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L’année 2022 en 13 questions (et réponses) Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2022-01-06

Que peut encore espérer l’investisseur après un grand millésime boursier (indice mondial MSCI ACWI +16,8% en dollar ; +25,4% en euro) ? Les marchés ont-ils pris trop d’avance sur le cycle des profits ? Les valorisations sont-elles déconnectées des fondamentaux ? Les marges des entreprises ont-elles atteint des sommets alors que les niveaux d’activité sont proches de ceux de 2019, voire les dépassent dans de nombreux secteurs ? Les conditions de liquidité vont-elles continuer de soutenir les prix des actifs ? Le nouveau variant Omicron va-t-il remettre en cause la dynamique de reprise ? Les tensions géopolitiques menacent-elles l’économie mondiale ? Ces questions, auxquelles nous allons tenter d’apporter des réponses claires, alimenteront les discussions dans la communauté financière tout au long de l’année 2022.

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1. Quels seront pour les investisseurs les sujets les plus prégnants?

Nous pensons que le principal objet de préoccupation restera l’inflation, car à cette question sont associées celles relatives aux politiques des banques centrales et à l’évolution des taux d’intérêt et des conditions financières, autant de sujets capitaux pour la valorisation théorique des actifs financiers et donc pour la trajectoire des bourses mondiales. Deux autres ensembles thématiques continueront d’alimenter les sujets de conversation dans les comités d’investissement : l’évolution de la pandémie de la Covid-19 et son impact sur l’activité économique, et divers problèmes géopolitiques au sujet notamment de la Chine (Taiwan, mer de Chine méridionale, etc.) et de la rivalité entre la Russie et l’Otan concernant l’Ukraine pour ne citer que l’actualité la plus prégnante. Nous n’oublierons pas de mentionner les élections législatives de mi-mandat qui se tiendront en novembre prochain aux États-Unis et dont l’issue pourrait entraver sérieusement l’Administration de Joe Biden en cas de victoire du Parti républicain – dans l’histoire des midterms, la perte de sièges au Congrès par le parti du président est chose courante. Pour terminer, nous ne pouvons omettre de mentionner le bruit de fond qui continuera de peser sur les décisions d’allocation des investisseurs : le réchauffement climatique et ses conséquences sur les choix de politique énergétique, sur le développement des marchés du carbone et le renforcement des contraintes réglementaires sur les entreprises.

2. Les banques centrales ont-elles perdu leur crédibilité ?

L’engouement pour les crypto-actifs pourrait le laisser penser. Nous pensons au contraire que la crédibilité de la Réserve fédérale et de la Banque centrale européenne reste intacte. L’évolution positive des marchés financiers dans les heures qui ont suivi le dernier comité FOMC (Federal Open Market Committee) de mi-décembre, malgré le relèvement des prévisions d’inflation de la Fed (+2,6% en 2022, contre une hausse de +2,3% prévue précédemment, +2,3% en 2023 et +2,1% en 2024) et l’annonce d’une accélération du tapering (diminution progressive des achats de titres dont la fin est annoncée pour la mi-mars) reflète la confiance des investisseurs dans le pilotage de la politique monétaire américaine. Les anticipations d’inflation des agents économiques pour le long terme restent bien ancrées. Les taux longs souverains en dollar sont toujours très faibles (1,6% pour le taux à dix ans), malgré les trois relèvements de taux directeurs envisagés en 2022. Certes, il s’agira pour les grands argentiers d’éviter une erreur funeste de politique monétaire, soit en sous-estimant les pressions inflationnistes et en normalisant trop lentement leurs conditions financières, soit au contraire en durcissant trop rapidement leurs politiques alors que l’inflation s’avère finalement transitoire. Il est clair que les banques centrales ont plutôt eu tendance à sous-estimer l’ampleur des pressions inflationnistes en 2021 ainsi que la durée du phénomène qui ont dépassé les attentes des économistes.

