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LES LEÇONS DU 1ER SEMESTRE 2025 Dominique Marchese, 2025-06-27

Mots-clés: Guerre, Iran, Israël, Trump, US, UE.

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Les investisseurs ont retenu leur souffle face à l’escalade des tensions entre Israël et l’Iran et la courte mais intense participation des États-Unis à la campagne de bombardements visant les installations nucléaires iraniennes. En dépit de quelques soubresauts sur les marchés pétroliers (risques accrus de blocage du trafic dans le détroit d’Ormuz), les marchés sont restés plutôt flegmatiques, les soutiens de l’Iran (en premier lieu la Russie et la Chine) évitant de rajouter de l’huile sur le feu. Finalement, la volonté de Donald Trump de clore au plus vite cette séquence guerrière ouvre une voie fragile à la diplomatie et à l’apaisement. Les prix pétroliers se sont nettement détendus.

La guerre

La guerre entre Israël et l’Iran rajoute évidemment à l’incertitude géopolitique mondiale qui, depuis l’intervention de la Russie en Ukraine en 2022, n’a eu de cesse de progresser. Nous pouvons citer pêle-mêle les tensions régulières entre la Chine et Taiwan, les escarmouches de mai dernier entre l’Inde et le Pakistan - deux puissances nucléaires - au sujet du Cachemire, sans oublier les cartes rebattues dans la violence au Proche-Orient depuis les interventions musclées et décisives d’Israël contre les alliés de l’Iran dans la région (renversement du régime syrien des Alaouites, affaiblissement du Hezbollah au Liban et guerre contre le Hamas responsable des attaques du 7 octobre 2023). L’arc chiite entre Téhéran et la Méditerranée, en passant par l’Irak, a finalement été brisé, sous les regards bienveillants des monarchies sunnites du Golfe. Si cette région du monde reste un impossible entrelacs de luttes séculaires souvent incompréhensibles pour les Occidentaux, les investisseurs gardent les yeux rivés sur le seul enjeu dont ils comprennent l’importance vitale pour l’économie mondiale, à savoir le détroit d’Ormuz dans le Golfe Persique, passage étroit entre l’Iran et la péninsule arabique où transitent 20 % du pétrole consommé dans le monde (dont à peine un quart pourrait éventuellement être rerouté en cas de blocage). Le régime théocratique iranien affaibli ne serait-il pas tenté, dans le scénario de son renversement - pour le moment non garanti -, de basculer le monde dans le chaos par l’adoption de la stratégie de la fuite en avant (blocage du détroit d’Ormuz et atteinte aux infrastructures pétrolières des alliés des États-Unis dans la région) ? Pour le moment, rien n’indique que Téhéran a choisi cette option suicidaire synonyme de crise économique mondiale. Les ressources budgétaires de l’Iran, indispensables pour payer les salaires de ses forces de sécurité, proviennent pour environ 30 à 35% des exportations d’hydrocarbures. Le gouvernement de Pékin, soutien de l’Iran, a lui-même bien compris la menace, alors que la Chine achète 90% des exportations de pétrole iranien et que 12% de sa consommation d’hydrocarbures passent par le détroit. La Chine n’a aucun intérêt à une déstabilisation des routes commerciales du Golfe Persique. Nous en concluons que Téhéran ne semble pas avoir les coudées franches du point de vue de ses choix militaires. C’est bien le message donné par les prix pétroliers en baisse de plus de 15% depuis leurs sommets récents, avec une nette détente dans les heures qui ont suivi le cessez-le-feu exigé par Donald Trump. Nous constatons que les infrastructures pétrolières iraniennes n’ont pas été ciblées par les frappes, afin de ne pas contraindre Téhéran à l’escalade. Dans ce contexte explosif, nous notons que la Russie est restée mesurée dans ses réactions diplomatiques à l’égard de l’intervention américano-israélienne, attendu que le réchauffement des relations entre Washington et Moscou depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche joue plutôt en faveur de la Russie dans le cadre du conflit en Ukraine. Néanmoins, les régimes autoritaires antioccidentaux peuvent également reconnaître que les démocraties n’hésitent pas, lorsque la situation l’exige, à entrer en guerre en y mettant les moyens. Donald Trump n’aime pas la guerre, il l’a souvent répété, mais en cas de nécessité absolue sa main ne tremble pas lorsque les lignes rouges qu’il se fixe sont franchies. L’aboutissement du programme nucléaire militaire iranien en fait partie.

