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Note mensuelle actions : l’édition de novembre 2018 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2018-11-08

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Un mois d’octobre sous haute tension

  • Le moral des investisseurs en berne
  • Où est donc passée la prime de risque ? 

LE MORAL DES INVESTISSEURS EN BERNE

Les sujets macro-économiques et politiques continuent de prendre le dessus

L’accumulation des incertitudes aura eu raison du moral des investisseurs durant le mois d’octobre. La saison des résultats du troisième trimestre des entreprises cotées, loin d’être de mauvaise qualité, n’aura finalement pas été en mesure de rassurer les marchés sur les perspectives économiques. Les sujets macro-économiques et politiques ont largement pris le dessus alors que les entreprises sont loin d’abreuver les investisseurs en discours alarmistes. Les prévisions de résultats ne sont pas revues à la baisse ; hormis des cas très précis, les hausses de tarifs douaniers ne se diffusent pas encore à grande échelle dans l’économie. 

Bien sûr, les décisions de Donald Trump sont encore très récentes, et pour le moment, malgré des signes encourageants envoyés par la Maison-Blanche sur l’imminence d’un accord - lire les tweets présidentiels forcément un peu suspects à l’approche des élections de mi-mandat -, les investisseurs sont restés sceptiques sur l’issue des négociations entre la Chine et les États-Unis. 

Ce sont bien évidemment les négociations ardues sur le Brexit (blocage sur la frontière entre l’Irlande du Nord et l’Union européenne), les discussions houleuses entre la Commission européenne et l’Italie (budget reposant sur des hypothèses de croissance irréalistes, soutien à la demande en lieu et place d’investissements et de réformes structurelles) et les tensions commerciales qui continuent d’alimenter la nervosité ambiante. Si le petit resserrement récent de l’écart de rendement entre les emprunts italiens et allemands a pu atténuer quelque peu le stress dans la zone euro (absence de contagion au reste de l’Europe du Sud) dans le cadre de l’annonce des décisions plutôt favorables des agences de notation (S&P : note de la dette publique italienne BBB confirmée, mais perspective négative ; Moody’s : note revue à la baisse Baa3, mais perspective stable), de nouveaux chocs sur les marchés européens ne sont pas à exclure dans les prochaines semaines. Cependant, le Brexit et l’Italie semblent être des questions beaucoup moins fondamentales pour les marchés boursiers que celles des taux américains, des tensions commerciales et de l’état préoccupant de l’économie chinoise déjà impactée par les taxes américaines et ce malgré les mesures de soutien adoptées par Pékin.

Comment investir?  

A la fin du mois d’octobre, les principaux indices amorçaient tout de même une reprise technique après avoir abandonné une dizaine de pourcents depuis la fin septembre. L’accumulation de valorisations de marché un peu absurdes (rapports cours/bénéfices inférieurs à 10), notamment dans les segments industriels, que les discours des directions d’entreprise ne corroborent pas, a certainement joué un rôle dans la chasse aux bonnes affaires. Avons-nous donc vu les plus bas de l’année ? C’est la question que tous les investisseurs se posent, surtout ceux à la recherche de points d’entrée intéressants. Car à long terme, le prix payé pour l’achat d’un actif financier est déterminant dans le rendement obtenu à la revente. A plus court terme, les prix de marché peuvent s’éloigner plus ou moins fortement de leur niveau d’équilibre théorique. L’investisseur de long terme doit accepter cette variabilité des cours afin de capter sur la durée la prime de risque. Cette question est bien sûr délicate tant le nombre de sujets d’inquiétude semble élevé, d’autant que les investisseurs ne savent plus très bien quel scénario macro-économique de base privilégier pour les prochains trimestres. En tout cas, nous nous attendons à ce que la volatilité reste élevée dans les prochaines semaines ; les stratégies de couverture contre les risques extrêmes doivent être maintenues. Les occasions d’achat qui se sont multipliées depuis la fin de l’été militent également pour des investissements sélectifs dans les segments les plus touchés (équipements et constructeurs automobiles, secteur financier avec une préférence pour l’assurance, biens d’équipements, technologie avec un œil sur les semi-conducteurs malmenés depuis le printemps, petites et moyennes capitalisations boursières frappées par des problèmes de flux et de manque de liquidité). 

