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Respiration des marchés Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2020-10-05

  • A la recherche de points d'entrée 
  • Comment acheter "sur faiblesse"?
  • Conclusion

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A la recherche de points d’entrée

Le mois de septembre nous a offert une respiration des marchés financiers qui en avaient bien besoin. L’exubérance observée durant l’été, en particulier dans les segments technologiques et les valeurs de croissance, a fait place à une période de consolidation que nous appelions de nos vœux (cf. note mensuelle de septembre). A ce stade, nous ne pensons pas que les prises de profits annoncent une phase de correction plus sévère. Les banques centrales sont toujours bien présentes pour éviter une dislocation complète des marchés et sont disposées à adopter toutes les mesures nécessaires en cas d’aggravation de la crise économique (cf. l’expression consacrée « whatever it takes » reprise en chœur par les principaux argentiers de le planète, et le passage récent de la Réserve fédérale à un objectif d’inflation moyenne). La perspective d’une longue période de taux réels (après inflation) négatifs offre un formidable soutien aux actifs risqués et aux actions en particulier. Aucun banquier central n’ose aujourd’hui évoquer l’exubérance irrationnelle des marchés (expression utilisée par l’ancien président de la Réserve fédérale Alan Greenspan à la fin des années nonante, en pleine bulle internet), puisque sa responsabilité est bien engagée dans le déferlement de liquidités au profit des actifs financiers et immobiliers.

Certes, les incertitudes actuelles peuvent justifier quelques pourcents de baisse supplémentaire des indices. Nous soulignons ainsi :

  1. L’approche des élections présidentielle et législatives américaines (les craintes de chaos politique à l’occasion de l’annonce des résultats) et les interminables négociations entre démocrates et républicains au sujet du plan de relance ;
  2. La circulation du Covid-19 malgré des statistiques d’hospitalisations et de décès qui n’ont rien de comparable à celles du printemps et surtout un taux de reproduction du virus à l’échelle mondiale plus proche de 1 ;
  3. Des indicateurs économiques qui parfois témoignent d’une reprise plus lente qu’escompté ou en tout cas proche d’un plafonnement après un violent rebond technique lié au déconfinement - alors que les indices boursiers donnent l’impression d’avoir bien anticipé la sortie de crise avec plusieurs mois d’avance - ;
  4. Et pour finir une certaine fébrilité géopolitique avec notamment le Brexit et les vives tensions entre l’Europe et la Turquie en Méditerranée orientale pour ne citer que les sujets géographiquement plus proches de nos préoccupations.

Il est néanmoins possible d’estimer un plancher à la consolidation actuelle en partant des valorisations des marchés mesurées avant la crise du Covid-19, c’est-à-dire en début d’année. Nous estimons ainsi que les bourses européennes et nord-américaines pourraient baisser respectivement d’environ 10% et 15 à 20% pour approcher les moyennes historiques de valorisation, mais pas beaucoup plus et surtout temporairement. Le plancher estimé serait autour de 320 points pour l’indice européen STOXX 600 (multiple de 15 fois les résultats estimés par le consensus en 2021) et de 2 750 points pour l’indice S&P 500 (multiple de 17 fois). Le potentiel de baisse théorique supérieur du marché américain s’explique évidemment par le poids grandissant des technologiques dans la valorisation de l’indice, et par conséquent par la divergence de valorisation plus élevée par rapport à la moyenne historique, dont les deux moteurs sont, d’une part, la dynamique soutenue de croissance bénéficiaire des technologiques et, d’autre part, l’impact actuariel de la baisse des taux d’actualisation des cash-flows futurs sur la valorisation théorique (cf. les précédentes notes mensuelles).

Cependant, nous ne croyons pas que la consolidation annonce un nouveau marché baissier. Car nous pensons que les investisseurs à la recherche de points d’entrée pour investir des liquidités surabondantes ou arbitrer au détriment des obligations aux rendements nuls, convaincus que le potentiel de baisse des indices boursiers est limité par l’intervention massive des banques centrales, n’attendent qu’une simple modération des valorisations de marché pour accumuler les titres liés aux thématiques porteuses (transition écologique, transformation numérique, nouvelles habitudes de consommation…). La consolidation du marché américain mesurée à partir des données intra-journalières entre le plus haut du 2 septembre et le point bas du 24 septembre atteint déjà 10%. En outre, l’arrivée de vaccins et la sortie progressive de la crise sanitaire pourraient réveiller des pans entiers de la bourse, à savoir les segments les plus cycliques, réputés value (construction, matières premières, biens d’équipement, automobiles, financières…). En tant que sélectionneurs de valeurs individuelles (stock picking), nos analystes considèrent que les occasions d’investissement sont nombreuses et réparties équitablement dans divers secteurs.

Bien sûr notre scénario central repose sur quelques hypothèses fondamentales :

  1. Le redressement progressif des économies et des profits au moins en ligne avec les prévisions du consensus (qui s’est stabilisé depuis la saison des résultats du deuxième trimestre) ;
  2. L’absence d’une nouvelle vague de contamination à grande échelle du coronavirus et surtout de confinement généralisé et indiscriminé ;
  3. Et la confirmation de l’arrivée de vaccins efficaces et largement disponibles au printemps 2021 ou du moins de nouvelles thérapies.

Nous constatons que deux zones géographiques importantes sont déjà valorisées à des multiples proches de leur moyenne historique, voire en-dessus : le Japon et surtout la Chine qui profite du redressement du commerce mondial et dont l’activité intérieure reste dynamique.

Comment acheter « sur faiblesse » ?

