il ne s’agit pour le moment que d’une simple correction. Certes, elle est sévère avec certains indices en baisse de plus de 20% depuis leurs plus hauts niveaux de l’année 2018. Le retour de la volatilité, surtout perceptible depuis l’automne, a pris par surprise de nombreux investisseurs. Néanmoins, si nous observons les États-Unis, nous constatons que depuis le début du cycle haussier qui a débuté au printemps de l’année 2009, après la crise des subprimes, des corrections passagères plus ou moins prononcées ou des phases intermédiaires de consolidation ont déjà eu lieu ; l’avant-dernière est celle qui s’étendit de l’été 2015 au début de l’année 2016 et qui vit l’indice S&P 500 perdre près de 15% en dollar. En Europe, la crise des dettes souveraines entraina une correction de 35% de l’indice Euro Stoxx entre le printemps et l’automne 2011. Dans le même temps, la bourse de New York abandonnait 20%. Les bourses émergentes perdirent 35% entre le printemps 2015 et le début de l’année 2016 (ralentissement chinois, effondrement des cours du pétrole et des prix des matières premières). A chaque fois, les corrections furent suivies de rebonds plus ou moins rapides. Si nous adoptons un point de vue plus large en étudiant l’indice mondial MSCI net total return (dividendes réinvestis) durant les dix dernières années de hausse, nous observons deux corrections intermédiaires majeures : -22% en 2011 et -18% entre l’été 2015 et le début de l’année 2016. La consolidation actuelle atteint 18% depuis le mois d’octobre 2018 (performances exprimées en dollar). Pour le moment, rien ne permet d’affirmer avec certitude qu’il s’agit bien du début d’un cycle baissier et donc de la fin du marché haussier. Cette question est bien évidemment fondamentale : si la correction annonçait bien un marché baissier, il serait encore temps de vendre. L’idée que le présent cycle haussier de la bourse de New-York entamé en mars 2009 serait le plus long de son histoire est le genre d’information qui ne dit absolument rien sur les fondamentaux qui déterminent le cycle. Les deux derniers marchés baissiers (2001-2002 et 2008) eurent pour origine une crise financière de grande ampleur (éclatement de la bulle internet pour la première et crise immobilière pour la seconde) qui aboutit à une récession. 

2° La correction reflète-elle correctement les fondamentaux économiques ? 

La réponse est clairement négative pour la plupart des pays, hormis sans doute pour ceux qui ont connu des crises de grande ampleur tels que la Turquie et l’Argentine. Les fondamentaux économiques ne justifient pas les valorisations actuelles (croissance mondiale supérieure à 3%) ; la bonne santé des entreprises n’est pas prise en compte par les marchés (cash-flows abondants, endettement maîtrisé). Seul un fort ralentissement de l’activité justifierait les niveaux de valorisation atteints aujourd’hui par les marchés européens et émergents. La bourse américaine est revenue à ses niveaux de valorisation de long terme (rapport cours sur bénéfices attendus en 2019 des entreprises du S&P 500 égal à 14,3) ; elle pourrait néanmoins souffrir davantage d’un ralentissement plus prononcé de l’activité économique aux États-Unis, sous sa croissance potentielle de 1,8% (rythme de croisière au plein-emploi). Cependant, notre opinion est que la correction est exagérée à la lecture des fondamentaux économiques qui restent favorables (consommation soutenue, dette des entreprises à des niveaux raisonnables, absence de bulle immobilière, inquiétudes excessives sur les prêts auto et étudiants qui ne représentent que 12% du PIB américain). 

3° La crise peut-elle devenir auto-réalisatrice ? 

Malgré les signes de ralentissement de l’économie mondiale, rien ne permet d’anticiper un brutal décrochage de l’activité dans un proche avenir. Néanmoins, il nous faudra surveiller de près la question du financement du secteur privé. Les écarts de rendement entre les obligations d’entreprises et les emprunts d’État qui avaient atteint des niveaux historiquement très faibles (taux de défaut des entreprises au plus bas, primes de risque écrasées par les politiques d’assouplissement quantitatif des banques centrales) ont entamé un cycle de hausse depuis plusieurs mois, surtout dans les segments les plus risqués (obligations à haut rendement). Ce renchérissement du coût de financement des sociétés n’est pas une bonne nouvelle car il aggrave un peu plus le pessimisme des chefs d’entreprises inquiets face aux incertitudes politiques et aux tensions commerciales. Des projets d’investissement pourraient être retardés voire annulés. Néanmoins, pour le moment, aucune dégradation des indicateurs de faillite ne vient justifier une telle hausse des rendements obligataires. 

