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Note mensuelle actions : l’édition de décembre 2018 Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2018-12-11

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LES MARCHÉS PEINENT À SE STABILISER 

  • Une accalmie passagère
  • La décote politique de l’Europe devient structurelle
  • Les rendements attendus à long terme sur les marchés d’actions

UNE ACCALMIE PASSAGÈRE

Malgré un mois de novembre très chaotique, les principaux marchés boursiers de la planète étaient parvenus à reprendre un peu de couleurs avant le G20, dans l’espoir d’un accord entre Washington et Pékin sur leur différend commercial. Les espoirs n’avaient pas été vains puisque les deux belligérants convenaient de poursuivre les discussions tout en gelant les tarifs douaniers pour une période de trois mois. Les investisseurs avaient salué cette avancée, mais la fête fut de très courte durée. Les incertitudes quant à l’issue de ce conflit restent élevées, ce dont témoigna rapidement la grande volatilité des marchés dans les jours qui suivirent le G20, alors que l’arrestation au Canada de la directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei semblait remettre de l’huile sur le feu. Il est à signaler que ce sont bien les actifs financiers américains ainsi que les marchés émergents, surtout les indices chinois, qui profitent le plus des nouvelles au sujet des négociations commerciales lorsqu’elles sont positives. Les actifs européens restent le plus souvent en retrait.

Corrélation n’est pas causalité

Aux États-Unis, les actions trouvèrent un soutien éphémère dans le discours plus accommodant prononcé par le président de la Réserve fédérale, Jérôme Powell, qui laisse entendre que la politique de resserrement monétaire pourrait connaître une pause après la dernière hausse des taux directeurs attendue en décembre prochain (taux d’intervention jugés proches de la position de neutralité selon la Fed). Néanmoins, le mardi 4 décembre, les indices plongeaient brusquement de plus de 3% sous l’effet d’une inversion de la courbe des taux d’intérêt américains (pente en partie négative, soit un écart négatif entre les taux longs et le taux à 2 ans) ; le taux souverain à 10 ans est ainsi repassé sous la barre des 3% alors qu’il dépassait 3,20% au début du mois de novembre. Dans l’esprit de nombreux investisseurs une inversion de la courbe des taux est synonyme d’augmentation significative du risque de récession, alors même que les indicateurs d’activité infirment fortement ce scénario à court terme. Nous signalons à ce propos que la Banque centrale américaine prévoit toujours une croissance réelle (avant inflation) du produit intérieur brut (PIB) de 2,5% en 2019, suivie de 2% en 2020. Il s’agit bien d’un ralentissement du rythme de progression par rapport à celui attendu en 2018 (+3,1%), mais en aucun cas d’une récession ! Pour le moment, l’inversion de la courbe des taux semble faire l’objet d’une interprétation abusive. Il existe bien une corrélation statistique entre inversion et récession observée sur une longue période, mais le lien de causalité n’est pas établi. Cette confusion entre corrélation et causalité est assez regrettable. Aujourd’hui, la courbe des taux américains reflète surtout la normalisation de la politique de la Fed et nous renvoie l’écho de la crise de 2008. En dehors d’éventuels chocs exogènes, les fondamentaux économiques des États-Unis restent suffisamment solides ; excepté quelques cas particuliers dont le poids économique est plutôt limité, on n’observe pas encore de risques de surchauffe. 

Les questions politiques demeurent

En Europe, les indices ont continué d’être malmenés par les questions politiques. La Commission européenne a ouvert une procédure pour déficit excessif à l’égard de l’Italie. Les discussions sont néanmoins engagées afin de trouver un compromis acceptable entre Bruxelles et Rome. Les taux souverains italiens se sont d’ailleurs détendus durant le mois écoulé. Malheureusement, pour la tranquillité des marchés, cela ne signifie nullement que la question italienne est en passe d’être résolue, car dans le même temps l’économie domestique subit une dégradation significative de ses fondamentaux qui décrédibilise un peu plus la trajectoire budgétaire proposée par la coalition au pouvoir, alors que les tensions au sein du gouvernement populiste restent vives (rumeurs de démission du ministre des finances Giovanni Tria).

