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Notre scénario central conforté Dominique Marchese, Head of Equities & Fund Manager, 2019-04-05

  • De l’importance des biais cognitifs dans le fonctionnement des marchés
  • Scénario central : pas de remise en cause de notre plan de campagne

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De l’importance des biais cognitifs dans le fonctionnement des marchés

La gestion de portefeuille est un domaine où les biais cognitifs sont nombreux. Ils concernent autant les amateurs éclairés, les boursicoteurs à l’affût d’idées géniales mais souvent peu enclins à supporter les périodes de forte volatilité, pourtant propices aux bonnes affaires, que les professionnels qui ont le plus grand mal à admettre la prégnance de la psychologie dans leurs décisions d’investissement. Les leçons du passé leur sont trop souvent de peu de secours ; les investisseurs sont en effet connus pour avoir la mémoire courte… L’environnement actuel offre de nombreuses illustrations de ces biais cognitifs. Signalons au passage que depuis une bonne quinzaine d’années s’est développé tout un pan de la théorie économique et financière, appelé finance comportementale, qui vise à étudier en profondeur les phénomènes psychologiques appliqués à la finance.

Parmi les biais cognitifs les plus répandus, nous pouvons citer cette fâcheuse tendance chez certains à ne sélectionner que les informations qui confirment leurs opinions, alors qu’ils gagneraient à étudier sérieusement les arguments et les évènements qui infirment leurs propres analyses ou qui, du moins, permettraient de les nuancer. On parle de biais de confirmation. 

Depuis le début de l’année, les signes de ralentissement de l’économie mondiale - retournement du cycle conjoncturel plus que largement anticipé par les marchés l’an dernier - se sont ainsi multipliés ; les investisseurs les plus pessimistes y ont vu la plus éclatante confirmation de leurs craintes au sujet de la fin du cycle économique. La reprise des indices boursiers depuis le début de l’année ne serait que le reflet du comportement irrationnel des acteurs de marché. 

La preuve la plus évidente du marasme qui s’annonce serait d’ailleurs le revirement inattendu des principales banques centrales, la Réserve fédérale en tête, qui ont récemment adopté des discours plus accommodants, pour ne pas dire franchement complaisants à l’égard des prix des actifs financiers - le fameux « put » dans le cas de la Réserve fédérale ou la croyance dans la volonté de la Banque centrale américaine d’éviter les krachs financiers. 

Le comportement des marchés obligataires depuis le début de l’année (baisse des taux d’intérêt, taux souverain allemand à 10 ans en territoire négatif, inversion de la courbe des taux souverains américains – taux longs inférieurs aux taux courts) militerait ainsi pour la plus grande prudence à l’égard des actifs risqués, et en particulier des actions, car il refléterait les fondamentaux fortement détériorés de l’économie mondiale. 

Dans le même temps, les risques géopolitiques sont toujours d’actualité – Brexit (perte de contrôle du processus par le gouvernement britannique), négociations commerciales américano-chinoises (nombreux points de friction malgré les avancées réelles). 

Pour terminer, les résultats publiés par les entreprises cotées et les prévisions se sont accompagnés d’une contraction des attentes du consensus pour l’année 2018 (bénéfices 2019 du S&P 500 attendus en hausse de 4% contre un consensus autour de 7% à la fin 2018 ; résultats des actions européennes en progression de 6% contre 8% attendus). 

Les investisseurs pessimistes font évidemment fi des signaux rassurants qui militent pour un ralentissement modéré de l’économie mondiale, plutôt que pour un effondrement désordonné (lire nos deux dernières lettres mensuelles), et surtout pour une croissance économique toujours supérieure à son niveau potentiel (rythme de croisière en situation de plein-emploi).

