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Vers un début d'année 2020 favorable? Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-12-06

  • Le scénario de récession écarté par les marchés 
  • Euphorie irrationnelle ? Le cas des petites et moyennes valeurs
  • 2020 : un peu tôt pour faire des prévisions

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Le scénario de récession écarté par les marchés 

Nous n’y avons jamais cru. Dans nos précédentes notes mensuelles, nous avons passé du temps à expliquer pourquoi nous n’adhérions pas au scénario de récession malgré le retournement du secteur industriel et le fort ralentissement du commerce mondial. Le flux de statistiques économiques des dernières semaines a conforté notre analyse. Dans ces conditions, nous n’avons pas été surpris par la poursuite de la hausse des marchés d’actions. Les indices américains ont battu de nouveaux records tandis que les bourses européennes et émergentes poursuivaient sur leur lancée. La baisse des tensions commerciales (perspectives de la signature de la « phase 1 » de l’accord entre Washington et Pékin ; échanges cordiaux entre l’Union européenne et la Maison-Blanche sur l’automobile), l’intervention des principales banques centrales et la stabilisation des indicateurs avancés d’activité expliquent bien évidemment la bonne performance des indices boursiers. L’hypothèse d’une récession mondiale à court terme a certainement pris du plomb dans l’aile alors que le PIB américain du troisième trimestre s’avère un peu supérieur à la première estimation, égal à +2,1% en base annuelle et en volume (hors inflation), un niveau plus qu’honorable et proche de la croissance potentielle de l’économie en situation de plein-emploi. Les indicateurs manufacturiers, très suivis par les investisseurs inquiets de la contraction de l’industrie mondiale (poids du secteur automobile et ralentissement chinois), ont montré des velléités de reprise aux États-Unis, en Chine, au Japon et en zone euro (rebond des nouvelles commandes). Le scénario central du FMI milite à présent pour un léger rebond de l’activité en 2020. 

Les marchés se sont donc logiquement éloignés d’un scénario de crise financière ; les fondamentaux ne s’y prêtent guère, ce que nous avons rappelé à de nombreuses reprises cette année. Les taux d’intérêt bas (22% des émissions mondiales souveraines et investment grade à rendement négatif ; plus de 40% des émissions dans la zone euro), l’absence d’inflation, la consommation des ménages soutenue grâce à la progression des salaires réels (parfaitement justifiée aux États-Unis par le redressement des gains de productivité), la forte génération des cash-flows des entreprises confirmée par la dernière saison des publications des résultats trimestriels (annonces rassurantes de la part des directions financières ; maintien à un niveau élevé de la profitabilité), et pour terminer la solvabilité des agents économiques maintenue grâce à la prudence des banques centrales (assouplissement des conditions financières) rendent ce scénario fort peu probable sans choc exogène (crise géopolitique). La hausse des indices boursiers et la faible volatilité des prix de marché n’ont donc rien d’illégitime puisqu’elles sanctionnent avant tout la fin de la détérioration de l’environnement économique et financier, l’atténuation des tensions commerciales et le reflux de la prime de risque politique en Europe (perspectives d’un Brexit avec accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, amélioration notable des relations entre Rome et Bruxelles). 

De nombreux investisseurs demeurent néanmoins sceptiques, en témoigne la sous-performance inhabituelle en période de hausse des marchés du segment des petites entreprises européennes – du jamais vu depuis plus de vingt ans d’histoire boursière - qui souffrent encore de leur mauvaise performance du quatrième trimestre 2018 et de leur manque de liquidité (faiblesse persistante des échanges et des flux nets dans les fonds spécialisés). De manière générale, en 2019 les achats nets d’actions ont surtout été soutenus par les programmes de rachat des entreprises, y compris aux États-Unis. Jusqu’à très récemment, les investisseurs finaux (particuliers et institutions) sont restés plutôt timides, ce qui indique que l’euphorie ne domine pas les échanges.