Au Royaume-Uni, les incertitudes sur le Brexit persistent ; Theresa May affronte une vive opposition parlementaire en vue de faire adopter par la Chambre des communes l’accord obtenu avec grandes difficultés avec la Commission européenne.  

En France, la gestion politique calamiteuse de la hausse des taxes en faveur de la transition énergétique face au phénomène populaire des gilets jaunes a rappelé que le pouvoir en place ne bénéficie pas d’un soutien citoyen de grande ampleur, du moins pour faire accepter sans heurt ses réformes les plus décriées. La simple lecture des résultats électoraux du premier tour de l’élection présidentielle de 2017 aurait sans doute permis de tirer de semblables conclusions. 

LA DÉCOTE POLITIQUE DE L’EUROPE DEVIENT STRUCTURELLE

A quelques mois des prochaines élections européennes qui promettent une exacerbation des tensions entre les partis réputés europhiles et ceux qualifiés de populistes, la décote politique qui frappe les marchés boursiers européens semble vouloir persister. La désaffection à l’égard d’une Europe politique dont les titres de gloire ont été fort peu nombreux ces quinze dernières années ne touche pas seulement des populations toujours plus nombreuses à reprocher à Bruxelles de les avoir mal préparées aux défis de la mondialisation et de la révolution digitale. 

Pour le moment ce rejet semble très largement partagé par les investisseurs internationaux qui, depuis le printemps, ont significativement diminué leur exposition aux actifs européens en faveur, pour l’essentiel, des marchés américains et plus précisément des grandes valeurs technologiques. 

Une Europe qui souffre de plusieurs maux

Cette situation a malheureusement peu de chances de s’améliorer significativement à court terme. Un accord entre l’Italie et la Commission européenne offrirait évidemment un soulagement appréciable. Néanmoins, les polémiques ne se limitent pas à l’Italie.

L’absence de leadership politique - Angela Merkel et Emmanuel Macron sont très affaiblis dans leur propre pays - freine les réformes qui sont indispensables pour que l’Europe devienne enfin un espace économique réellement efficace où les excédents d’épargne des uns sont intelligemment réinvestis dans les pays à plus faible potentiel de croissance  - ce qui n’est plus le cas depuis la crise des dettes souveraines. 

Le récent épisode des gilets jaunes en France ne plaide évidemment pas en faveur d’un optimisme béat : ce pays a peut-être gaspillé avec légèreté sa dernière occasion de réformer son modèle économique et social en profondeur, alors qu’il venait à peine de recouvrer un peu de crédit auprès des investisseurs internationaux. Toute la difficulté pour la France, comme pour d’autres pays souffrant des mêmes maux, est d’implémenter des réformes structurelles dont les effets ne se feront sentir, en termes de croissance potentielle et de PIB par habitant, que dans plusieurs années, alors que ces réformes peuvent à court terme avoir des effets récessifs difficilement acceptables pour les citoyens.

La décote européenne ne peut que se justifier par les incertitudes politiques

Nous avons déjà insisté sur la décote des marchés européens par rapport aux indices américains. Exprimée en termes de rapport cours sur bénéfices, elle est supérieure à 20% alors que le consensus pour l’année 2019 est du même ordre de grandeur sur les deux zones, à savoir une progression des profits de l’ordre de 9%. Certains objecteront que la croissance de l’économie américaine est très supérieure à celle enregistrée dans la zone euro. 

Pourtant, à y regarder de plus près, la croissance potentielle du PIB n’est pas très différente, surtout lorsque la croissance démographique américaine plus dynamique est prise en compte. Ainsi, si le rythme de croisière de progression de l’économie américaine est de l’ordre de 1,5% à 2% par an (1,8% selon les estimations de la Réserve fédérale), la croissance potentielle de la zone euro est comprise entre 1% et 1,5%. Compte tenu de la plus forte exposition des sociétés cotées européennes à la croissance mondiale, rien ne justifie leur forte décote en dehors des incertitudes politiques devenues hélas prégnantes dans l’esprit des gérants d’actifs financiers. 