Comment profiter de la situation présente ? Une première réponse consiste à investir les liquidités disponibles par tranche, soit en fixant des niveaux d’entrée sur les marchés ou un ensemble de titres individuels, soit en procédant de façon automatique et régulière sur une période définie. Une autre réponse consiste à profiter de la volatilité encore élevée valorisée dans les marchés d’options, qui reflète non seulement les incertitudes et les craintes des investisseurs, mais aussi l’effet mémoire relatif au krach de mars dernier. Malgré la reprise économique et la perspective d’une sortie de crise sanitaire, le prix des options de vente (put = contrat qui donne à son acheteur le droit de vendre le sous-jacent, par exemple une action, à un prix fixé à l’avance) reste particulièrement élevé, très supérieur au niveau pré-crise. Dans le chef d’un investisseur, une stratégie opportune consiste à vendre un put, en l’occurrence sur un titre individuel, dont le prix d’exercice (strike) correspond au niveau d’achat qu’il estime attractif.

En guise d’illustration, il s’agit de vendre un put sur le fabricant d’équipements de lithographie ASML que l’on souhaite acheter à un cours plus bas que celui d’aujourd’hui. Le groupe hollandais possède 100% de parts de marché dans la technologie EUV (extreme ultraviolet) qui permet de réduire le pas de gravure des composants électroniques et de valider ainsi la loi de Moore indispensable à la poursuite de l’innovation dans l’industrie des semi-conducteurs. Un put européen (exercice du contrat à l’échéance) maturité 18 décembre 2020 et de prix d’exercice 285 euros (10% sous le prix actuel) vaut environ 10 euros par option (les données datent de fin septembre). A l’échéance du contrat, si le cours d’ASML, qui tourne aujourd’hui autour de 315 euros (en baisse de 10% par rapport à son sommet de la mi-juillet), est supérieur à 285 euros, il ne se passe absolument rien (l’option n’est pas exercée). Le vendeur du put aura perçu de l’acheteur une prime de 10 euros, qui correspond tout de même à un rendement de 3,5%, rapporté à la valeur du sous-jacent sur une période courte, inférieure à trois mois. Si à l’échéance, le cours d’ASML est inférieur à 285 euros, le vendeur du put sera contraint d’acheter au prix d’exercice (l’acheteur du contrat exerce son droit de vendre au prix fixé à l’avance). Mais il fera une bonne affaire par rapport à un achat au cours de 315 euros aujourd’hui. En outre, il aura perçu une prime de 10 euros qui réduira d’autant son coût d’acquisition, ce qui est loin d’être négligeable dans un monde où les taux d’intérêt sont nuls. Cette technique est fréquemment utilisée par les professionnels de la gestion qui désirent discipliner leurs acquisitions en fixant à l’avance les prix d’achat qu’ils jugent attrayants dans une perspective d’investissement à long terme, tout en percevant des revenus sous la forme de primes d’option. Nous pourrions multiplier les exemples de stratégies à base d’options put avec des sous-jacents comme Schneider Electric, Paypal, Capgemini, Accenture, STMicrolectronics, LVMH... Dans tous les cas, il s’agit aussi de tirer profit de la volatilité supérieure au niveau pré-crise et qui par conséquent renchérit la prime des options de vente.

Conclusion

Nous présentons nos excuses si ce court passage sur les options a paru aride au lecteur peu familier des produits dérivés. Notre message central est que les conditions actuelles de marché, absolument exceptionnelles dans le cadre de la pandémie, ne doivent pas conduire l’investisseur à se morfondre dans l’immobilisme ou la procrastination. Les incertitudes sont bien réelles (politique intérieure américaine, évolution de la pandémie du Covid-19 dans l’hémisphère Nord à l’approche de l’hiver, tensions géopolitiques…) ; elles sont cependant bien comprises par les professionnels des marchés financiers et offrent de nombreuses opportunités à ceux qui adoptent une vision à plus long terme. Une fois les élections américaines passées (surtout après l’investiture prévue le 20 janvier prochain), une fois la crise sanitaire derrière nous (arrivée de nouvelles thérapies et/ou de vaccins), les investisseurs se concentreront à nouveau sur les fondamentaux économiques. Certes, nous sortirons de la crise avec beaucoup plus de dettes et des secteurs fragilisés, mais les taux d’intérêt seront aussi plus bas en l’absence de pressions inflationnistes. Les impulsions monétaires et budgétaires considérables à l’échelle planétaire seront vues comme de puissants moteurs de redressement de l’économie mondiale. Sous cet angle, la Chine a déjà pris une bonne longueur d’avance. Nous espérons surtout que les investisseurs regarderont enfin l’Union européenne avec davantage d’indulgence une fois le dossier Brexit définitivement réglé. La mutualisation d’une partie des dettes liées au plan de relance renforce la crédibilité du projet européen alors que les dernières élections régionales italiennes et le référendum institutionnel permettent d’espérer un gouvernement national stable jusqu’à la fin de la législature (2023), ou au moins jusqu’en 2022, année de la nomination d’un nouveau président de la République. L’hystérisation de la vie politique américaine dans un contexte budgétaire fortement dégradé est à comparer à la perspective d’une plus grande stabilité de l’Union européenne qui jouit de nombreuses forces économiques et financières. Les marchés boursiers européens n’ont pas pris acte du plan de relance ; sans doute ont-ils besoin du dénouement de la crise interminable entre l’UE et le Royaume-Uni au sujet du Brexit.

La morosité des dernières semaines ne nous étonne en rien ; les indices boursiers avaient besoin de faire une pause, surtout les leaders technologiques américains à la valorisation très exigeante et dont les cours ont déjà reflué de 10 à 15% depuis les sommets de l’été ! Ce retour à davantage de rationalité et de prudence offre une occasion à ne pas manquer pour renforcer nos positions sur les thématiques qui profiteront le plus des tendances de fond d’après-crise.


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