3. Pourquoi le scénario d’une inflation transitoire ne peut être abandonné ?

Le scénario central des banques centrales reste celui d’une inflation temporaire liée à cet évènement exceptionnel que fut la pandémie de la Covid-19 perturbant les chaînes de production (goulets d’étranglement), les flux d’approvisionnement, et provoquant un basculement inédit de la demande finale des services vers les biens durables - souvenons-nous par exemple de la demande forte en matériel informatique dans le cadre du confinement et du télétravail ou encore des tensions sur les marchés des matériaux de construction propulsés par la progression des activités de rénovation d’immeubles. Pour les banques centrales, la fin de la pandémie sera synonyme d’une normalisation de l’économie et donc aussi d’une atténuation des pressions inflationnistes. La réponse à la pénurie de semi-conducteurs qui touche de nombreux secteurs (automobile, électroménager, smartphones, centres de données…) consiste en une formidable progression des capacités de production en composants électroniques. Dans une économie capitaliste, la hausse des prix est un signal fort envoyé aux producteurs qui augmentent leurs investissements afin de répondre au surplus de demande. Certes, le rééquilibrage de l’offre et de la demande prend du temps (environ dix-huit mois pour bâtir une usine de semi-conducteurs au coût moyen de 10 milliards de dollars), mais les conditions financières toujours favorables et la bonne santé des entreprises permettent d’anticiper un nouveau cycle de capex (capital expenditures) favorable à la croissance économique et à la stabilité des prix. C’est le pari des banques centrales. Il reste néanmoins l’épineuse question de la boucle prix-salaires, surtout aux États-Unis où les pénuries de main-d’œuvre illustrent la question du taux de participation en berne (proportion de la population au travail ou au chômage sur le total de la population âgée de 20 à 64 ans). Les projections de taux de chômage à 3,5% sur la période 2022-2024 sont-elles compatibles avec les prévisions d’inflation de la Fed ? Pour le moment, malgré des salaires en hausse annuelle de 4% (avec beaucoup de disparité entre les secteurs d’activité), les coûts unitaires de production restent contenus grâce aux gains de productivité, d’où la question suivante :

4. Pourquoi nous ne croyons pas à une forte hausse des taux d’intérêt ?

Le scénario médian du FOMC (comité de politique monétaire de la Réserve fédérale) n’est pas particulièrement agressif : les trois hausses de taux directeurs programmées en 2022 pointent vers une normalisation très progressive de la politique ultra-expansionniste ; la taille du bilan de la Fed ne devrait pas diminuer puisque la banque centrale continuera de réinvestir les tombées de dette après la fin du tapering, un point capital pour la stabilité des taux obligataires – le stock de dettes détenues a plus d’importance que les flux. La Réserve fédérale est consciente de l’extrême dépendance des marchés financiers aux conditions financières. Elle veut éviter un scénario comparable à celui de 2018 qui avait vu les bourses chuter de 15 à 20% durant le 4ème trimestre alors que les taux longs en dollar dépassaient la barre des 3%. Le principal argument qui milite pour que les taux réels (après inflation) demeurent négatifs le plus longtemps possible est le poids de la dette accumulée depuis 2008, l’ampleur des plans de relance liés à la pandémie ayant aggravé significativement la situation budgétaire des États. Mais ce n’est pas tout. Lutter contre l’inflation signifie aussi favoriser l’investissement dans de nouvelles capacités, dans la modernisation du capital (transition numérique) sans oublier dans la transition énergétique qui par essence est inflationniste (renchérissement des prix de l’énergie, impact des prix de marché du carbone, nécessité de remplacer les capacités de production devenues obsolètes, par exemple dans les secteurs automobile et aérien). De plus, dans un contexte de pression salariale, les gains de productivité deviennent indispensables pour atténuer les pressions inflationnistes (absorption d’une partie des hausses de salaires par les entreprises sans crainte pour leur profitabilité). Ces gains ne sauraient être obtenus sans investissements en recherche et développement et sans la révolution digitale, ce que la pandémie a d’ailleurs révélé avec force. Dans la zone euro moins concernée par la question du taux de participation qui est revenu à son niveau pré-Covid, la BCE continuera d’assurer la solvabilité des États dans le cadre de l’ambitieux programme de relance NextGenerationEU. Les économistes parlent de dominance fiscale : la priorité de la BCE est de maintenir l’intégrité de l’euro.

En conclusion, les taux réels négatifs restent nécessaires : les banques centrales continueront ainsi de piloter efficacement les courbes de taux d’intérêt afin de prévenir les crises financières liées à l’excès d’endettement et de faciliter le financement des énormes besoins de capitaux liés aux enjeux auxquels nos sociétés font face : réchauffement climatique, révolution numérique, démographie et crises migratoires. Notons pour terminer que les banques centrales semblent se soucier fort peu des risques accrus de bulles d’actifs, en particulier dans le secteur immobilier, ce qui conforte notre scénario central de maintien de conditions financières plutôt accommodantes.

