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Reprise technique des marchés Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2022-06-01

  • Reprise technique des marchés
  • Un flux de nouvelles plus positives
  • de nombreux points à surveiller
  • conclusion

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REPRISE TECHNIQUE DES MARCHÉS

Les marchés ont profité d’une accalmie ces derniers jours, offrant aux investisseurs un moment de respiration bienvenu. Pour le moment, il ne s’agit que d’une reprise qualifiée de technique alors que les plus opportunistes profitent de la correction pour saisir quelques occasions d’achat à bon compte dans une optique de long terme. Néanmoins, les catalyseurs sont trop peu nombreux ni surtout décisifs pour justifier un rallye durable des indices boursiers dans les prochains mois. Le scénario de stagflation reste pertinent à horizon 12-18 mois. L’inflation demeure un sujet prégnant même si le pic semble dépassé aux États-Unis (pas encore en zone euro où elle culmine à 8,1% sur un an en mai). Pour terminer, l’enlisement du conflit en Ukraine exacerbe les phénomènes de rareté et augmente les risques de ralentissement de l’activité économique mondiale. Préserver son capital doit rester la priorité des investisseurs qui garderont une attitude prudente.

UN FLUX DE NOUVELLES PLUS POSITIVES

Plusieurs raisons expliquent le petit rebond des indices observé à la fin du mois de mai.

Pour commencer, l’idée semble s’imposer que le pic d’inflation aux États-Unis est bien derrière nous, ce qui, combinée avec les Minutes du dernier FOMC (Federal Open Market Committee) permet d’espérer que les anticipations du marché reflètent bien la réalité des intentions de la banque centrale américaine en matière de politique monétaire. Autrement dit, les attentes de resserrement monétaire pourraient marquer une pause, ce dont témoigne le léger reflux de la courbe des taux d’intérêt en dollar (taux 10 ans des bons du Trésor autour de 2,90 % après avoir dépassé 3,10% il y a un mois, taux 2 ans à 2,55% en baisse de 25 points de base environ). Le nouveau seuil de neutralité des taux directeurs de la Fed se situerait autour de 3%. D’aucuns anticipent déjà une pause dans la phase de resserrement monétaire à la fin de l’été.

Ensuite, à l’approche du XXème Congrès du Parti communiste qui devrait se dérouler en novembre prochain, Pékin n’a d’autre choix que de relâcher la pression sur l’économie. Les nouvelles plus positives sur le front sanitaire lui permettent d’annoncer le déconfinement progressif des villes les plus importantes telles que Shanghai. Cette réouverture de l’économie chinoise, essentielle au bon fonctionnement des chaînes de production mondiales, est accompagnée d’une foule de mesures de soutien à l’activité. Xi Jiping ne veut pas d’un ralentissement économique à l’approche d’un congrès décisif pour sa réélection alors que son règne a remis en cause le principe de direction collégiale du Bureau politique permanent du PCC et pourrait alimenter les mécontentements au sein des élites du parti (campagne anti-corruption visant à éliminer les rivaux, stratégie zéro-Covid plus que contestable, tensions assumées avec l’Occident qui fragilisent la mondialisation dont la Chine a largement profité).

Pour terminer, on peut noter un début de désescalade dans les propos tenus par quelques responsables politiques dans le cadre de la guerre en Ukraine. On est encore loin du retour de la diplomatie (exercice politique qui consiste avant tout, rappelons-le, à parler avec ses ennemis) qui ouvrirait la voie à un cessez-le-feu et, à plus long terme, une véritable conférence sur la sécurité en Europe. Toutefois, nous pouvons d’ores et déjà saluer les efforts observés ici et là qui visent à éviter une rupture définitive des canaux de communication entre les pays occidentaux et Moscou. En tout cas, les marchés semblent s’habituer à l’idée d’une guerre de position longue dont les effets économiques et géopolitiques se feront sentir dans le long terme.