Un ralentissement, oui. Une récession, non

A ce stade, il est intéressant de se souvenir que la correction de la fin du mois de janvier portait sur des craintes de surchauffe de l’économie américaine et de hausse des taux d’intérêt sous l’effet d’un retour de l’inflation (importance accordée aux statistiques de l’emploi et à l’évolution des salaires). Aujourd’hui, les investisseurs semblent bien davantage s’inquiéter de la durabilité du cycle économique qui, pour le moment, faut-il le souligner, reste solide (la croissance américaine attendue autour de 3% en volume en 2018, la zone euro proche de 2%, et la croissance mondiale autour de 3,8% exprimée en parité de pouvoir d’achat). La Réserve fédérale prévoit encore une croissance américaine de 2,5% en 2019 et 2% en 2020 (niveau proche du rythme de croissance potentielle) ; il n’y a rien de particulièrement inquiétant. Les économistes anticipent bien un ralentissement, mais pas une récession. Dans la correction du mois d’octobre, les taux d’intérêt à long terme et les anticipations d’inflation ont peu bougé, ni à la hausse ni à la baisse. Les obligations souveraines américaines et allemandes n’ont pas joué leur rôle habituel de valeurs refuges. C’est un point important : les investisseurs obligataires ne semblent pas adopter une vue pessimiste sur l’activité économique. Les primes de risque offertes par les obligations à haut rendement ont peu augmenté ; elles restent faibles d’un point de vue historique, ce qui reflète une grande confiance dans les fondamentaux des entreprises et l’environnement économique. Les marchés paraissent également intégrer que les taux d’intérêt sont appelés à monter davantage.

Aux États-Unis, la Réserve fédérale continuera à déployer sa politique de resserrement monétaire (hausse des taux directeurs, contraction de la taille de son bilan). La Banque centrale européenne s’apprête à mettre fin à sa politique d’achat de titres dès la fin de cette année. 

Certes, le scénario le plus défavorable pour les actions est bien une contraction de l’économie (baisse des marges et des profits) combinée à une remontée des taux d’intérêt (pression à la hausse sur les taux d’actualisation des cash-flows futurs). Contrairement aux cycles précédents qui ont vu les banques centrales alimenter en liquidités des marchés en retournement et des économies en récession, les principaux argentiers de la planète sont aujourd’hui dans une logique fort différente. Néanmoins, pour le moment, ni l’évolution des taux ni l’évolution des bénéfices ne justifient un krach boursier. Certes, nous sommes conscients que les crises financières (2001-2002, 2008 : baisse moyenne des indices de l’ordre de 50%) précèdent les récessions économiques et non l’inverse. 

Néanmoins, avec un rendement moyen du free-cash-flow des actions mondiales proche de 5%, très supérieur au niveau observé juste avant les grandes crises de 2001-2002 et 2008 (rendement observé autour de 2% dans un environnement de taux d’intérêt plus élevé qu’aujourd’hui), il est difficile d’envisager autre chose qu’une correction comparable aux baisses de 2011 et 2015 (baisse moyenne des indices de l’ordre de 20% entre le sommet et le creux local). La fin de la saison de publication des résultats devrait d’ailleurs voir les grandes valeurs américaines gorgées de liquidités reprendre leurs programmes de rachat d’actions qui représentent un soutien significatif aux indices boursiers. 

Quant aux actions européennes, s’il est inenvisageable d’entrevoir à court terme un retour des flux d’investissement de la part des grands fonds internationaux en l’absence d’une franche diminution du risque politique (Brexit, Italie, élections européennes, fragilité de la coalition gouvernementale allemande), leur valorisation dérisoire (rapport cours/bénéfices attendus en 2019 à peine supérieur à 12, rendement des dividendes au-dessus de 3,5%) ne plaide pas pour une poursuite de la correction, en tout cas pas dans les mêmes proportions. Les actions européennes, tout comme les places émergentes, ont déjà fortement déçu en 2018. Seule une catastrophe justifierait de sortir aujourd’hui du marché.

Certains plus touchés que d'autres en octobre

Aux États-Unis, Les valeurs technologiques ont amorcé une consolidation bien venue sous l’effet des tensions sur les taux d’intérêt et des publications de résultats et/ou de prévisions jugées décevantes (Amazon, Apple, Alphabet, Facebook,…). L’indice Nasdaq Composite a perdu 9,2% durant le mois d’octobre, sa pire performance mensuelle depuis novembre 2008. La cherté de la cote américaine était une évidence pour une très large majorité des professionnels dans le cadre d’une hausse des taux d’intérêt et d’une pression à la hausse sur les coûts des entreprises (salaires en progression annuelle de +3,1%). Plus généralement, les valeurs de croissance ont davantage souffert que les titres réputés « value » (faibles attentes de croissance reflétées dans les valorisations de marché). 

Mais ce n’est pas la seule dichotomie observée : les secteurs réputés défensifs (santé, services aux collectivités, biens de consommation non cycliques) ont mieux résisté. Les assureurs ont profité de la perspective d’un cycle de hausse des taux d’intérêt alors que les banques ont souffert de leur statut de valeurs cycliques (sensibilité au marché du crédit aux entreprises, exposition à l’Italie, à la Turquie,...). 

On l'avait oublié ...

