Mots-clés: Trump, US, UE, Géopolitique, Tension.
Les marchés boursiers s’inquiètent de l’intensification des tensions commerciales initiées par la Maison-Blanche. La volatilité est de retour alors que les indices technologiques américains souffrent d’une vague de défiance des investisseurs à l’égard de l’intelligence artificielle (IA). Les Sept Magnifiques ont perdu de leur superbe. L’Union européenne (UE) semble prendre le chemin d’un redressement sous la direction de l’Allemagne.
Les bourses mondiales prennent acte de la montée des périls
Trump 2.0 inquiète à juste titre les consommateurs américains, les industriels et les marchés boursiers. Contrairement à son premier mandat, les premiers mois de sa présidence apportent peu d’éclairage sur les baisses d’impôts et les mesures de dérégulation promises, et qui avaient alimenté l’optimisme de la fin de l’année 2024. La politique économique déployée jusqu’à présent se concentre presque exclusivement sur les mesures protectionnistes et les tarifs douaniers. Les investisseurs voyaient pourtant dans la rhétorique de Donald Trump une façon de contraindre les partenaires commerciaux des États-Unis à la négociation. La réalité est un peu différente aujourd’hui : la nouvelle Administration aux commandes à Washington semble prête à assumer les effets négatifs du relèvement des droits de douane attendus à court terme sur la croissance et l’inflation ; certains décrets présidentiels sont présentés comme non négociables - par exemple la hausse de 25% des tarifs à l’importation de véhicules. En dehors de quelques exceptions, le reste du monde ne paraît pas vouloir céder aux tentatives d’intimidation. Wall Street, en baisse d’environ 10% depuis son sommet de février, ne semble pas jouer le rôle de force de rappel à l’égard de la politique protectionniste du président, qui sous-estime peut-être l’importance de l’effet de richesse dans la consommation intérieure ces deux dernières années. L’affaiblissement des indices de confiance des ménages ne parvient pas à le faire dévier de sa trajectoire. Le côté assurément erratique et frénétique de la communication de la Maison-Blanche rehausse le niveau général d’incertitude, ce que les investisseurs n’apprécient guère. Jusqu’à présent, les révisions à la baisse des prévisions des bureaux d’analyse économique restent mesurées. Alors que les décrets présidentiels adoptés ont conduit les droits de douane américains à leur plus haut niveau dans la période d’après-guerre (moyenne de 11,5% soit une hausse de 9 points), les économistes les plus optimistes, qui prévoyaient en début d’année une croissance réelle du PIB (produit intérieur brut) pour l’exercice en cours comparable à l’an dernier (2,8%), s’attendent à présent à une croissance plus proche de 2%. Il s’agirait toutefois d’une performance honorable, en ligne avec la croissance de l’économie américaine en rythme de croisière. Car les fondamentaux restent malgré tout solides. En dépit de l’affaiblissement inquiétant des indices de confiance, le marché de l’emploi reste robuste - l’effet des licenciements dans le secteur public fédéral décidés par le DOGE (département de l’efficacité gouvernementale sous le pilotage d’Elon Musk) reste modeste - ; la profitabilité des entreprises est toujours soutenue par les gains de productivité ; la situation financière des ménages et du secteur privé n’est pas préoccupante. Pour le moment, le scénario central est donc celui d’un ralentissement de l’économie des États-Unis et non pas celui d’une récession accompagnée d’un retour durable de l’inflation. Le comportement du consommateur américain restera néanmoins la clé puisque les dépenses des ménages contribuent pour environ deux-tiers au PIB du pays. La montée des périls n’a eu jusqu’à présent qu’un impact modeste sur le consensus bénéficiaire : les profits des entreprises américaines, confortés pas une saison des publications des résultats de bonne tenue, sont attendus en hausse de 12% pour l’exercice en cours contre des attentes autour de +14% en début d’année, un rythme un peu supérieur à 2024.
Malgré sa communication chaotique, Donald Trump considère que son message à destination des citoyens américains est clair, du moins dans son esprit : « short-term pain for long-term gain » est la maxime qui lui convient le mieux. Autrement dit, la nouvelle Administration est prête à assumer les conséquences éventuellement néfastes à court terme de sa politique économique si les gains à long terme sont au rendez-vous, à savoir principalement la réindustrialisation des États-Unis - alors que le secteur manufacturier ne pèse qu’à peine 10,5% du PIB, l’économie étant depuis longtemps tournée vers les services (plus des trois quarts du PIB), notamment numériques. Faire payer le consommateur américain - car les entreprises répercuteront inévitablement une large part des tarifs douaniers dans leurs prix de vente -, et pas seulement les partenaires commerciaux, est un calcul politique audacieux qui pourrait s’avérer perdant à l’occasion des élections de mi-mandat dans un peu plus de dix-huit mois. Donald Trump sait pertinemment que Joe Biden et les démocrates ont été sanctionnés dans les urnes à cause du choc inflationniste survenu après la pandémie. Est-il prêt à risquer sa majorité républicaine au Congrès ? Le marché a toutefois abandonné l’idée de parier sur un revirement à très court terme de la Maison-Blanche. Par ailleurs, les investisseurs s’inquiètent à juste titre des incohérences dans la politique économique menée par Washington, notamment au sujet du dollar et de la dette fédérale détenue par les investisseurs étrangers (cf. les débats intenses au sein de la communauté financière au sujet du conseiller économique du président Stephen Miran, dont les propositions iconoclastes et souvent lunaires laissent à penser que Washington joue réellement avec le feu). L’usage décomplexé des enjeux géopolitiques et les menaces sur la réalité du parapluie de défense dont bénéficient les alliés contribuent à renforcer l’anxiété générale.