5. L’année 2022 sera-t-elle synonyme de fin de la pandémie ?

Nous avions osé, dans notre dernière lettre mensuelle de l’année 2021, émettre le vœu d’un nouveau variant moins virulent capable de supplanter rapidement le variant Delta. Depuis lors, nombreuses sont les études qui pointent vers une diminution significative des risques d’hospitalisation et d’aggravation de la maladie liée au variant Omicron très contagieux et qui tend à dominer le variant Delta. La hausse exponentielle des cas positifs dans l’hémisphère Nord ne s’accompagne pas d’une submersion des systèmes hospitaliers malgré la vitesse de propagation du virus. Les contaminations passées et les campagnes de vaccination (dose de rappel) contribuent certainement à une réduction de la proportion des cas les plus graves et à une baisse de la létalité grâce à l’immunité collective acquise. La 4ème/5ème vague liée à Omicron devrait s’avérer plus haute, mais aussi plus prompte à refluer. 2022 pourrait donc être synonyme du passage de la pandémie à une épidémie plus classique et saisonnière telle que celle de la grippe avec des taux d’hospitalisation gérables et de létalité plus acceptables, du moins dans les pays proches de l’immunité collective via la vaccination ou le contact avec le virus, ce qui est le cas en Europe et aux États-Unis. Pfizer parle plus volontiers d’une endémie, c’est-à-dire de la persistance d’une maladie contagieuse. En tout cas, nous parions sur une amélioration générale de la situation sanitaire, ce que le comportement des marchés boursiers à la fin du mois de décembre reflète clairement.

6. Le SARS-CoV-2 a-t-il encore un impact significatif sur l’activité économique ?

C’est l’autre bonne nouvelle concernant la Covid-19 : à chaque nouvelle vague, l’impact économique est de plus en plus faible. Dans les pays qui ont opté pour la vaccination à grande échelle, les gouvernements n’imposent plus le confinement strict, au-delà des mesures temporaires de restriction de la mobilité qui ne touchent que des secteurs ciblés (culture, divertissement, restauration…). En dehors de quelques services de proximité et du secteur des transports (plusieurs milliers de vols annulés pour cause de personnels contaminés durant le mois de décembre), l’activité économique reste plutôt soutenue. On observe d’ailleurs un desserrement des contraintes de production au 4ème trimestre, y compris en Asie très touchée durant l’été 2021. On ne peut bien évidemment exclure de nouvelles perturbations à très court terme liées à la progression exponentielle des cas d’infection par le variant Omicron (perturbations de la production liées aux arrêts-maladies), mais nous ne croyons pas à un choc d’amplitude comparable à celui du printemps 2020. De nombreux gouvernements ont d’ailleurs décidé récemment de desserrer les règles de quarantaine afin d’éviter l’asphyxie de l’économie.

7. Quelle sera la dynamique économique en 2022 ?

Elle sera plus que satisfaisante (PIB mondial attendu en progression de 4,4% en volume en 2022 contre +5,8% en 2021) : l’épargne accumulée des ménages (soutien de la demande), la reconstitution des stocks des entreprises, le cycle des capex et les programmes de relance gouvernementaux sont autant de facteurs favorables pour la croissance en 2022. Nous ne croyons pas au scénario de stagflation (économie atone avec pressions inflationnistes) qui est d’ailleurs absolument exclu par les entreprises avec qui nous avons de nombreux contacts. La demande finale est bien là ; le seul réel sujet d’inquiétude est la disponibilité de la main-d’œuvre. Néanmoins, l’ouverture complète des économies devrait permettre de résoudre plus facilement les questions liées à l’offre.