DE NOMBREUX POINTS À SURVEILLER

L’accalmie observée peine néanmoins à masquer les sujets toujours brûlants. La guerre en Ukraine continue évidemment d’impacter les matières premières et les marchés de l’énergie. Le sixième paquet de sanctions adopté par l’Union européenne (notamment l’embargo sur plus de 90% des produits pétroliers importés d’ici la fin de l’année, la Hongrie, la Slovaquie et la  République tchèque bénéficiant d’une exemption temporaire) soutient les prix des hydrocarbures. Les facteurs suivants jouent également un rôle important :

› la perspective réaliste d’une reprise économique chinoise avant le XXème Congrès du PCC ;

› la proximité de la driving season aux États-Unis (période des vacances d’été, caractéristique de la hausse de l'utilisation des moyens de transport et ainsi de celle de la demande de carburant) et de la saison des ouragans dans le golfe du Mexique ;

› et pour finir les tensions persistantes au sujet du nucléaire iranien.

Malgré une inévitable destruction de la demande mondiale de pétrole liée à son prix élevé, il est peu probable que le cours du Brent repasse sous la barre des 100 dollars dans les prochaines semaines (contre plus de 120 dollars au 31 mai). L’intervention de l’Arabie saoudite est insuffisante pour compenser la perte de pétrole russe sur les marchés. L’emballement des prix énergétiques constitue évidemment une des principales menaces pour la croissance de l’économie mondiale et l’ancrage des anticipations d’inflation.

Du côté de la bourse américaine, plusieurs éléments de fragilité sont apparus ces dernières semaines. Jusqu’à très récemment, les investisseurs très exposés aux actifs américains avaient bénéficié de la force du dollar, ce qui avait atténué l’effet de leur correction (au plus haut de la mi-mai la hausse du dollar face à l’euro depuis le début de l’année atteignait plus de 9%). Ce n’est plus le cas depuis fin mai (baisse de 3% face à l’euro). La monnaie unique a repris quelques couleurs depuis que la Banque centrale européenne (BCE) prépare plus activement les marchés à une phase de resserrement de sa politique (sortie des taux d’intérêt négatifs d’ici la fin de l’année, voire une première hausse des taux directeurs dès le mois de juillet). La tournée de Joe Biden en Asie a ouvert la voie à un allègement des barrières douanières à l’égard de la Chine dont les indicateurs économiques devraient logiquement s’améliorer avec la sortie du confinement et les multiples mesures de soutien, ce qui renforce le renminbi. Le dollar semble donc avoir atteint son pic et ne parait plus en mesure de protéger efficacement contre le déclassement relatif des actifs américains, du moins à court terme. Ensuite, la correction du S&P 500 a illustré avec éclat les risques liés à la surconcentration dans l’allocation des actifs : huit valeurs technologiques expliquent près de la moitié du recul de cet indice depuis le début de l’année. Malgré des niveaux de valorisation des grands leaders américains de la technologie redevenus beaucoup moins excessifs, les phases de repli du marché ont été systématiquement accompagnées par des corrections souvent violentes des stars du Nasdaq Composite (en baisse de 23% depuis le début de l’année, l’indice ayant effacé toute sa surperformance relative par rapport au S&P 500 depuis le début de la crise sanitaire de mars 2020). Cela s’explique par la surexposition de nombreux portefeuilles aux thèmes très à la mode depuis plus de deux ans : dans les fonds d’investissement et les ETF spécialisés dans le cloud, l’intelligence artificielle, la transition digitale, le changement climatique, l’industrie 4.0, la robotique, etc. nous retrouvons souvent les mêmes géants de la technologie avec des niveaux de pondération très élevés du fait de leur capitalisation boursière : Alphabet, Amazon, Apple, Microsoft, Nvidia… Lorsque les investisseurs réduisent leur exposition au risque, ils vendent nécessairement les mêmes titres, ce qui dénote avant tout une diversification insuffisante de leurs portefeuilles. Depuis quelques jours, les valeurs technologiques profitent certes d’une stabilisation des taux d’intérêt réels. On peut néanmoins s’inquiéter du poids considérable des distributions gratuites d’actions et programmes de stock-options (stock-based compensation) dans les bénéfices ajustés, dont usent et parfois abusent les entreprises technologiques qui publient leurs résultats en normes comptables « non-GAAP » (GAAP acronyme pour Generally Accepted Accounting Principles) sans retraiter leurs bénéfices pour y intégrer le coût d’une technique de rémunération qui dilue inévitablement les actionnaires. Les investisseurs ont trop longtemps évacué cette question lorsque l’environnement des taux d’intérêt permettait de négliger le sujet de la valorisation des actifs. La forte déception (cours de bourse en baisse de 40%) suscitée par l’avertissement sur les résultats trimestriels de la plateforme Snap a d’ailleurs rappelé tout l’intérêt d’un retour aux fondamentaux : investir consiste aussi à lire des bilans, des comptes de résultats et à calculer des cash-flows. Dans le cas de Snap, les actionnaires s’inquiètent du poids élevé des programmes de distribution d’actions gratuites (plus de 30% d’augmentation du nombre d’actions depuis son introduction en bourse en 2017) alors que le cours du titre est repassé sous le niveau fixé lors de son IPO (14 USD contre 17 USD). En 2021, les attributions d’actions (coût total en dollar en hausse de 42%) représentaient environ 27% des ventes publiées et près de 1,8 fois l’EBITDA (excédent brut d’exploitation) ajusté ! De nombreuses entreprises technologiques parmi les stars du cloud, de la fintech, des réseaux sociaux et de la cybersécurité offrent des exemples similaires. Le free-cash-flow publié exclut le plus souvent les distributions d’actions gratuites pour donner une idée plus précise de l’évolution opérationnelle des affaires, selon l’argument habituellement avancé par les directions financières. Une partie significative de l’inflation salariale dans les secteurs innovants est ainsi masquée par les pratiques comptables. Les investisseurs ont tout intérêt à refaire les calculs !