Alors que le ciel économique semble s’éclaircir, les investisseurs sont bien évidemment toujours dans l’attente fébrile de la signature de la  « phase 1 » de l’accord commercial entre Washington et Pékin. Les péripéties autour de ces négociations polluées par l’interventionnisme de la Maison-Blanche et du Congrès dans les manifestations de Hong-Kong et la répression dans la province du Xinjiang maintiennent le suspense alors que Donald Trump et Xi Jinping ont tous les deux un besoin impérieux de cet accord pour des raisons de politique intérieure. Malgré cela, le président américain continue de souffler le chaud et le froid (déclarations et tweets du début du mois de décembre contre la France, l’Argentine, le Brésil et la Chine).  

Euphorie irrationnelle ? Le cas des petites et moyennes valeurs

Ce qui nous autorise à conclure qu’il n’y a pas jusqu’à présent d’euphorie sur les marchés d’actions, malgré les bonnes performances de cette année, est que les allocations d’actifs des gérants sont toujours majoritairement défensives.  Comme nous l’indiquions  plus haut, les flux nets de souscription dans les fonds d’investissement en actions cotées ne sont redevenus positifs  que très récemment. 

Le cas des petites et moyennes valeurs est d’ailleurs révélateur du scepticisme qui a accompagné la hausse des marchés depuis le début de l’année.  Si l’indice Euro Stoxx 50 dépasse aujourd’hui son plus haut niveau de l’année 2018 (indice net total return) et fait plus que rattraper les pertes essuyées durant le quatrième trimestre, il n’en est pas de même pour l’indice MSCI Europe Small Caps (net total return). Sur les dix-huit derniers mois, c’est-à-dire depuis le point de retournement à la baisse des marchés au printemps de l’an dernier, l’écart entre les deux indices est proche de 6% ; l’Euro Stoxx 50 progresse de 5,8%  alors que les petites capitalisations boursières sont à peu près au même niveau (dividendes nets pris en compte). 

Nombreux sont les observateurs qui pointent également l’écart de valorisation entre les actifs non cotés (private equity) et les marchés boursiers, un phénomène plutôt rare si l’on se réfère à l’histoire puisque la liquidité et la transparence de l’information financière doivent en toute logique assurer une prime de valorisation aux actifs cotés. Selon la maison de courtage ODDO BHF, 45% des entreprises membres de l’indice Stoxx 600 ont une valorisation de marché inférieure à ce qui est pratiqué dans le secteur non coté. La concurrence effrénée entre les investisseurs à la recherche de rendements attrayants expliquerait en partie cette anomalie. Il faut néanmoins garder à l’esprit que la taille totale des liquidités des véhicules d’investissement dans le non coté (ressources disponibles pour investir) est aujourd’hui de l’ordre de 2 500 milliards de dollars et que 5 800 milliards ont été alloués par les investisseurs depuis 2009 aux fonds de private equity (source : Oddo BHF),  des montants certes importants mais qui restent très inférieurs à la taille du marché des sociétés cotées qui approchait la barre des 70 000 milliards de dollars fin 2018 (source : Banque mondiale).  

Ne péchons surtout pas par naïveté. L’engouement actuel pour le non coté et les fonds de buy-out (fonds de rachats d’entreprises à effet de levier) au sein de la communauté financière est très lié à la diminution de la rentabilité des activités classiques de gestion frappées par la baisse des taux d’intérêt et par l’amplification des contraintes réglementaires. Si l’on doit craindre une bulle, c’est bien au sein des actifs non cotés et fort peu liquides qu’elle pourrait bien se trouver.  Ce n’est pas un hasard si de grandes banques sous-estiment systématiquement le rendement annualisé moyen attendu à long terme pour les actifs cotés par rapport à celui du private equity, alors que les grandes capitalisations boursières américaines ont pourtant battu la performance moyenne des fonds d’actifs non cotés sur la dernière décennie. En guise d’illustration, l’an dernier à la même époque, JPMorgan Asset Management annonçait un rendement annuel moyen de 5 à 6% pour les grandes capitalisations boursières américaines et européennes pour les dix à quinze prochaines années, contre +8% pour le segment non coté. L’année 2019 aura finalement permis d’obtenir sur les marchés boursiers en une seule année ce que les analystes de JPMorgan attendaient sur une période de 4 à 5 ans ! L’évocation souvent entendue des risques de baisse des marges bénéficiaires des entreprises ne tient pas la route une seule seconde, puisqu’un retournement du cycle des profits toucherait aussi bien les sociétés cotées que celles qui ne le sont pas. Certes, nous subodorons que ce genre de discours a aussi pour but de conduire les clients à modifier leur allocation de portefeuille en faveur d’actifs beaucoup mieux « margés » dans le chef des institutions financières, mais au prix d’une prise de risque bien supérieure, notamment s’agissant de la liquidité.