8. Quelles sont les conséquences pour les profits des entreprises ?

Trop de discours alarmistes sur l’inflation tendent à faire croire que la situation présente est particulièrement mauvaise pour les entreprises. C’est une grave erreur d’analyse. Car les pressions sur les prix s’accompagnent aussi d’une forte hausse des volumes de production qui répond au dynamisme de la demande finale. Grâce aux gains de productivité ou à leur pricing power (capacité de monter les prix de vente), grâce souvent aux deux facteurs à la fois, les entreprises sont capables d’absorber l’augmentation des coûts de production et d’accorder des hausses de salaire sans menacer leurs marges. Les gains de productivité permettent de contenir les coûts unitaires de production et c’est bien là l’essentiel. C’est la grande leçon à tirer des derniers résultats trimestriels publiés par les entreprises qui ont contredit avec force les prévisions les plus pessimistes : les marges bénéficiaires restent soutenues. La conséquence est une progression des profits en 2021 très supérieure aux attentes du consensus en début d’année (STOXX Europe 600 : +63,4% ; S&P 500 +49,7%). Nous sommes d’avis que le consensus des analystes financiers est à nouveau trop prudent pour l’année 2022 (autour de +8% pour les bénéfices par action des entreprises des indices S&P 500 et STOXX Europe 600). La trajectoire des profits des entreprises reste donc absolument favorable à l’investisseur en 2022.

9. Quelle performance attendre des actifs boursiers ?

Cette question se rapporte bien évidemment à celle de la valorisation des marchés. Le rendement moyen attendu des excédents de cash-flow (basé sur le consensus), proche de 5%, sa moyenne historique de long terme, semble incompatible avec l’idée de bulle, en dehors de poches de survalorisation dans des secteurs clairement identifiés (technologies vertes, cloud, crypto-actifs…). Puisque le cycle des profits devrait rester solide et que les conditions financières resteront finalement plutôt accommodantes, les investisseurs peuvent espérer des performances attrayantes pour les douze prochains mois, proches de 10% pour les principaux marchés américains et européens. Des performances bien supérieures ne peuvent être exclues si les banques centrales conservent une attitude prudente dans leur stratégie de normalisation de leur politique monétaire sous la condition de surprises positives sur le front de l’inflation, et si la dynamique des profits s’avère bien plus forte qu’escompté initialement. Toutefois, un consensus se dégage de la part des gérants d’actifs : la nouvelle année devrait être plus volatile que 2021 qui a vu l’ampleur des phases de consolidation des indices boursiers limitée à 3 à 5% au maximum, ce qui paraissait bien faible attendu l’accumulation des incertitudes sanitaires, économiques et géopolitiques. La puissance du cycle des profits explique en grande partie cette capacité des marchés à absorber les mauvaises nouvelles. Néanmoins, ce moteur perdra progressivement en puissance au cours du temps ; les surprises positives seront moins présentes au fur et à mesure que l’année s’écoulera. Autrement dit, des corrections temporaires mais plus franches, de l’ordre de 10%, sont sans doute à craindre, par exemple en cas de mauvaises surprises liées à l’inflation. Ce sera le prix à payer pour capter la prime de risque offerte par les marchés.

10. Quels sont les zones géographiques et les secteurs à privilégier en 2022 ?

Il reste la question de l’allocation des actifs au sein des portefeuilles investis en actions. Beaucoup dépendra de la trajectoire de l’inflation dans les prochains mois. Le scénario d’une bonne dynamique de l’activité combinée à des pressions inflationnistes un peu plus fortes qu’escompté mais sans dérapage incontrôlé offrirait un cadre idéal pour la trajectoire des profits des entreprises, les banques centrales normalisant très progressivement leur politique monétaire. Cette toile de fond évidemment favorable aux actions en général l’est plus particulièrement aux secteurs réputés value (faible croissance des revenus et des résultats reflétée dans les valorisations : financières, énergie, cycliques industrielles, matières premières…) moins pénalisés par l’éventuelle hausse des taux d’intérêt à long terme (impact actuariel sur les valorisations théoriques). Il s’agit également d’un environnement propice aux bourses européennes davantage exposées à ces secteurs. La perspective d’une nouvelle accélération de l’activité économique au sortir de la vague Omicron devrait également soutenir les entreprises plus cycliques et value, les grands perdants de la dernière décennie.

