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Un marché haussier pas si extravagant Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-11-07

  • Les marchés d’actions repartent à la hausse
  • Les facteurs qui militent pour une stabilisation du cycle économique
  • 2020 : année de basculement des risques politiques de l’Europe vers les États-Unis ?
  • Que nous dit la saison des publications des résultats trimestriels ?
  • Conclusion

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Les marchés d’actions repartent à la hausse

2019 aura été l’année des actifs à longue duration (mesure de la durée moyenne d’investissement des actifs financiers), écrivions-nous dans notre lettre mensuelle de septembre. La classe d’actifs à duration longue par excellence est bien évidemment représentée par les actions, dont la valorisation de marché profite largement de l’impact actuariel de la baisse des rendement obligataires. Nous pouvons ajouter aujourd’hui que l’année qui se termine n’aura pas été celle des Cassandre qui annoncent depuis plusieurs trimestres la prochaine crise financière. Certes, entre l’été 2016 et l’été 2019, à peu près rien ne nous aura été épargné en termes d’évènements politiques aux quatre coins du monde. C’est bien le climat politique délétère qui explique en grande partie l’anxiété des investisseurs les plus pessimistes. Le choc exogène tant redouté - voire espéré par d’aucuns - qui doit mettre fin à la bonne santé des marchés financiers doit forcément être lié à la géopolitique : les inévitables erreurs de politique économique de la part de gouvernements populistes, la balkanisation du Moyen-Orient sur fond de guerre confessionnelle, l’impérialisme chinois sans cesse plus agressif illustré par les vives tensions à Hong-Kong, le chaos politique à Washington (procédure de destitution initiée par les démocrates), sans oublier, bien évidemment, la « guerre commerciale » entre les États-Unis et la Chine et les velléités protectionnistes qui se propagent un peu partout,… Fort longue est la liste des problèmes politiques dont les marchés évaluent avec difficulté les implications sur l’activité économique. Puisque les investisseurs n’aiment pas les incertitudes, cette toile de fond doit nécessairement être néfaste au climat des affaires et augmenter les risques de récession.

Or, pour le moment, si la croissance économique mondiale ralentit bien - le second semestre 2019 verra sans doute le rythme de croissance le plus faible depuis le ralentissement de 2015-2016, soit un peu en-dessous de 3% en volume et en parité de pouvoir d’achat -, force est de constater que le ralentissement n’a rien de très surprenant si l’on tient compte de la situation proche du plein-emploi dans les pays riches. Les évènements politiques des trois dernières années ont eu, globalement, peu d’effet notable sur la marche des affaires. Tout au plus observe-t-on un ralentissement du cycle d’investissement dont une partie est sans doute liée aux tensions commerciales et au Brexit. Mais il s’agit davantage d’une opinion, d’un sentiment que d’une réalité argumentée et démontrée à ce stade du cycle économique. Et la récession manufacturière ? N’est-elle pas une réalité ? Bien avant les hausses tarifaires décidées par la Maison-Blanche, on observait déjà un ralentissement du commerce et de la production manufacturière mondiaux. Cependant, le principal responsable est bien la Chine. Sa transition vers une économie de services tournée vers la consommation intérieure a entraîné une contraction marquée de ses importations et, concomitamment, un ralentissement significatif des exportations des grands pays producteurs de biens d’équipement tels que l’Allemagne, la Corée du Sud ou encore le Japon. A cela s’ajoutent la forte baisse du marché de l’automobile en Chine et le choc de la transformation du secteur écrasé sous le poids de nouvelles réglementations anti-émissions qui ont des répercussions planétaires en cascade. Enfin, la tendance à la « déglobalisation », c’est-à-dire à la relocalisation des chaînes de production à proximité des grandes zones de consommation, joue clairement un rôle dans le ralentissement des échanges mondiaux, bien que ce phénomène de long terme soit difficile à quantifier.  La croissance mondiale atteignait 3,5% en volume l’an dernier ; le consensus tourne autour de 3% aujourd’hui, ce qui n’est pas une catastrophe. Bien sûr, les plus pessimistes n’auront de cesse d’insister sur les soutiens monétaires et budgétaires qui expliquent sans aucun doute en partie la modération du ralentissement. Malheureusement pour eux, les risques de récession sont plutôt minces.