Nous terminons sur ce sujet avec quelques mots sur l’Europe dont les bourses ont largement profité de l’annonce du programme de relance budgétaire allemand et de la perspective d’un soutien massif à l’industrie de défense européenne soutenu par la Commission. Les économistes restent en général mesurés sur les impacts des tarifs douaniers, même si l’économie du Vieux Continent est plus ouverte au commerce international que les États-Unis (en particulier l’Allemagne). Dans l’état actuel des mesures protectionnistes américaines connues, l’impact à horizon douze mois sur le PIB de la zone euro serait de quelques dixièmes de points (0,10%), ce qui n’est pas négligeable dans un contexte de croissance de l’activité plutôt molle. Cependant, les espoirs suscités par le réveil des Européens sont bien réels pour les années prochaines : les économistes de Berenberg estiment ainsi que la croissance de la zone euro devrait atteindre 1,5% en 2026 sous l’effet du plein effet de la relance budgétaire allemande, de la hausse significative des dépenses dans la défense, et du programme de redressement de la productivité de la Commission, contre à peine 0,7% l’an dernier.
Wall Street souffre des doutes sur l’IA
L’aggravation des tensions commerciales et géopolitiques avec les alliés des États-Unis n’est pourtant pas la cause principale de la correction de la bourse américaine. La performance des indices équipondérés (poids identique de chaque valeur dans l’indice), légèrement négative depuis le début de l’année en devise locale alors que les indices pondérés par les capitalisations boursières et très exposés aux grands leaders technologiques américains sont en plus forte contraction, indique bien que le sujet principal de préoccupation des investisseurs est l’intelligence artificielle (IA). L’indice des Sept Magnifiques (Alphabet, Amazon.com, Apple, Nvidia, Meta Platforms, Microsoft, Tesla) perd presque 20% depuis le 1er janvier ! Plus généralement, les corrections boursières observées au sein de l’écosystème IA (équipements électriques à destination des centres de données, semi-conducteurs, hyperscalers, producteurs d’électricité…) témoignent des questions légitimes des investisseurs au sujet de la pérennité du cycle d’investissement dans l’IA générative. Depuis les annonces de la start-up chinoise DeepSeek (lire la note mensuelle du 3 février), les marchés s’inquiètent d’une bulle de dépenses d’investissement et de l’éventualité de rentabilités insuffisantes. Jusqu’à présent, les prévisions des hyperscalers (leaders du cloud) pour l’exercice en cours semblent pourtant indiquer le contraire : les géants du cloud ont annoncé une enveloppe totale d’environ 300 milliards de dollars de dépenses pour l’année 2025, supérieure aux attentes du consensus et en hausse de 60% sur un an. La course à l’IA ne fait que commencer. Les leaders de la technologie n’ont aucun intérêt à freiner leurs dépenses dans la mesure ou l’IA représente une réelle menace pour certaines de leurs activités historiques. Le scénario d’une baisse significative des coûts d’entraînement des modèles d’IA générative - et donc aussi de l’énergie consommée - serait en réalité une excellente nouvelle pour l’adoption rapide de ces nouvelles technologies dans l’économie, en favorisant les cas d’usage, et notamment le développement et le déploiement à plus grande échelle des agents IA (modèles offrant des capacités de raisonnement et d’action autonome sans intervention humaine). Les développeurs d’applications, de logiciels et de produits électroniques grand public seraient favorisés dans le cadre de l’inférence (usage de modèles d’IA). Dans le meilleur des cas, les hyperscalers pourraient économiser une partie significative de leurs excédents de trésorerie disponibles (free cash flows) - environ 50% de leurs investissements portent aujourd’hui sur les puces de type GPU conçues par Nvidia. Alors que la valorisation tendue atteinte par les secteurs de l’écosystème IA à la fin de l’année 2024 appelait à une consolidation et des prises de profits, les craintes du marché nous paraissent aujourd’hui exagérées concernant certaines valeurs et sous-secteurs. Nous ne sommes qu’au début d’une révolution technologique qui va bousculer tous les secteurs d’activité et contribuer à renforcer significativement les gains de productivité et par conséquent le rythme de croisière de l’économie. Trop d’investisseurs voient encore l’IA comme un simple gadget - ce qui s’explique par le fait que les premiers usages à grande échelle ont concerné les chatbots (agents conversationnels) et les générateurs d’images divertissants -; l’étape suivante est le développement d’assistants numériques spécialisés dans des tâches précises, ce dont bénéficieront tous les secteurs d’activité des entreprises (logistique, services clients, marketing, production et maintenance prédictive, R&D…).
Conclusion
La guerre commerciale initiée par Washington s’est nettement intensifiée ces dernières semaines. Les marchés sont plus nerveux, mais la correction de la bourse américaine frappe surtout les secteurs qui ont bénéficié de l’euphorie autour de l’IA ces deux dernières années. Jusqu’à présent, les révisions à la baisse des estimations des économistes pour 2025 restent modestes, les espoirs d’une atténuation des tensions à l’approche des élections de mi-mandat demeurant bien présents. L’Europe peut tirer son épingle du jeu grâce au plan de relance allemand et à l’effort massif d’investissement dans sa défense (cf. lettre mensuelle de mars). Les investisseurs ont tout intérêt à privilégier une allocation équilibrée et bien diversifiée de leurs portefeuilles, en s’éloignant des indices ultraconcentrés qui souffrent davantage de l’anxiété généralisée et du poids des gestions passives.
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