Un autre biais cognitif consiste à généraliser un phénomène particulier, ou plus précisément à tirer d’une proposition jugée vraie une autre plus générale considérée comme également vraie. Il s’agit, par exemple, de conclure à une forte dégradation des perspectives de l’économie et partant des résultats des entreprises au départ de quelques prévisions - plutôt sombres il est vrai - de groupes tels que FedEx (transport de fret) ou Caterpillar (engins miniers et de construction). Dans ce cas-ci, peu importent les commentaires rassurants d’autres groupes industriels, réputés tout autant cycliques mais dont le positionnement géographique, la diversité des métiers, l’exposition à des marchés plus porteurs témoignent de la grande diversité des situations entre les régions, les secteurs et les sous-segments d’activité. Nous pouvons par exemple saluer les bonnes publications de Schneider Electric (biens d’équipement), Mersen (équipements électriques) ou encore Arkema (chimie de spécialité). Ce biais se rencontre aussi dans les conclusions tirées hâtivement de la lecture de quelques statistiques économiques qui ne portent que sur une partie du produit intérieur brut (PIB). Du ralentissement conjoncturel bien réel du secteur manufacturier (prudence légitime des donneurs d’ordre, diminution des stocks, ralentissement du commerce mondial dans le cadre des tensions commerciales, secteur automobile impacté par les nouvelles normes anti-pollution), certains en ont conclu abusivement que l’ensemble de l’activité des économies développées était sur une pente dangereuse. Mais l’industrie ne représente que 10 à 20% du PIB des pays de l’OCDE. La consommation des ménages et les services - informatiques notamment avec la forte croissance des investissements dans le digital -  occupent une place bien plus grande, ce qui explique finalement la bonne résistance du PIB. L’amélioration des revenus réels des ménages (baisse de l’inflation, légère accélération à la hausse des salaires) et la contraction du taux de chômage sont des facteurs qui amortissent significativement le retournement du cycle manufacturier. 

Ces quelques exemples n’ont pas pour but de donner une liste exhaustive des biais cognitifs ; ils sont destinés à illustrer les erreurs qui n’épargnent pas même les professionnels qui ont à leur disposition une batterie d’indicateurs économiques et de marché, ainsi qu’une masse impressionnante d’analyses et de commentaires d’entreprises qui doivent leur permettre d’élaborer une stratégie argumentée et raisonnable malgré le haut niveau d’incertitude. 

Dans le cas présent, il est instructif d’observer la réaction des stratégistes les plus sombres face à la hausse à deux chiffres des indices boursiers depuis le début de l’année. En effet, il est intéressant de constater que la reprise des marchés s’est déroulée alors même que la décollecte dans les fonds actions a persisté durant une grande partie du trimestre, y compris aux États-Unis. Dès le mois de janvier, certains gérants ont profité du rebond pour diminuer davantage l’exposition de leurs portefeuilles aux actions. Les liquidités détenues par les organismes de gestion de fortune demeurent très élevées. Autrement dit, la prudence affichée par les investisseurs à la fin de l’année dernière ne s’est pas subitement retournée. C’est une nouvelle plutôt rassurante : si la hausse des indices boursiers durant le premier trimestre trouve son explication dans le fait que les vendeurs se sont faits plus rares (volumes négociés dans la phase de rebond plutôt faibles) - ils avaient déjà largement revu leurs allocations d’actifs à la fin de 2018 au détriment des actifs risqués -, il reste un potentiel de hausse lié à un éventuel retour des investisseurs les moins convaincus par l’embellie. Une stabilisation des indicateurs économiques - fin des surprises négatives par rapport au consensus – et des attentes de résultats des entreprises, combinée à une amélioration de l’environnement géopolitique, aurait pour conséquence de voir les masses de liquidités détenues par les gérants d’actifs revenir sur les marchés. Ce scénario est-il complètement irréaliste ? Pendant combien de temps un investisseur européen va-t-il se contenter du rendement négatif ou misérable des obligations souveraines et des obligations d’entreprise de qualité (investment grade) alors que les actions offrent un rendement des dividendes proche de 4% dans un environnement peu inflationniste, un rendement conforté par la génération des excédents de cash-flows (rendement des free-cash-flows proche de 6%, supérieur à sa moyenne historique) ? 