CONCLUSION

Les économistes des Cahiers Verts de l’Economie expliquaient dans une note récente que depuis 1955, l’économie américaine n’avait jamais évité une récession dans les deux ans qui avaient suivi les trimestres avec un taux de chômage inférieur à 5% et une inflation moyenne supérieure à 4%. Certes, les risques de récession aux États-Unis ne devraient pas se matérialiser en 2022 car l’économie profite encore largement des politiques ultra expansionnistes de 2020-2021 adoptées durant la pandémie, et de la fin des restrictions sanitaires (effets particulièrement visibles dans les services). Le marché de l’emploi reste encore un puissant moteur pour la consommation des ménages favorisée par l’épargne accumulée durant la pandémie, même si quelques distributeurs moins exposés aux classes supérieures ont déçu les investisseurs à l’occasion de leurs dernières publications trimestrielles (Walmart, Target, Kohl’s… contrairement aux groupes davantage axés sur les produits plus haut de gamme tels que Nordstrom). Le marché immobilier résidentiel américain, pénalisé par des taux hypothécaires désormais supérieurs à 5% (un choc de 200 points de base), ne fait qu’amorcer son retournement. Néanmoins les vents contraires sont bien présents et la récession, même de courte durée, est une solution parfaitement envisageable pour modérer la demande intérieure dans un contexte de contraintes de production, de main d’oeuvre et de chaînes logistiques toujours bien présentes. L’ancrage des anticipations d’inflation est fondamentale pour éviter la boucle prix-salaires. La récession n’est bien sûr pas certaine, beaucoup dépendra de l’issue de la guerre en Ukraine. Mais plus le conflit s’enlise, plus l’inflation risque de s’installer dans le paysage économique, ce qui pourrait modifier les attentes et le comportement des consommateurs et des entreprises. La toile de fond n’a finalement pas beaucoup varié depuis la fin avril en dehors d’une stabilisation des attentes de resserrement de la politique monétaire de la Réserve fédérale, ce qui doit nous conduire à garder une attitude prudente dans les prochaines semaines.


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