4° La baisse des marchés est-elle liée à la contraction de la liquidité mondiale ? 

Les liquidités mondiales se montent à environ 25 000 milliards de dollars, à comparer aux 85 000 milliards de dollars de PIB mondial (richesse produite en une année) et aux 250 000 milliards de dettes publiques et privées. Il est communément admis que les politiques d’assouplissement quantitatif des banques centrales ont soutenu les prix des actifs financiers ces dernières années. Le stock de liquidités mondiales constitué des bilans des banques centrales et des réserves de change – principalement celles des pays émergents et des exportateurs de gaz et de pétrole - se contracte d’environ 100 milliards de dollars par mois (dont la moitié est liée à la politique de la Banque centrale américaine), un rythme qui ne menace en rien la montagne de liquidités actuellement disponibles (source : Natixis). Certes, la Réserve fédérale américaine a entamé une phase de resserrement monétaire (diminution de la taille de son bilan et hausse de ses taux directeurs) ; la Banque centrale européenne (BCE) s’apprête à lui emboiter le pas (arrêt des achats d’actifs dès janvier 2019, mais hausse des taux directeurs pas avant la fin 2019). Néanmoins, les principales politiques monétaires restent globalement plutôt accommodantes (Chine, Japon, zone euro) ; les taux d’intérêt en dollar en phase de normalisation restent à des niveaux raisonnables. Les marchés financiers continueront donc d’être soutenus par l’importance du stock excédentaire de liquidités par rapport aux besoins de l’économie réelle. 

5° Quel est le plus bas du marché dans une hypothèse pessimiste (récession) ? 

C’est une question à laquelle il est difficile de répondre, car la réponse dépend des hypothèses retenues. Une récession conduirait inévitablement à une contraction des profits des entreprises avec un haut niveau d’incertitude sur le niveau des marges bénéficiaires atteint dans le creux du cycle. C’est pourquoi nous avons retenu une approche basée sur le multiple cours sur valeur comptable dont le calcul ne dépend pas du cycle des profits. Sur la base de cette méthodologie et par l’observation des points bas enregistrés depuis vingt ans, nous estimons que le pire scénario justifierait une baisse supplémentaire d’environ 20% des indices européens et 25% des indices américains. Ce calcul est sans doute trop pessimiste dans la mesure où le rendement des cash-flows libres (après investissements) des actions mondiales est proche de 6%, un niveau très supérieur à celui d’avant la crise de 2008, et dont près de la moitié est distribué sous la forme de dividendes. Néanmoins, puisque les dividendes sont le plus souvent liés aux résultats annuels, nous préférons ici ne pas tenir compte de la capacité des entreprises à générer des excédents de trésorerie. La crise de 2008 a toutefois démontré que les investisseurs sous-estiment la capacité de gestion des postes du free-cash-flow (besoin en fonds de roulement, investissements…).

6° La géopolitique a-t-elle une influence déterminante sur les marchés ?

C’est une évidence : les investisseurs accordent aux responsables politiques un grand pouvoir de nuisance. Les sujets d’inquiétude sont nombreux : les tensions commerciales manifestement là pour durer, les politiques étrangères aventureuses des démocratures (Turquie, Russie…) qui menacent la paix mondiale, les conflits religieux et ethniques au Moyen-Orient, les visées hégémoniques d’une Chine résolument impérialiste, le projet européen fragilisé par la paralysie des gouvernements nationaux et la montée des populismes, sans oublier la remise en question du multilatéralisme et des grands équilibres d’après-guerre par les États-Unis. Le contexte géopolitique n’est pas propice aux affaires. Pourtant, les entreprises ont déjà prouvé dans le passé leur grande capacité d’adaptation aux crises, raison pour laquelle nous n’exagérons pas l’impact de la politique sur leurs résultats, le véritable moteur de la bourse. Néanmoins, nous reconnaissons que l’imprévisibilité de Donald Trump est un facteur à ne pas négliger. A ce propos, les investisseurs restent circonspects face à la trêve commerciale récemment décidée entre les États-Unis et la Chine ; les marchés ont compris que la propriété intellectuelle et le leadership technologique (intelligence artificielle, réseaux mobiles 5G, semi-conducteurs…) étaient les enjeux véritables sur lesquels il sera difficile de trouver un terrain d’entente.