La grande leçon des évènements au Moyen-Orient est la confirmation que les relations internationales sont entrées pour longtemps dans une ère de grand désordre synonyme de volatilité pour les marchés financiers. La question n’est plus aujourd’hui de savoir si oui ou non les démocraties libérales auront à gérer des conflits de haute intensité, mais quand. L’OTAN se prépare à une confrontation avec la Russie considérée comme inévitable d’ici 2030 sans dissuasion conventionnelle crédible. Pour les États, cette époque de confusion exige un effort considérable d’investissement dans les capacités militaires et dans les infrastructures dites de sécurité dont dépend grandement la défense (cybersécurité, satellites, énergie, transport…), alors que d’autres enjeux ont toujours le plus grand mal à trouver les financements (écologie, climat, santé…) dans un contexte budgétaire globalement très tendu. Dans l’Union européenne (UE), l’effort de réindustrialisation n’est plus une option politique pilotée en priorité par les objectifs de développement durable, mais une urgence absolue dans le cadre de son autonomie stratégique, alors que les capacités restent contraintes (industrie militaire reposant avant tout sur un vaste réseau de petites entreprises peu capitalisées aux productions habituées aux petites séries), ce qui bouscule inévitablement les choix idéologiques de l’UE des vingt dernières années. La boussole de compétitivité présentée par la Commission en janvier dernier, inspirée du rapport de Mario Draghi, et le plan « Readiness 2030 » visant à mobiliser 800 milliards d’euros dans la défense (avec la priorité donnée aux équipements) ne sont que le point de départ d’un réveil salutaire du Vieux Continent.

Les leçons économiques et financières du 1er semestre

Du point de vue de la macroéconomie et des marchés financiers, plusieurs tendances se sont dessinées durant le 1er semestre qui continueront d’influencer les choix d’allocation d’actifs des investisseurs. Nous les résumons dans la suite.

  • Dans le cadre de la guerre commerciale et de la remise en cause du modèle de développement des États-Unis (privilège exorbitant du dollar, aspiration de l’épargne mondiale, immigration de travail, leadership technologique, réassurance militaire de ses alliés), nous notons les inquiétudes grandissantes des investisseurs autour de l’exceptionnalisme américain. Les économistes sont unanimes : les États-Unis seront le pays le plus impacté par la hausse des droits de douane (hypothèse de tarifs moyens autour de 15%, soit six fois le niveau d’avant le début du second mandat de Donald Trump, un niveau record depuis les années trente). Les ménages seront bien évidemment les premières victimes. Le consensus de croissance économique en volume a ainsi été divisé par deux (+1,4% en 2025 et +1,6% en 2026 contre +2,8% en 2024). L’impact sur la croissance des autres régions du monde est plus mesuré (croissance mondiale prévue à +2,7% en 2025 et +2,8% en 2026 contre +3% l’an dernier). La croissance économique de la Chine, moins impactée par la hausse des droits de douane que prévu (les terres rares restent un levier de négociation efficace), est favorisée par sa compétitivité et le reroutage de ses exportations, notamment vers l’Europe. La relance de la consommation intérieure est plus poussive et profite peu de la relance budgétaire.

  • Dans un contexte de déficit budgétaire américain toujours très élevé (vers 7% du PIB selon les projections basées sur le One Big Beautiful Bill Act qui aura peu d’effet sur la croissance, puisque pour l’essentiel il ne fait que prolonger les baisses d’impôts décidées durant le 1er mandat de Donal Trump), qui alimentent le débat sur la soutenabilité de la trajectoire de la dette fédérale, nous observons un début de réallocation de l’épargne mondiale au détriment des États-Unis. La faiblesse du dollar (voulue par la Maison-Blanche), les incertitudes qui pèsent sur les décisions d’investissement des entreprises (nouvelle menace de taxation pour les investisseurs non-résidents avec la section 899 du programme budgétaire qui concerne les pays étrangers accusés de pratiques commerciales et fiscales déloyales), l’écart de valorisation entre la bourse de New York (très chère) et le reste du monde (primes de risque attrayantes), ainsi que le différentiel de croissance bénéficiaire à présent plus favorable pour les indices étrangers (surtout à partir de 2026) militent pour une allocation géographique des portefeuille plus équilibrée. Toutefois, le secteur privé américain reste solide, les marges bénéficiaires demeurent élevées et l’IA, dans lequel les États-Unis restent incontournables, constitue une formidable promesse de gains de productivité. La résilience des actions américaines (performance légèrement positive en dollar depuis le début de l’année) démontre que les investisseurs ne croient pas au scénario d’une récession américaine et restent mesurés dans leur changement d’allocation géographique.