Les facteurs qui militent pour une stabilisation du cycle économique

De nombreux facteurs nous permettent d’exclure un scénario de contraction globale de l’activité. L’absence d’inflation autorise un assouplissement monétaire mondial qui permet au cycle économique de se stabiliser - ce que nous observons déjà dans certaines parties du monde, notamment en Chine qui contribue pour près de 30 à 40% de la croissance mondiale. La politique de la Réserve fédérale américaine (trois baisses de ses taux directeurs) permet d’ailleurs aux pays émergents de suivre le mouvement sans menacer la stabilité du marché des changes. Au grand dam des investisseurs baissiers, il n’y a pas de bulle sur les bourses, en dehors de quelques sous-secteurs qui ne menacent en rien l’ensemble des marchés ; la spéculation se reporte davantage sur les actifs peu liquides tels que l’immobilier et le non coté.  En termes de rendement des free-cash-flows, les indices sont proches de leur moyenne historique, autour de 5%. Les deux plus grands krachs boursiers des vingt dernières années (éclatement de la bulle internet en 2001-2002 et la crise des subprimes en 2008) ont été déclenchés lorsque ce rendement était égal ou inférieur à 2%. La situation financière des entreprises cotées est saine ; le secteur financier ne constitue plus un risque systémique (diminution considérable de l’effet de levier et des risques sous l’effet de la régulation, même si certains marchés domestiques nécessitent une poursuite de l’assainissement, tels que le secteur bancaire italien). L’histoire boursière a démontré que les marchés sont particulièrement vulnérables et sujets à des retournements brutaux dans les périodes d’euphorie et de valorisation excessive. Ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui, en témoigne la longue liste des maisons de gestion et des banques qui alertent leurs clients depuis des mois sur les risques de krach. On ne les entendait pas en 2000 ou en 2007. Il suffit de lire la presse pour comprendre que la climat général est au scepticisme, au doute, et à la circonspection face à la hausse des indices boursiers, et sûrement pas à l’euphorie. La progression des indices américains est alimentée par les rachats d’actions de la part des entreprises ; les flux nets d’investissement dans les fonds européens sont restés mal orientés durant la plus grande partie de l’année en cours, les volumes échangés restent peu étoffés – les investisseurs de long terme qui ont littéralement fui l’Europe au quatrième trimestre 2018 ne sont toujours pas revenus.

Un accord commercial même partiel entre Washington et Pékin soutiendra la confiance des agents économiques, même si tous les observateurs reconnaissent que les questions délicates telles que la propriété intellectuelle ont été remises sine die et que Donald Trump pourrait se retourner à présent contre l’Union européenne (voir récemment les 60 milliards de dollars de biens européens taxés, soit environ 15% des exportations de l’Union vers les États-Unis, suite à une décision de l’OMC sur un litige concernant les aides publiques jugées illégales versées à Airbus ; l’OMC doit néanmoins statuer sur une plainte identique à l’égard de Boeing dans les prochains mois). En Europe, le risque politique a diminué, ce qui n’est pas du tout reflété dans les primes de risque des indices actions. Le scénario d’un Brexit sans accord est désormais exclu. Les relations entre la Commission européenne et le nouveau gouvernement italien se sont améliorées – Mateo Salvini reste néanmoins très populaire (victoire éclatante aux dernières élections régionales en Ombrie et défaite cuisante de la nouvelle coalition entre le Parti démocrate et le M5S). Les populistes n’ont pas réussi à prendre le contrôle du nouveau Parlement européen. Les tensions dans le Golfe persique ont diminué de plusieurs crans depuis que Donald Trump a clairement fait comprendre à son allié saoudien qu’il n’était pas favorable au déclenchement d’hostilités contre l’Iran. Les prix du pétrole, qui ont reflué nettement depuis l’attaque surprise contre les installations pétrolières saoudiennes, témoignent de la prise en compte par les marchés d’une accalmie bien venue sur ce front. Pour terminer, nous pointons les signes de relance budgétaire qui se multiplient un peu partout dans le monde et que permet l’effondrement des rendements des obligations souveraines. Ce soutien quasi généralisé à la demande, joint à des salaires qui progressent à un rythme supérieur à l’inflation, permet à la consommation de rester un pilier de la croissance. Il faudrait une franche dégradation du marché de l’emploi pour remettre en cause cette situation favorable ; pour le moment les statistiques économiques ne pointent pas dans cette direction.

2020 : année de basculement des risques politiques de l’Europe vers les États-Unis ?

C’est un thème que nous avons déjà abordé dans notre précédente lettre mensuelle. Wall Street est favorable à une réélection de Donald Trump. Les marchés n’intègrent absolument pas les chances de voir un ou une candidate démocrate très à gauche de l’échiquier politique gagner l’élection présidentielle de 2020. Pour le moment, Elisabeth Warren semble la mieux positionnée face au candidat plus centriste Joe Biden. Or, le programme jugé « socialiste » par les républicains est de nature à mettre fin au marché haussier dans la mesure où il remet nettement en cause les principes et les facteurs qui ont soutenu les profits des entreprises sur les deux dernières décennies. La hausse du salaire minimum (partage de la valeur ajoutée en faveur des salariés au détriment des actionnaires), le relèvement des taxes sur les entreprises (après la réforme fiscale de Donald Trump), la régulation renforcée contre le secteur technologique voire le démantèlement des GAFA, un environnement moins favorable aux pétrole et gaz de schiste (contributeurs importants au cycle d’investissement), la réforme du secteur de la santé…sont autant de projets qui menaceraient la bonne santé de Wall Street. La volatilité pourrait revenir à la faveur des sondages et des primaires démocrates au début de l’année 2020. Notre analyse de la situation est que le risque politique, longtemps cantonné à l’Europe dans l’esprit des investisseurs internationaux, pourrait l’an prochain basculer au détriment des  États-Unis et soutenir la performance relative des bourses européennes à l’égard des actifs américains. Nous rappelons que les fonds internationaux sont largement sous-pondérés en actions européennes. 

