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Note mensuelle actions : l’édition de juillet et août 2018 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2018-07-09

La guerre commerciale aura-t-elle lieu ? 

  • Les investisseurs ont tout intérêt à garder la tête froide. 
  • Les investisseurs internationaux quittent l’Europe. 
  • Faut-il craindre une guerre commerciale ?

LES INVESTISSEURS ONT TOUT INTÉRÊT A GARDER LA TÊTE FROIDE.

La performance des marchés financiers fut pour le moins décevante durant le mois de juin. Excepté le dollar, les grandes valeurs technologiques américaines qui font de la résistance, et quelques emprunts souverains qui jouent le rôle de valeurs refuges malgré leur évidente cherté, les classes d’actifs se sont mal comportées, en particulier les actifs risqués que sont les actions et les obligations d’entreprises. Alors que les marchés avaient recouvré quelques couleurs au printemps, poussés par les bons fondamentaux économiques (croissance mondiale proche de 4% en volume en rythme annuel, hausse des bénéfices des entreprises, conditions financières toujours accommodantes, inflation modérée), les tensions commerciales et les sujets politiques européens ont stoppé brutalement les velléités de reprise des indices boursiers, notamment en Europe et dans les marchés émergents qui souffrent tout particulièrement des perspectives de guerre commerciale et de la hausse du dollar. La récente baisse du yuan, qui rappelle les mauvais souvenirs de l’été 2015 (dévaluation de la monnaie chinoise et chute des marchés boursiers de 10 à 15%), n’aide en rien à restaurer la confiance. 

Alors, s’agit-il des signes avant-coureurs d’une crise de grande ampleur et d’une capitulation des marchés à la manière de la terrible année 2008 ? Devons-nous nous préparer à une nouvelle tempête boursière alors que les maisons de gestion ne cessent aujourd’hui d’alerter leurs clients sur les dangers d’un retournement prochain du cycle économique et de la fin des politiques monétaires expansionnistes (freinage de la liquidité mondiale) ? Le consensus des professionnels de la gestion est on ne peut plus clair : l’été sera chaud, volatil, et offrira des points d’entrée beaucoup plus bas ! Puisque rien ni personne ne semblent pouvoir arrêter Donald Trump - ni le Congrès ni les milieux d’affaires américains ne parviennent à le contrôler -, les tensions commerciales sont là pour durer, en tout cas jusqu’aux élections de mi-mandat de novembre prochain. Quant aux européens, tout indique que la construction de l’Union est à nouveau au point mort tant les points de vue des différents gouvernements sur l’intégration européenne et les questions politiques telles que l’immigration économique semblent difficilement réconciliables. Le Conseil européen des 28 et 29 juin n’a abouti qu’à un compromis bancal où chacun a pu y lire ce qu’il désirait.

Une fois de plus, les investisseurs les plus émotifs ne regardent plus que les risques - qui ont toujours été présents – en oubliant que les rendements obtenus à long terme sur les marchés ne le sont qu’en contrepartie des risques assumés. Les professionnels de la gestion parlent de la prime de risque. Ainsi, en Europe, les rendements annuels attendus à long terme sur les actions sont proches de 10% (avant impôts). Le rendement brut sur les dividendes dépasse la barre des 3,5%. Qui dit mieux sur le marché des taux d’intérêt ? La prime de risque - le supplément de rendement obtenu par rapport à celui des emprunts d’État de bonne qualité, aujourd’hui à des niveaux très faibles - qui intègre les incertitudes politiques est par conséquent historiquement élevée. Ce qui tétanise véritablement de nombreux investisseurs est évidemment la variabilité des prix de marché des actifs financiers. Elle n’est pourtant pas exceptionnellement élevée au regard des standards historiques. On peut d’ailleurs s’étonner légitimement que la volatilité ne soit pas plus élevée compte tenu de l’environnement jugé anxiogène. Il suffit pourtant de la baisse de plus de 1% des indices sur une seule journée pour que les médias s’emparent du sujet. 

Au risque de nous répéter, les meilleures affaires se font durant les périodes où les acheteurs se font rares. Autrement dit, les investisseurs de long terme doivent se réjouir lorsque les corrections des marchés offrent des points d’entrée intéressants. C’est certainement aujourd’hui le cas en Europe ; cela commence à être le cas dans les pays émergents, notamment en Asie du Sud-Est. Ce n’est peut-être pas encore le cas dans le segment des valeurs technologiques américaines, le secteur le plus surpondéré dans les portefeuilles, et dont de nombreux titres ont des valorisations très généreuses pour ne pas dire stratosphériques – pensons à Netflix, Amazon et Nvidia. Cependant, le reste de la cote américaine n’est pas inabordable et offre des occasions à saisir. Depuis quelques trimestres, les secteurs défensifs (santé, services aux collectivités, biens de consommation non cycliques, …) sont parmi les mal-aimés des deux côtés de l’Atlantique où les investisseurs n’ont d’yeux que pour la technologie et les valeurs du luxe - surtout en Europe dans ce segment - ; la valorisation de ces secteurs délaissés est redevenue attractive. Bref, les investisseurs qui ont quelques couvertures contre les pertes extrêmes (options de vente sur indices boursiers) et des liquidités disponibles doivent rester sereins, et à l’affut des phases de panique. Les possibilités d’arbitrage ne manquent pas. La prochaine saison des publications de résultats trimestriels offrira aux entreprises l’occasion d’affiner leurs prévisions pour le second semestre ; elle sera suivie avec beaucoup d’attention par les investisseurs à la recherche de confirmations ou d’infirmations microéconomiques. 

LES INVESTISSEURS INTERNATIONAUX QUITTENT L’EUROPE. 