Alors que le scénario de la récession semble écarté, nombreux sont les professionnels du secteur de la gestion à pointer du doigt la faiblesse structurelle de l’économie mondiale, à savoir les dettes publiques et privées accumulées depuis la crise de 2008 qui fragilisent la croissance mondiale et les marchés financiers. Nous en avons déjà fait état dans nos précédentes publications. Cette antienne n’est pas nouvelle et revient régulièrement sous le feu des projecteurs. Néanmoins, nous ne voyons pas de risque majeur tant que les taux d’intérêt restent à des niveaux garantissant la solvabilité des acteurs économiques publics et privés. Les banques centrales ont bien compris l’enjeu ; leur revirement des dernières semaines indique qu’elles s’opposeront par tous les moyens à une nette dégradation des conditions financières de marché susceptible de menacer tout l’édifice. La faiblesse des pressions inflationnistes, malgré la légère accélération des salaires aux États-Unis justifiée par les gains de productivité, fonde parfaitement la position des banques centrales. 

A plus long terme, nous pensons d’ailleurs que le vrai sujet est la baisse du niveau de croissance potentielle qui milite pour une modernisation accélérée du capital productif et un effort accru d’éducation de la jeunesse et de la population active, notamment dans les sciences fondamentales et les nouvelles technologies, un problème que partagent bon nombre de pays. La lutte contre les inégalités ne pourra se faire qu’en créant davantage de richesses (gains de productivité équitablement partagés entre salaires et capital). La dette est soutenable si elle finance prioritairement l’investissement productif - et non les dépenses courantes – qui alimente une croissance économique forte.

Scénario central : pas de remise en cause

Nous vous rappelons le scénario central sur lequel nous fondons notre stratégie en actions en 2019. La situation macro-économique à court-terme n’est certes pas bonne ; le secteur manufacturier est probablement en récession. Néanmoins, les indicateurs avancés commencent à montrer des signes de stabilisation, ce qui milite pour la thèse du « trou d’air » puis d’une stabilisation, voire d’une légère reprise de la croissance économique dans la deuxième partie de l’année. En effet, plusieurs facteurs de soutien sont susceptibles de dynamiser l’activité économique, ce qui ne se voit pas encore à la seule lecture des études de conjoncture. Nous soulignons ainsi l’assouplissement des conditions financières mondiales et les politiques monétaires accommodantes (pause décidée par la Réserve fédérale, hausse des taux de la zone euro reportée bien au-delà de la fin de l’année, relance monétaire de la Banque populaire de Chine), la nette détente sur le front des tensions commerciales même si de nombreux points de friction persistent entre les géants mondiaux, et surtout la baisse de l’inflation mondiale - et des anticipations - qui améliore le pouvoir d’achat des ménages alors que les salaires progressent. Nous notons au passage le reflux des taux hypothécaires américains à leurs niveaux de la fin 2017, taux qui ont pénalisé le secteur immobilier résidentiel l’an dernier (contribution négative à la croissance). Pour finir, nous ajoutons à cette liste la politique budgétaire plus expansionniste observée dans la zone euro grâce à l’Allemagne, la France et l’Italie (soutien à la consommation), et bien sûr la relance budgétaire en Chine. Du point de vue de la valorisation des marchés boursiers, la diminution du rythme de croissance des résultats des entreprises est compensée par la baisse des taux d’intérêt qui explique d’ailleurs la bonne performance des secteurs de croissance durant le premier trimestre (impact important de la baisse du taux d’actualisation des cash-flows futurs). C’est la raison pour laquelle la bourse américaine, davantage pondérée en valeurs technologiques, est à nouveau proche de ses plus hauts niveaux historiques de l’an dernier. Néanmoins, les secteurs cycliques profitent également du regain de confiance dans les perspectives de l’économie mondiale (chimie, construction, matières premières, biens d’équipement). 

Les risques géopolitiques sont bien évidemment plus difficiles à appréhender ; ils continueront à alimenter les incertitudes et à justifier en partie le niveau des primes de risque des marchés d’actions et la décote des indices européens que nous jugeons toutefois excessive. Néanmoins, ces risques peuvent être gérés. Le prix des assurances contre la baisse des indices est redevenu beaucoup plus abordable (baisse significative de la volatilité implicite des options de vente depuis la fin 2018), ce qui permet de couvrir les portefeuilles contre les pertes extrêmes à des conditions attrayantes.


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