L’engouement pour le private equity a tout de même des conséquences positives pour les investisseurs en actions cotées. En effet, la valorisation souvent excessive d’actifs privés de mauvaise qualité conduit certains investisseurs à se tourner à nouveau vers les marchés boursiers qui regorgent de pépites susceptibles de faire l’objet d’opérations de leveraged  buy-out. Les entreprises cotées dont le bilan est solide et qui sont plutôt prédatrices tiennent d’ailleurs un discours intéressant sur la valorisation souvent jugée déraisonnable dans le non coté, ce qui les rend plus prudents dans leurs activités de fusion et acquisition. Elles sont en concurrence frontale avec des fonds de buy-out qui n’hésitent pas à s’endetter fortement pour dégager un rendement suffisant. Selon nous, l’étape suivante pourrait être l’intérêt porté par les fonds de private equity pour les petites valeurs cotées et faiblement valorisées. Nous nous attendons à une augmentation du nombre de retraits de la cote. Les grandes entreprises cotées seront également très actives puisque la faiblesse des coûts d’endettement leur permet de réaliser des opérations stratégiques financièrement avantageuses. Le groupe de chimie de spécialité Arkema a émis récemment un emprunt à dix ans  pour un montant total de 500 millions d’euros au coupon de 0,75%, ce qui lui permet de financer aisément des achats d’entreprises.  La création de valeur pour l’actionnaire d’Arkema est rapide. L’écart entre le free-cash-flow de la société cible après synergies et le coût de financement de l’opération atteint souvent plusieurs pourcents de la valeur de l’entreprise achetée. Ainsi, nous voyons deux groupes d’investisseurs susceptibles d’alimenter les flux nets d’achats d’actions dans les prochains mois : les fonds de private equity et les grandes entreprises cotées au bilan solide capables de lever de la dette très bon marché, une bonne nouvelle pour les investisseurs spécialisés en actifs cotés.

2020 : un peu tôt pour faire des prévisions

Puisque l’accord commercial entre les États-Unis et la Chine n’est toujours pas signé, il serait inopportun de faire aujourd’hui des prévisions boursières pour l’année 2020. La performance du mois de décembre déterminera en partie le potentiel de l’an prochain. Néanmoins, nous nous autorisons à faire quelques pronostics à caractère général. Dans un environnement économique qui se stabilise - les indicateurs avancés ont cessé de se détériorer et certains nous autorisent à anticiper une légère reprise du cycle – et dans le cadre de conditions financières plutôt avantageuses, les actions devraient offrir un rendement attrayant. Le rapport free-cash-flow sur la capitalisation du marché, proche de sa moyenne historique de 5%, offre un coussin de sécurité appréciable. Les phases de consolidation de 5 à 10% sont évidemment toujours possibles, au gré des agitations politiques, notamment à Washington. Néanmoins, nous gardons pour le moment une vue plutôt optimiste à l’égard des marchés qui offrent un potentiel de rattrapage significatif face aux actifs américains : les bourses européennes et asiatiques sans oublier les secteurs réputés plus cycliques. La persistance de la faible volatilité des indices boursiers sera avantageusement mise à profit pour couvrir les portefeuilles contre les pertes extrêmes (supérieures à 10%-15%) qui ne pourraient survenir que dans un scénario de changement radical de paradigme sur les marchés.


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