Seule une atténuation significative du risque politique permettrait aux actifs européens de recouvrer un peu de couleurs. Car si la valorisation est devenue très attrayante à long terme - le rendement des dividendes atteint 4% en Europe -, elle n’est pas un catalyseur suffisant pour la performance boursière des prochains mois.  L’investisseur devra donc s’armer de patience et veiller à la bonne diversification de son portefeuille. Les marchés émergents, qui ont fortement souffert en 2018 de la normalisation de la politique monétaire de la Fed et des tensions commerciales, offrent à présent des valorisations très attrayantes dans une perspective de long terme.

LES RENDEMENTS ATTENDUS À LONG TERME SUR LES MARCHÉS D’ACTIONS

Les catalyseurs pour un rebond des marchés sont nombreux et bien identifiés : issue heureuse des conflits commerciaux, surtout celui entre les États-Unis et la Chine, accord entre Bruxelles et Rome sur le budget italien, sortie du Royaume-Uni de l’Union en bon ordre, indicateurs économiques et résultats des entreprises infirmant les scénarios les plus pessimistes (convergence à rythme modéré vers la croissance potentielle plutôt que récession), pour ne citer que les principaux.  
La forte correction récente des prix pétroliers (-30% depuis les plus hauts niveaux de l’année) et le recul des taux longs américains – facteur de soutien du marché immobilier résidentiel -  sont des éléments positifs qu’il ne faut pas négliger. 

Cependant, compte tenu des incertitudes élevées, il nous paraît à ce stade prématuré de vouloir calculer des objectifs de performance pour les indices boursiers en 2019. Néanmoins, nos calculs indiquent des rendements à long terme attrayants : 8% à 9% en moyenne annuelle selon les marchés (dividendes bruts réinvestis). Les actions européennes offrent aujourd’hui l’avantage de verser de généreux dividendes (rendement proche de 4%) qui sécurisent une grande partie de la performance espérée. La forte correction des secteurs les plus cycliques et du segment des petites et moyennes valeurs a multiplié les occasions d’achat à bon compte, alors que les discours récents des entreprises, nous le rappelons une fois de plus, ne confirment pas les hypothèses les plus noires même si la prudence est de mise dans le cadre des tensions commerciales. 

Nos propres calculs reposent sur des hypothèses de croissance prudentes. Ils produisent des résultats qui ne sont pas contredits par ce que la bourse américaine a rendu sur une période très longue, soit une performance annuelle réelle moyenne (avant inflation) de 6,7% sur la période 1899-2017 (source : JPMorgan). Le rendement mondial des cash-flows libres (après investissements) des sociétés cotées est de l’ordre de 5%, un niveau proche de la moyenne des vingt dernières années. Pour rappel, cette mesure de la génération des excédents de trésorerie d’une entreprise permet de se faire une idée précise de sa capacité à rémunérer les actionnaires via la distribution de dividendes et les rachats d’actions propres ; le solde est utilisé pour augmenter la trésorerie, réduire l’endettement ou encore effectuer des opérations de croissance externe. Le free-cash-flow est donc une mesure pertinente de la création de valeur pour les propriétaires de l’entreprise.  

Pour terminer, nous voulons insister sur l’importance que revêt la psychologie des marchés alors que nous avons pu observer ces dernières années une surconcentration de paris financiers sur des thématiques variées qui explique la rapidité et l’ampleur des corrections liées au débouclage de positions spéculatives détenues par les hedge funds, les fonds quantitatifs ou les fonds CTA (commodity trading advisor) spécialisés dans l’investissement via les marchés dérivés. La correction violente des prix pétroliers en est une excellente illustration. Ainsi, les prix de marché peuvent régulièrement se déconnecter des fondamentaux, créant des bulles mais aussi des occasions d’investissement. C’est lorsque les valorisations de marché sont en baisse que les rendements espérés augmentent ! Certes, le retour de la volatilité des prix de marché perturbe de nombreux investisseurs. Ce sera le prix à payer pour capter à long terme la valeur offerte par les actions.


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