Que nous dit la saison des publications des résultats trimestriels ?

C’était l’argument décisif avancé par les investisseurs « baissiers » : les publications des résultats allaient donner lieu à une vague d’avertissements sur les résultats des entreprises et à une révision significative des objectifs financiers de l’année en cours. Nous devons reconnaître que c’est loin d’être le cas. Jusqu’à présent, la saison des résultats a conforté l’opinion des gérants « haussiers ». Non pas parce que les résultats publiés sont en forte hausse, mais tout simplement parce que les surprises négatives sont moins nombreuses que prévu. En nous limitant aux sociétés les plus présentes dans nos portefeuilles en gestion, nous pouvons citer le résultat opérationnel du constructeur automobile allemand Daimler qui a dépassé le consensus ; la très bonne surprise porte sur la génération de free-cash-flow. Dans ce secteur toujours difficile (volumes mondiaux de ventes de voitures neuves en baisse), Michelin a publié de bons chiffres grâce à son prix-mix (volumes en baisse de seulement -0,6% au troisième trimestre, une performance nettement supérieure à celle du secteur) et des gains de parts de marché. Sa direction a confirmé ses prévisions 2019, une belle surprise pour de nombreux investisseurs. Dans le secteur des semi-conducteurs pénalisés par le baisse du marché des mémoires (déséquilibre entre l’offre et la demande) et les tensions diplomatiques entre le Japon et la Corée du Sud, les équipementiers américains Applied Materials et Lam Research ont vu leurs résultats trimestriels salués par le marché. Le fabricant européen STmicroelectronics a battu les attentes des analystes, confirmant la bonne dynamique de ses différentes divisions. Le pétrolier intégré Total a démontré une fois de plus sa capacité à croître sa production d’hydrocarbures tout en maîtrisant ses dépenses. Son cash-flow opérationnel ne baisse que de 3% au troisième trimestre, malgré la baisse des prix du pétrole et du GNL en Asie et en Europe. Grâce à la division Bostik (adhésifs), les résultats du chimiste Arkema ont été bien accueillis par les investisseurs, démontrant la bonne résistance des différents métiers dans un contexte macroéconomique plus incertain. Parmi les publications en ligne avec les attentes mais de qualité, nous notons Eiffage et Saint-Gobain. Dans les services informatiques, Capgemini a déçu les investisseurs en annonçant un ralentissement de l’activité au quatrième trimestre qui toutefois, selon sa direction, devrait s’avérer temporaire (impact du Brexit, incertitudes commerciales, report de la signature de quelques contrats importants). Les groupes pharmaceutiques Roche, Novartis et Merck ont publié de très bons résultats salués par les marchés. L’éditeur de jeux Electronic Arts a rassuré les investisseurs ; l’ensemble de ses franchises jouit d’une très bonne dynamique. Enfin, le géant chinois Alibaba a vu son bénéfice par action ADR progresser de 56% en dollar. Nous pourrions continuer longtemps à énumérer la liste des entreprises qui nous ont rassurés sur la bonne marche de leurs affaires, notamment sur le marché américain dont la cherté pose davantage de questions, au moins en termes relatifs. Ainsi, nous pourrions citer les poids lourds de la cote tels que Honeywell, United Technologies, Microsoft ou encore Apple.  Bien sûr, il y a eu quelques exceptions, mais le but de notre propos est d’illustrer le fait que l’on trouve des sociétés bien gérées, compétitives et innovantes dans la plupart des secteurs. C’est la raison pour laquelle la hausse des indices boursiers ne s’effectue pas dans le vide. Elle est parfaitement justifiée par la qualité des fondamentaux. Les nouveaux records enregistrés par les indices américains n’ont rien d’extravagant.

Conclusion

Pour les maisons de gestion d’actifs, la gageure des prochaines années sera de construire des portefeuilles aux rendements attendus attrayants, c’est-à-dire au minimum supérieurs à l’inflation alors que 30% des émissions obligataires souveraines et d’entreprises investment grade offrent des taux actuariels négatifs ! Cette mission ne pourra être remplie qu’en accordant aux actions toute leur importance dans l’allocation d’actifs. Certes, les incertitudes politiques et économiques sont nombreuses, mais les primes de risque sont toujours attractives alors que la volatilité des indices n’a rien d’inquiétant.



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