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Survenance d’un cygne noir Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2020-03-03

  • Les marchés reconnaissent les dangers liés au COVID-19 
  • Qu’attendre des marchés dans les prochains mois ?

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Les marchés reconnaissent les dangers liés au COVID-19

Réaction tardive 

Le coronavirus COVID-19, dont la propagation semble devenue inexorable en dehors de la Chine, doit être qualifié de « cygne noir ». Il s’agit bien d’un évènement de petite probabilité, parfaitement imprévisible, mais dont les conséquences, en l’occurrence économiques et financières pour ce qui nous occupe ici, sont dramatiques. Nous évoquions dans notre lettre du mois de février la complaisance dont faisaient preuve certains investisseurs à l’égard d’une menace bien réelle, bien que ce choc exogène est par nature temporaire. La seule décision des autorités chinoises de restreindre la circulation des personnes sur un territoire couvrant 60% du PIB de l’empire du Milieu, provoquant une paralysie d’une part significative de l’outil productif et des répercussions en cascade sur l’ensemble des chaînes de valeur de par le monde, avait de quoi inquiéter. Il nous semblait parfaitement illogique que le prix de l’once d’or et le cours des emprunts souverains (actifs réputés sans risque) atteignent de nouveaux sommets alors que la volatilité implicite des options de vente sur les indices boursiers (sorte d’indice de la peur qui mesure la nervosité des investisseurs) restait à de faibles niveaux de façon incompréhensible, comme si rien de particulièrement alarmant ne se déroulait sous nos yeux. Nous évoquions alors les cours de bourse de nombreuses entreprises en « lévitation » notamment dans le luxe, l’électronique et les biens d’équipement, proches de leurs plus hauts niveaux. Malgré la rapidité de la propagation de l’épidémie, nombreux sont les professionnels qui observaient l’épisode comme un simple « bruit » dont l’intérêt était de créer de nouvelles occasions d’achat. L’épisode du SRAS en 2003, qui fut de courte durée et dont les conséquences économiques et financières furent négligeables à l’échelle du globe, servait de référence alors que les connaissances sur le COVID-19 étaient encore fragmentaires.

Les actions avaient récolté la faveur des plus pessimistes 

Nous comprenons en partie cette réaction tardive. En effet, en l’absence du coronavirus, les marchés auraient poursuivi leur progression grâce au soutien ultime des investisseurs qui ont peu profité de la hausse de 2019, alors convaincus à tort de l’imminence d’une récession et d’une crise financière que les fondamentaux n’annonçaient pourtant pas. Le redressement des indicateurs avancés de conjoncture, certes souvent timide mais bien réel, et les politiques monétaires toujours très accommodantes ont fini par avoir raison de leur pessimisme exagéré. D’où, dès les premiers jours de janvier, cette accélération à la hausse des indices boursiers que nous annoncions en début d’année, reflet de modifications générales de stratégies d’allocation d’actifs en faveur des actions. A l’occasion d’une table ronde organisée par le magazine L’Éventail le 23 janvier dernier, nous avons pu constater que les gérants d’actifs les plus circonspects avaient fini par se rallier à l’optimisme ambiant en reconnaissant qu’ils ne comprenaient pas bien pourquoi les bourses pouvaient être performantes alors que l’environnement économique n’était pas au beau fixe. Nous avons expliqué abondamment les raisons qui soutenaient ce marché haussier dans nos précédentes notes. 

La correction n’a pour l’instant pas modifié les allocations des investisseurs « longs » 

Le problème est que les investisseurs qui adoptent une vue positive qui finit par devenir consensuelle, et qui espèrent désespérément la moindre consolidation de quelques pourcents pour renforcer leurs positions, ne sont pas dans un état d’esprit qui leur permette de distinguer clairement un « cygne noir » d’une simple péripétie. Il semble que peu de spécialistes de gestion à long terme aient profité de la faiblesse des volatilités implicites pour couvrir les portefeuilles contre un éventuel choc externe. D’ailleurs, l’essentiel de la correction des dernières semaines semble plutôt le fait de hedge funds (fonds spéculatifs) ; les investisseurs réputés « longs » n’ont pas paniqué. Mais ils se sont bien gardés d’acheter agressivement dans la correction ! Aux États-Unis, les entreprises ont plutôt accéléré leurs programmes de rachat de leurs propres actions durant la dernière semaine de février, permettant aux indices technologiques de se maintenir en fin de semaine malgré la forte pression vendeuse. 