C’est devenu une évidence ces dernières semaines : les investisseurs internationaux, c’est-à-dire les non-résidents, ont perdu patience et ont quitté massivement les marchés européens pour se replier sur les États-Unis. Le mouvement a commencé dès le printemps. L’épais brouillard autour du Brexit, l’Italie gouvernée par une coalition populiste – extrême droite, la crise migratoire qui fragilise la cohésion européenne, sans oublier le manque d’avancées institutionnelles significatives du point de vue de l’intégration européenne qui concerne le futur de la monnaie unique (e.g. le budget et le « FMI » de la zone euro), ont plongé les investisseurs dans le plus grand scepticisme. Les statistiques liées aux fonds indiciels ETF sont sans appel. Les gérants d’actifs internationaux privilégient clairement les marchés américains, malgré les choix de politique économique de la Maison-Blanche plus que contestables. Pourtant, les actions européennes sont peu chères. Leur exposition élevée à la croissance mondiale et aux échanges internationaux leur assure une excellente diversification de leurs risques géographiques, bien meilleure que celle de leurs concurrents américains dont une part plus grande de leurs revenus est générée sur le territoire national. La croissance économique de la zone euro est plus que satisfaisante. Sans les dépenses budgétaires et la politique fiscale de Donald Trump, la zone euro et les États-Unis feraient sans doute jeu à peu près égal en termes de progression de l’activité. La profitabilité des actions européennes est en progression depuis quatre ans ; leur valorisation est attractive dans l’absolu et certainement par rapport à leurs concurrents américains. Las, rien n’y fait. Ces arguments ont finalement peu de poids lorsque le manque de confiance est le sujet principal. Et pourtant, les entreprises européennes continuent d’investir (hausse attendue de l’investissement privé de 3,5% en 2018 dans la zone euro) ; les affaires tournent. Certes, des problématiques telles que le Brexit amènent d’aucuns à y réfléchir à deux fois lorsqu’il s’agit de décider de nouveaux investissements. Cependant, les incertitudes politiques ne stoppent pas le fonctionnement au quotidien des entreprises. 

FAUT-IL CRAINDRE UNE GUERRE COMMERCIALE ?

En réalité, l’escalade des tensions commerciales est déjà une réalité. Cependant, quelques observations simples et de bon sens nous autorisent à rester sereins. Premièrement, toute la politique de Donald Trump depuis son élection a visé à faire monter l’indice de la bourse de New York – c’est d’ailleurs lui-même qui s’en ventait lorsque la réforme fiscale a été adoptée à la fin de l’année dernière. Par conséquent, un brutal décrochage des marchés américains dû à une escalade des disputes commerciales le conduirait inévitablement à davantage de modération. Deuxième observation : à très long terme, Washington sait que son plus grand rival pour la suprématie mondiale est la Chine. Par conséquent, les tensions entre les deux pays sont là pour durer, et la Maison-Blanche tentera tout ce qui lui permettra de renforcer la position des États-Unis au détriment de celle de la Chine sur l’échiquier mondial. A ce sujet, la volonté de Washington de mieux défendre les droits de propriété intellectuelle doit être saluée. Néanmoins, les contradictions dans la politique étrangère américaine sont devenues flagrantes depuis le début de la présidence de Donald Trump ; il sera nécessaire pour les américains de respecter davantage les règles du jeu du multilatéralisme si Washington veut éviter de pousser ses partenaires commerciaux ou quelques-uns de ses alliés dans les bras de la Chine. Troisième observation : dans un régime de taux de change flexibles, imposer des droits de douane ne sert à peu près à rien. Du côté des États-Unis, l’imposition de tarifs douaniers aura pour conséquence une diminution de la demande en devises étrangères et donc une pression à la hausse sur le dollar qui compensera en grande partie voire totalement l’augmentation des droits de douane. Une partie du raffermissement récent du dollar reflète sans doute les premiers arbitrages d’investisseurs bien conscients de ce phénomène. Ce n’est évidemment pas ce qui est recherché par Donald Trump. Quatrième et dernière observation : dans un monde où les chaînes de valeur sont dispersées sur la planète, il devient pratiquement impossible de favoriser le protectionnisme sans pénaliser sa propre économie, en premier lieu les consommateurs du côté des États-Unis, mais aussi de nombreux secteurs industriels qui importent des composants impossibles à produire sur le territoire national. Car c’est devenu une évidence : l’organisation de la production industrielle mondiale rend pratiquement chimérique la production de l’iPhone d’Apple aux États-Unis ! La production domestique américaine n’est que peu substituable aux importations, ce qui rend l’élasticité des volumes importés très faible par rapport aux variations de prix. Comment augmenter la production automobile américaine alors que le taux de chômage est à un plus bas niveau historique ? Où trouver les ressources humaines compétentes ? Les exemples sont légion qui permettent de comprendre aisément l’irrationalité d’une politique protectionniste. 

Pour le moment, les échanges de produits frappés par les hausses de tarifs douaniers représentent peu en pourcentages de la taille du commerce mondiale. L’impact probable sur la production annuelle de richesses (PIB) est jugé modéré par les économistes – on parle de quelques dizaines de points de base ou dixièmes de pourcent. La vigueur de la croissance mondiale n’est pas remise en cause. On peut certes s’attendre à des tensions persistantes tant que Donald Trump continue d’utiliser le levier du commerce extérieur à des fins électoralistes. Malheureusement pour lui, la mondialisation n’est pas un phénomène aisément réversible ; à terme, les consommateurs américains perdront de toute façon leur leadership face à l’abondance de la classe moyenne dans les pays émergents, futur moteur de la croissance mondiale.


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