A noter qu’un facteur déstabilisant pour les marchés s’est retourné dans le bon sens durant le mois d’octobre : le prix du pétrole. La perspective des sanctions américaines contre l’Iran avait propulsé le cours du Brent à plus de 85 dollars le baril au début du mois d’octobre. Le prix du baril de Brent a abandonné 15% depuis. Nous pouvons y voir une certaine intelligence de la part de la Maison-Blanche inquiète de l’impact de l’envolée des prix du pétrole sur le moral des citoyens avant les élections de mi-mandat. En effet, les sanctions sont finalement assorties d’exemptions pour une durée limitée à six mois en faveur de huit pays importateurs de brut iranien tels que la Chine, l’Inde et l’Italie. Ces mesures ont eu pour effet immédiat de faire retomber la pression sur les marchés pétroliers. Selon la maison de recherche ODDO, sur la période 2018/2016, la perte de produit intérieur brut (PIB) directement imputable à la hausse des cours du pétrole (+160% de progression depuis le plus bas de janvier 2016) serait de 0,9% pour la zone euro, 0,8% pour la Chine, 1,5% pour l’Inde et 1% pour le Japon, des chiffres qui sont significatifs. Le repli des prix pétroliers permet d’ancrer les anticipations d’inflation et de calmer les inquiétudes sur les taux d’intérêt, une excellente nouvelle qui est passée complètement inaperçue durant la correction des indices boursiers.

OÙ EST DONC PASSÉE LA PRIME DE RISQUE ?  

Hormis dans quelques secteurs de la cote (technologiques, luxe et plus généralement les valeurs de croissance), les marchés sont à un niveau de valorisation qui n’est pas excessif. L’indice MSCI World se paye 14 fois les bénéfices moyens attendus en 2019, l’indice S&P 500 se paye 15,3 fois les profits (moyenne des dix dernières années 14,5) l’indice Euro Stoxx à peine 12,3 fois les bénéfices 2019. La génération des excédents de trésorerie est à un niveau très confortable (rendement moyen du free-cash-flow de 5%). 

L’idée que les indices boursiers sont dans une phase de bulle est erronée. Elle est certainement la conséquence de l’importance médiatique prise ces dernières années par les valeurs technologiques, en particulier les FANMG (acronyme pour Facebook, Amazon, Netflix, Microsoft et Alphabet). Mais les entreprises technologiques ne sont pas tout le marché (15% de l’indice MSCI World, hors pays émergents, 25% du marché américain, seulement 5% en Europe). 

Des performances passées bien loin de la théorie financière sur les 20 dernières années ...

En outre, s’il est de bon ton de s’extasier devant la performance des actions américaines depuis octobre 2008 (return net annuel moyen de l’indice S&P 500 égal à 12,5%), force est de constater que la mémoire des investisseurs n’est pas très longue. Car ils oublient un peu vite la crise de 2008 qui propulsa les primes de risque à des sommets. En adoptant un point de vue de très long terme, on observe d’ailleurs que les actions sont loin d’avoir rempli toutes leurs promesses. Ainsi, sur la période s’étalant de janvier 1999 à fin octobre 2018, le rendement annuel moyen brut des actions mondiales (MSCI) a été de +5,2% (exprimé en EUR). Dans le même temps, l’indice Barclays des obligations d’entreprises délivrait une performance annuelle moyenne brute de 4%. Autrement dit, les actions ont fait à peine mieux que les obligations d’entreprise, ce qui est contre-intuitif. On obtient une conclusion identique si l’on se focalise sur les actions américaines et les obligations du Trésor censées représenter l’actif sans risque. Le rendement annuel moyen brut de l’indice S&P 500 est de 5,9% contre 4% pour les obligations du Trésor ! Selon la théorie financière, l’écart annuel moyen de performance aurait dû être de 3 à 5% en faveur des actions selon le mode de calcul de la prime de risque. Sur la période 1899-2017, l’écart observé égale 4,5% (source : JP Morgan). Non seulement les crises de 2000-2002 et 2008, qui ont vu les indices boursiers perdre environ 50%, et les corrections plus récentes de 2011 et 2015 (baisse moyenne de 20% entre les sommets et les creux locaux) ont plus que sérieusement entamé la performance des actions, mais bien plus, les politiques ultra-accommodantes des banques centrales ont écrasé les primes de risque des marchés obligataires. Compte tenu des quelques périodes de stress intense des vingt dernières années, un investisseur soucieux de sa tension artérielle aurait mieux fait de privilégier les obligations. 

Que pouvons-nous attendre de la prochaine décennie ? 

Les politiques monétaires ultra-accommodantes sont bien derrière nous. La réduction de la taille des bilans des banques centrales - la Réserve fédérale a déjà commencé – aura un impact significatif sur la liquidité mondiale et les taux d’intérêt. Les primes de risque devront tôt ou tard se reconstituer sur les marchés obligataires qui ne pourront rééditer leur performance passée. Dans ce contexte, les actions forment une classe d’actifs compétitive. L’importance des flux de dividendes (rendement supérieur à 3,5% pour les indices européens) ne rend pas nécessaire une forte croissance des cash-flows pour espérer des rendements annuels bruts totaux supérieurs à 7-8%. Certes, compte tenu des incertitudes toujours présentes, le comportement des marchés sera certainement volatil, mais ce sera le prix à payer pour profiter de la prime de risque offerte par les indices.


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