L’impact économique à court terme est inévitablement colossal

Pourtant, la récession est devenue une quasi-certitude. Les dernières prévisions des économistes des grandes agences internationales, FMI en tête, sont probablement complètement dépassées par la réalité. Stopper une grande partie de l’activité économique dans une région donnée, pour endiguer la propagation du virus, ne signifie pas une décélération de la croissance mais tout simplement une quasi-absence d’activité. Il est intéressant d’observer que les entreprises prennent des mesures qui vont bien au-delà de celles imposées par les autorités publiques, surtout en Europe où certains gouvernements donnent plutôt une impression de perte de contrôle. On ne compte plus les annulations de salons professionnels, de conférences et les interdictions de voyager imposées par les entreprises elles-mêmes dans les zones où le virus semble très actif. La croissance chinoise du premier trimestre ne sera pas simplement ralentie, contrairement à ce que nous lisions trop souvent il y a quelques jours à peine. L’économie sera bel et bien en récession avec des conséquences encore incalculables sur les plus proches voisins (Japon, Corée du Sud, Thaïlande…) et sur les chaînes de valeur mondiales. En zone euro, la croissance timide de l’activité sera inévitablement impactée par le ralentissement du tourisme et des dépenses de consommation dans les pays les plus exposés (Italie, France), mais aussi par le choc d’offre dans les industries intégrées aux chaînes de valeur mondiales. La Lombardie et la Vénétie représentent 30% du PIB italien ; on peine à imaginer les conséquences d’un long blocage de ces deux régions. En réalité, alors que la situation sanitaire chinoise semble vouloir s’améliorer, nous ne sommes qu’au tout début d’un processus qui va s’étaler sur plusieurs mois.  

Et si le scénario du rebond de la croissance ne se matérialisait pas ? 

Les investisseurs qui ne s’inquiètent pas du COVID-19 - ils sont encore largement majoritaires – adoptent le scénario d’un pic mondial de l’épidémie d’ici à quelques semaines et d’un rebond violent de la croissance dès le second trimestre de l’année grâce au soutien probable des autorités monétaires (baisse des taux directeurs de la Réserve fédérale attendue en mars). Si ce scénario est erroné, quelles en seront les conséquences pour les marchés financiers ? Les investisseurs à long terme qui n’ont pas encore réagi vont-ils finir par décider de revoir à la baisse leurs expositions aux actions et plus généralement aux actifs risqués, y compris aux obligations à haut rendement ? Alors que dans le même temps, la classe d’actifs qui est la plus performante (en dehors de l’or) est celle des obligations souveraines (performance des emprunts allemands et américains de respectivement 3,5% en euro et 5,2% en dollar sur les deux premiers mois de l’année), classe largement honnie par les gérants d’actifs puisque les taux réels sans risque sont négatifs.

Qu’attendre des marchés dans les prochains mois ?