  • La désinflation mondiale se poursuit, accentuée par la baisse des prix énergétiques (production pétrolière mondiale excédentaire) et les surcapacités chinoises (pressions déflationnistes, production réorientée vers l’Europe). Alors que la Réserve fédérale a adopté une pause dans son processus de baisse de ses taux directeurs (poussée d’inflation prévue due à la guerre commerciale ; cependant deux baisses de taux attendues avant la fin de l’année dans un contexte de stagflation), les autres banques centrales poursuivent leur assouplissement monétaire. Les taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) s’approchent de la zone de neutralité monétaire, ce qui signifie que le processus de baisse des taux est sans doute proche de sa fin (consensus pour le taux de facilité de dépôt à 1,75% d’ici fin 2025, en baisse de 25 points de base). Les anticipations d’inflation restent bien ancrées ; les tarifs douaniers sont vus comme un choc de court terme. Notons que les taux d’intérêt réels à long terme (hors anticipations d’inflation) restent stables malgré les incertitudes : autour de 2% en dollar et 1% en euro en moyenne, ce qui est favorable aux investisseurs à la recherche de revenus.

  • Le réveil politique et stratégique de l’Europe tant du côté de la Commission que de l’Allemagne (prise de conscience des fragilités et des dépendances à l’égard du reste du monde) se traduit par de nouveaux programmes de soutien (surtout allemands) et une forte surperformance des bourses européennes depuis le début de l’année, gagnantes incontestables du rééquilibrage des portefeuilles des investisseurs. L’accroissement considérable des dépenses militaires et des investissements dans les infrastructures de sécurité pourrait apporter 0,3% à 0,6% de croissance supplémentaire au PIB européen d’ici 2028 selon les économistes de Natixis (la fourchette d’estimation dépend des hypothèses de répartition entre production européenne et importations de matériels américains). En 2026, le rythme de croissance économique de la zone euro pourrait être proche de celui des États-Unis. Les Européens ont trouvé d’une certaine façon leur secteur de la technologie en termes de potentiel de croissance et de performance boursière, à savoir l’industrie de la défense qui performe davantage que les valeurs technologiques américaines depuis le début de l’année et qui n’a plus rien à envier en termes de multiples de valorisation dignes des stars de l’IA. Nous observons également le réveil du segment des petites capitalisations boursières européennes.

Conclusion

A l’heure actuelle, rien n’est encore réglé du point de vue des tarifs douaniers. Les négociations entre l’UE et les États-Unis se poursuivent avant la date butoir du 9 juillet, fin de la trêve commerciale décrétée par Donald Trump peu après son célèbre « jour de la libération » sur les droits réciproques. Face aux nombreuses incertitudes macroéconomiques et géopolitiques qui rendent les prévisions ardues, nous ne pouvons que réitérer nos conseils de diversification des portefeuilles tant en termes de classes d’actifs qu’en termes géographiques, sectoriels et styles de gestion. Une tendance se dessine après une bonne quinzaine d’années de surperformance des bourses américaines propulsées par les valeurs technologiques : les investisseurs montrent des signes clairs de volonté de révision de leurs allocations d’actifs au profit du reste du monde qui offre aujourd’hui un couple risque/rendement attendu plus attractif. Il ne s’agit pas d’un mouvement par défaut, simple conséquence des incertitudes induites par la remise en cause du modèle de développement des États-Unis par la Maison-Blanche. Les perspectives de croissance économique du reste du monde sont désormais plus favorables en comparaison de celles des États-Unis, surtout lorsque l’on se projette en 2026, alors que l’Europe prend un nouveau virage stratégique et que le découplage Chine/États-Unis devient un scénario crédible. L’extrême concentration des grands indices mondiaux en actifs américains et donc en dollar milite pour une remise en question des gestions passives. Il est intéressant d’observer que les investisseurs américains débattent eux-mêmes de ces questions.


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