Nous ne pouvons toutefois exclure un scénario un peu moins exaltant pour la croissance économique mondiale : le consensus s’ajuste à la baisse car Pékin soutient trop mollement son économie, l’impulsion budgétaire américaine est insuffisante (incapacité de Joe Biden à faire passer l’intégralité de son plan de relance Build Back Better de 1 750 milliards de dollars), l’impact des prix de l’énergie sur la demande est plus élevé que prévu, les vagues pandémiques successives perturbent l’activité, et pour finir les contraintes de production persistent dans les chaînes de valeur. Dans ce scénario qui n’est a priori pas favorable aux actifs risqués, les autorités monétaires seraient sans doute amenées à freiner le rythme de normalisation de leur politique monétaire, ce qui garantirait des taux d’intérêt réels négatifs, ou du moins très inférieurs à la croissance, pour une plus longue période. Les investisseurs se trouveraient une fois encore face à l’absence d’alternative sérieuse et se verraient contraints d’accorder une place importante aux actions, avec un biais sans doute plus favorable à la thématique croissance, fortement représentée aux États-Unis, et aux valeurs défensives (valeurs technologiques, sociétés pharmaceutiques, services aux collectivités…). Compte tenu de la situation sanitaire, nous penchons pour le premier scénario qui devrait prévaloir dans les premiers mois de l’année, mais il est encore trop tôt pour désigner quels marchés et secteurs seront les grands gagnants de 2022. Beaucoup dépendra des décisions politiques prises à Pékin dans le cadre du XXème congrès à l’automne 2022, et à Washington - Biden reste l’otage des ailes radicale et centriste du Parti démocrate -, sans oublier bien sûr l’évolution de la pandémie et la trajectoire de l’inflation, autant d’incertitudes qui alimenteront la volatilité des marchés et piloteront les arbitrages géographiques et sectoriels. L’investisseur veillera donc à maintenir une bonne diversification dans son portefeuille en évitant les paris trop appuyés.

11. Faut-il craindre un évènement géopolitique majeur ?

Les investisseurs ont toujours eu le plus grand mal à incorporer les risques géopolitiques dans leurs analyses et dans les calculs de valorisation. Les primes de risque politique sont certainement parmi les plus difficiles à estimer. Les marchés se laissent habituellement guider par les évènements ; on parle parfois de « cygnes noirs » pour évoquer ces incidents majeurs et imprévus aux conséquences économiques et financières dévastatrices. Pourtant ces évènements de petite probabilité de survenance relèvent le plus souvent de risques bien identifiés qu’il est donc possible d’intégrer dans la gestion d’un portefeuille au moyen de stratégies de couverture à base de contrats d’options de vente (put). Il s’agit alors de protéger la valeur des actifs contre les risques de pertes extrêmes en cas de survenance d’évènements dramatiques qui ne permettraient pas à l’investisseur de réduire son niveau d’exposition aux actifs risqués sans acter de lourdes moins-values. Les sujets de préoccupation d’ordre géopolitique actuels sont bien identifiés : sans prétendre à l’exhaustivité, nous citons ici les tensions récurrentes entre la Chine et ses voisins soutenus par les États-Unis autour notamment de la question de la souveraineté en mer de Chine méridionale, autour de ses frontières avec l’Inde, ou encore de Taiwan, la rivalité entre l’Otan et la Russie au sujet des anciennes républiques soviétiques, et plus particulièrement de l’Ukraine, pour ne citer que les enjeux les plus prégnants. Un incident militaire mal géré par les acteurs concernés n’est jamais à exclure. Essayons seulement d’imaginer les conséquences d’un tel évènement dans le détroit de Formose entre les marines américaine et chinoise… En conséquence, nous conseillons à l’investisseur de couvrir systématiquement, en totalité ou en partie, selon son appétence pour le risque, les pertes supérieures à 10% au moyen de puts sur indices boursiers.