Scénario 1 : pic de l’épidémie dans les prochaines semaines

A ce stade, nous envisageons deux scénarios. Le premier suppose que nous passions le pic de l’épidémie dans les prochaines semaines, donc plutôt rapidement. Après la Chine qui semble déjà sur la bonne voie selon les données officielles et le reste de l’Asie, l’Europe, le Moyen-Orient et les Amériques devront sans doute patienter quelques semaines supplémentaires. Dans ce scénario, la paralysie des outils de production et les chocs de demande demeurent limités dans le temps. Après une probable récession au premier trimestre (un niveau de 2% de croissance mondiale en volume, contre un consensus en janvier qui approchait 3% pour l’ensemble de l’année, est déjà considéré par la communauté des économistes comme une récession), l’économie mondiale connait un rebond violent, soutenue par les autorités monétaires et les politiques budgétaires. C’est bien le scénario actuellement adopté par la majorité des investisseurs ; il signifie une reprise forte des indices boursiers après une correction de 10 à 15%. Dans ce scénario, les marchés émergents repartiront les premiers, en particulier les actions chinoises et asiatiques. Après un bref intermède, qui explique la petite faiblesse du dollar, les bourses nord-américaines bénéficient à nouveau de flux importants, en particulier du reste du monde. Les investisseurs internationaux qui cherchaient désespérément des points d’entrée attrayants sur des titres de grande qualité, en particulier dans les secteurs de croissance à forte connotation technologique, se ruent sur les bonnes affaires. Le rebond des marchés est violent, mais parfaitement justifié. Pour le moment, les investisseurs ne se soucient pas des risques de voir un « démocrate-socialiste » tel que Bernie Sanders conquérir la Maison-Blanche et remettre en cause tout ce qui a soutenu Wall Street depuis l’ère Reagan (les résultats du Super Tuesday ne nous sont pas encore connus). 

Scénario 2 : le coronavirus continue de s’étendre 

Le second scénario est évidemment beaucoup moins « glamour ». Il suppose que le coronavirus continue de s’étendre sur tous les continents, rendant impossible une stratégie d’endiguement que la Chine a pu imposer autoritairement à une population disciplinée. Les chocs d’offre et de demande se multiplient. On ne peut exclure des crises politiques ici ou là. Le retournement du cycle économique n’est plus temporaire, il peut parfaitement s’autoalimenter. Dans ce scénario, c’est au tour des investisseurs de long terme de jeter l’éponge et de provoquer une nouvelle baisse significative des indices boursiers et une correction des marchés d’obligations d’entreprise à haut rendement.   

Les marchés ont déjà fait preuve de grande accoutumance par le passé

Il est trop tôt pour adopter un scénario plutôt qu’un autre. L’actualité sanitaire nous dira quelle voie choisir. Après avoir décrété le 30 janvier dernier l’urgence de santé mondiale, l’OMS craint à présent un rétrécissement de la fenêtre de tir pour enrayer l’épidémie, ce qui nous incite à afficher la plus grande prudence. Certes, les marchés ont tendance à s’habituer à tout. On peut légitimement dénoncer ce tropisme, mais c’est un fait indéniable. Ils se sont habitués à l’arrivée improbable d’un personnage tel que Donald Trump à la Maison-Blanche et aux tensions commerciales, à la « balkanisation » du Proche-Orient et du Moyen-Orient qui menace la paix du monde, et à la médiocrité du personnel politique européen face aux grands enjeux auxquels l’UE doit faire face et qui mettent en cause son existence (belle illustration offerte par l’échec du sommet européen des 20 et 21 février). Les marchés peuvent parfaitement s’accommoder d’un virus dont la propagation serait inéluctable mais le taux de mortalité jugé « acceptable ». Dans ce cas, nous subodorons quels seront les grands gagnants des prochains mois : les actions américaines, les valeurs de croissance, les technologiques y compris chinoises et le dollar, pour ne pas changer ! 

Attitude prudente 

Paniquer n’est jamais une bonne façon de procéder sur les marchés financiers, mais investir sans aucun filet de sécurité non plus ! Avant la forte correction de la dernière semaine de février, nous avons mis à profit la faiblesse des volatilités pour renforcer les couvertures contre les risques extrêmes que nous évoquons régulièrement dans cette note. Pour le moment, dans l’attente d’informations sanitaires réellement encourageantes et convaincantes, nous affichons une attitude prudente (conservation des stratégies de couverture). 

Ironie de l’histoire, l’épidémie de grippe qui, en France, a provoqué 9900 décès la saison dernière, est beaucoup moins dangereuse cette année. 


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