7° Quels sont les pays à surveiller ?

L’économie mondiale est tirée par les États-Unis et la Chine qui représente à elle-seule 30 à 40% de la croissance de la planète. Même si ces économies sont surtout domestiques dans la mesure où le reste du monde profite peu de leur dynamique interne, il est indéniable que leur bonne santé a un impact majeur sur les marchés financiers et par ce biais sur l’économie mondiale. En outre, les grandes entreprises européennes cotées dans les secteurs de la consommation, de l’industrie, de l’énergie, de la technologie et des soins de santé ont, dans leur grande majorité, une forte exposition à ces zones.

8° Est-il encore temps de couvrir les portefeuilles contre les pertes extrêmes ?

Nous avons souvent insisté en 2017 et dans la première partie de l’année 2018 sur le niveau étonnamment faible de la volatilité qui rendait le coût des couvertures particulièrement attrayant (achat d’options de vente sur les indices boursiers). Ce temps est révolu. Le retour de la volatilité rend ces stratégies onéreuses, sauf à accepter des couvertures très imparfaites. Par exemple, couvrir aujourd’hui un portefeuille d’actions européennes jusqu’à décembre 2019 (option de vente sur l’indice EURO STOXX 50) contre une perte de plus de 10% coûterait environ 4% de le valeur de ce portefeuille, un prix qui nous semble trop élevé lorsque le rendement attendu des actions ne dépasse pas 10% l’an (dividendes inclus). En conséquence, ceux qui ont eu l’idée opportune de couvrir leurs portefeuilles contre des risques extrêmes (pertes importantes) à des bons prix avant l’automne 2018 pourront garder leurs positions. Ceux qui aujourd’hui ont une forte exposition aux actions sans aucune couverture devront sans doute revoir leur allocation d’actifs en cas d’hypersensibilité à la volatilité des prix de marché. Ceux qui sont sous-pondérés en actions utiliseront progressivement leurs liquidités pour profiter des occasions d’achat.

9° Quelles sont les raisons d’espérer ?

Plusieurs facteurs positifs ne sont pas pris en compte par les marchés. Certains éléments sont récents. En Europe, l’Italie a trouvé un accord avec la Commission européenne qui a mis fin à la procédure pour déficit excessif. Les tensions sur la dette souveraine italienne et le secteur financier se sont calmées. En zone euro, les politiques budgétaires et monétaire sont plutôt accommodantes. Nous observons un début de stabilisation dans les marchés émergents ; la Chine relance son économie pour respecter ses objectifs tels que le doublement du PIB par habitant entre 2010 et 2020, ce qui implique une croissance minimale supérieure à 6% dans les deux prochaines années. La forte baisse des prix pétroliers est un formidable soutien au pouvoir d’achat dans les pays importateurs nets tels que la Chine, l’Inde, le Japon, sans oublier l’Union européenne. Les valorisations des actions sont très attrayantes et ne reflètent pas les fondamentaux actuels.

CONCLUSION

L’année 2018 est révélatrice du grand malentendu qui, régulièrement, caractérise les relations entre de nombreux investisseurs et les marchés financiers. Les espérances de rendement, aussi attrayantes soient-elles, ne peuvent être réalisées qu’à condition d’avoir un horizon d’investissement long et d’accepter la variabilité des prix de marché qui, dans le court terme, peut conduire à des valorisations temporairement éloignées des fondamentaux. C’est précisément dans ces périodes troublées que l’on réalise les meilleures affaires ; mais il faut du temps, de la patience, et une bonne dose de capacité de résistance au stress. C’est bien parce que les incertitudes sont élevées que les primes de risque, et donc les espérances de rendement, le sont aussi. Dans le cadre d’une gestion active de portefeuille, il nous paraît judicieux de regarder aujourd’hui avec beaucoup d’attention les prix d’achat intéressants offerts par les marchés.

Nous commençons l’année 2019 avec de nombreuses questions, mais ce serait énoncer une banalité que d’affirmer que les investisseurs devront naviguer dans un océan d’incertitudes dans les prochains mois. Nous faisons partie de ceux qui pensent que l’indécision des marchés crée les occasions d’investissement.

Nous profitons de cette première note mensuelle de l’année pour vous remercier de votre confiance et vous souhaiter nos meilleurs voeux pour 2019.


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