12. Après une année décevante, faut-il investir en Chine ?

Beaucoup ont vu la Chine comme un nouvel Eldorado regorgeant de sociétés technologiques de premier plan qui n’ont rien à envier aux GAFAM (acronyme pour Google – Apple – Facebook/Meta – Amazon – Microsoft). La rapidité de la sortie de crise sanitaire en 2020 et l’extrême vigueur de l’innovation chinoise notamment dans l’intelligence artificielle, le cloud, les nouveaux modes de consommation en ligne, et la téléphonie 5G ont soutenu la performance boursière des actifs de l’empire du Milieu jusqu’au début de l’année 2021. C’était oublier un peu vite que la Chine n’est pas un modèle de démocratie libérale et qu’il est donc inopportun d’appliquer sans discrimination les critères de valorisation des actifs utilisés en Occident. La Chine a en effet beaucoup déçu les investisseurs internationaux en 2021 que ce soit dans le cadre de la pandémie (son manque de transparence) et de sa gestion des tensions à Hong-Kong, au sujet de sa volonté d’hégémonie régionale sans beaucoup de respect des normes internationales, dans ses provocations pour affirmer une souveraineté contestée par ses voisins, au besoin par des démonstrations de force, ou encore par sa volonté de contrôle « orwellien »[1] de la société chinoise et en particulier des entreprises privées. Le Parti communiste chinois (PCC) ne permettra jamais que les BATX (acronyme pour Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) jouent le même rôle que les GAFAM dans la vie politique américaine. Obnubilé par la fin de l’URSS et contempteur des démocraties occidentales jugées incapables d’assurer l’harmonie sociale, le PCC vise avant tout à conforter son pouvoir et à éviter un délitement du système en proposant un modèle politique réellement original. L’avalanche de régulations frappant les secteurs les plus divers (e-commerce, jeux vidéo, enseignement privé, consommation d’alcool, production d’acier, promotion immobilière…) a remis en question les perspectives bénéficiaires des entreprises chinoises alors que le PCC insiste sur la « prospérité commune » qui n’est que la traduction d’un repli de la Chine sur elle-même. Si le poids comptable de la Chine dans le PIB mondial continuera de progresser, il est naïf de penser que son dynamisme profitera nécessairement au reste du monde.

Par ailleurs, l’empire du Milieu fait face à un rééquilibrage douloureux de sa croissance au détriment du secteur immobilier. Si la crise qui frappe le promoteur Evergrande n’est en rien un risque systémique pour les marchés mondiaux, les investisseurs sont en droit de s’interroger sur la dynamique de croissance du pays dans les prochains mois. Leurs doutes se matérialisent dans une diminution de l’exposition de leurs portefeuilles aux actions chinoises dont le poids dans l’indice mondial MSCI est repassé sous la barre des 5%, après avoir essuyé une correction de plus de 30% depuis le sommet de février. Le poids de l’immobilier dans le PIB (environ 30%) et sa contribution à la croissance des vingt dernières années sont excessifs dans le cadre d’un vieillissement démographique et d’une natalité qui reste en berne malgré une politique publique plus volontariste (le poids de ce secteur dans les principaux pays de l’OCDE est compris entre 15 et 20%). L’immobilier représente également un poids significatif dans le patrimoine des ménages et assure une part non négligeable des ressources budgétaires des collectivités locales.

Malgré des valorisations redevenues modestes qui vont inévitablement attirer les flux internationaux de façon épisodique (en l’absence de mauvaises nouvelles), nous avons le plus grand mal à conseiller de consacrer une part significative des portefeuilles aux actifs chinois avant le XXème Congrès du PCC prévu en automne prochain, et qui devrait conforter la voie réellement propre à la Chine adoptée par ses dirigeants. Nous ne voyons aucune raison convaincante à une diminution significative de la prime de risque politique frappant les acteurs innovants de la technologie dans les prochains mois.

13. Les autres pays émergents sont-ils attractifs ?

La valorisation des pays émergents est globalement très attrayante, mais la réponse à cette question dépend beaucoup de la situation propre à chaque pays. Nous conseillons la prudence à l’égard des pays souffrant de déséquilibres importants de la balance des paiements aggravés par les flux internationaux en faveur du dollar encouragés par la normalisation de la politique monétaire de la Réserve fédérale. La situation sanitaire est également plus problématique compte tenu des retards dans les programmes de vaccination. Enfin, de nombreuses régions ont vu une nette dégradation de la qualité de la gouvernance publique. Le Sud-Est asiatique est sans doute la région la plus attrayante dans le cadre d’une amélioration de la situation sanitaire et d’une résorption des goulets d’étranglement dans les chaines de valeur.

Conclusion

Malgré la persistance de nombreuses incertitudes qui justifient en partie la prime de risque des marchés d’actions, l’environnement général est plutôt favorable. La dynamique des profits, les conditions financières toujours accommodantes malgré la normalisation très progressive des politiques monétaires, sans oublier la perspective de sortie de la crise sanitaire seront des moteurs puissants pour les actifs risqués. La principale inconnue restera la trajectoire de l’inflation dont la grande majorité des investisseurs attend que le caractère transitoire se révèle enfin dans le courant de l’année 2022, mais sans doute pas avant le second semestre.  

[1] Rappel à l’œuvre d’Orwell


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